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La machine à perdre, invention géniale du parti socialiste
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Présidentielles

Le parti socialiste a souvent perdu des élections qui lui semblaient acquises. Patrice Carmouze revient, dans son livre "Comment perdre une élection présidentielle à coup sûr", sur la propension des socialistes à enrayer leurs propres rouages... Extraits (2/2).

Patrice Carmouze

Patrice Carmouze

Patrice Carmouze est journaliste, animateur de télévision et de radio.

Il est notamment l'auteur du Grand Carmouzier. Petites histoires des grands ratages (Chiflet et Cie, 2010).

 

 

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Si l’on en croit les sondages publiés à un peu plus d’un an du scrutin, le candidat socialiste devrait remporter la prochaine présidentielle.

Il faut dire que les circonstances politiques sont objectivement favorables à la gauche. Le président bat des records d’impopularité dans l’histoire de la Ve République ; il est contesté dans son propre camp au point que son Premier ministre ferait mieux que lui s’il était candidat ; contrairement à ce qui s’était passé en 2007, la stratégie choisie par le pouvoir en place, qui consiste à aller chasser sur les terres de l’extrême droite, se retourne cette fois contre lui et favorise le Front national, à telle enseigne que l’hypothèse d’un 21 avril à l’envers est de plus en plus sérieusement envisagée ; sur le plan social, le chômage ne reculera pas dans l’année qui vient ; la croissance, si elle repart, ne sera de toute façon pas assez forte pour changer la situation économique du pays, permettre d’augmenter les salaires et réduire les inégalités ; la dette, qui continue de croître, obligera le gouvernement à prendre des mesures draconiennes dans son budget de 2012 qui, par la force des choses, mécontenteront l’opinion ; des affaires comme l’affaire Clearstream, auxquelles s’ajoutent des petits arrangements qui favorisent les amis du président, risquent d’altérer encore l’image de Nicolas Sarkozy.

Enfin, la gauche n’aura pas gagné une élection présidentielle depuis vingt-quatre ans, plus de temps que Mitterrand n’était resté dans l’opposition sous de Gaulle, Pompidou réunis. Il faudrait donc beaucoup d’ingéniosité pour parvenir à perdre cette élection. Et pourtant, ce risque est bien réel. Voici pourquoi.

1. Les primaires, qui étaient censées désigner un candidat incontestable de la gauche, risquent de diviser le Parti socialiste. Le PS a fait par deux fois l’expérience des primaires. En 1995 lorsqu’un vote des sections a désigné Lionel Jospin contre Henri Emmanuelli, alors premier secrétaire du PS ; en 2007 lorsque Ségolène Royal fut choisie contre Dominique Strauss- Kahn et Laurent Fabius par une large majorité d’adhérents.

Or, en 1995 comme en 2007, le candidat socialiste fut battu. Pour 2012, une autre procédure a été mise en place. Désormais, ce ne sont pas seulement les adhérents mais tous ceux qui le souhaitent qui pourront voter à ces primaires. Un temps envisagées pour rassembler toute la gauche, elles ne serviront toutefois qu’à désigner le candidat socialiste.

Dans l’esprit de leurs concepteurs, les primaires devaient aboutir à un choix clair et incontestable. Or, jusqu’ici, elles n’ont contribué qu’à diviser le Part  socialiste. La réalité est que le PS paye ce qui est son péché originel depuis la disparition de Mitterrand, à savoir l’absence d’un leader incontestable. Et toutes les initiatives qu’il met en œuvre ne servent qu’à faire mine de combler ce manque. À ces tares congénitales s’ajoute un calendrier ubuesque. Le candidat ne sera désigné qu’au mois d’octobre 2011. Les Français auront à peine plus de six mois pour le jauger, et le PS n’aura pas plus de temps pour cicatriser ses plaies. C’est bien peu. D’autant que les candidats à l’investiture représentent chacun une ligne distincte pour le Parti socialiste, qui va de la socialdémocratie à une reprise des thèmes de l’extrême gauche.

2. Le PS continue de courir derrière son histoire, et notamment derrière son passé mitterrandien au temps où le premier secrétaire parvenait à réunir sous sa bannière aussi bien Chevènement que Rocard, Emmanuelli que Defferre. Or, ce passé est révolu. Et faute de choisir une ligne claire, il tente de concilier l’extrême gauche et le centrisme. C’est politiquement impossible et électoralement suicidaire puisqu’il s’aliène les modérés sans conquérir le vote révolutionnaire.

3. Il n’est pas certain qu’à gauche tout le monde souhaite la victoire d’un socialiste à la présidentielle. Plusieurs notables du PS qui dirigent de grandes villes, des départements ou des régions savent que leur pouvoir serait fragilisé si le PS devait mettre en œuvre sa politique au plan national. Ils ne soutiendront donc leur candidat que du bout des lèvres. Quant aux écologistes, l’intérêt d’une victoire de la gauche ne leur apparaît pas clairement. Nombre d’entre eux pensent que le temps est leur allié et qu’une défaite des socialistes favoriserait une redistribution des cartes. Après tout, on le voit dans le débat sur le nucléaire, s’agissant des stratégies et des modèles de développement, les socialistes sont plus proches de la droite que des Verts. Enfin, le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon n’a plus aucune raison d’exister s’il fait, en cas de victoire du candidat socialiste, alliance avec lui. En revanche, un nouveau mandat de la droite lui permettrait de rendre son discours radical plus crédible.

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Extraits deComment perdre une élection présidentielle à coup sûr, Robert Laffont (novembre 2011)

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