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Quand des banquiers de Wall Street poursuivent en justice l’Etat fédéral qui les a sauvés de la crise et ont de grandes chances de le faire condamner
©Reuters

Ceux qui osent tout

Six ans après les mesures exceptionnelles prises par l'Etat fédéral pour éviter un effondrement du système financier, Maurice Hank Greenberg, l’ancien directeur général d’AIG, et William Ackman ont décidé d’attaquer en justice l’Etat fédéral américain.

Stephen Dreyfuss

Stephen Dreyfuss

Stephen Dreyfuss est avocat, associé du cabinet Hellring Lindeman Goldstein & Siegal LLP de Newark, New Jersey. Le champ de son activité s'étend notamment au droit international privé des affaires, y compris le droit pénal des affaires, les contentieux internationaux, l'investissement direct et les "joint ventures".

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Atlantico : Deux hommes d’affaires américains, Maurice Hank Greenberg, l’ancien directeur général d’AIG, et William Ackman ont décidé d’attaquer en justice l’Etat fédéral américain pour son rôle de la gestion de la crise financière. Qu'est ce que reproche Greenberg à l'Etat ?

Stephen Dreyfuss : Les deux cas sont tout à fait différents. Le procès intenté par Maurice Hank Greenberg a pour sa part déjà eu lieu et est actuellement en délibéré en première instance. Le procès a eu lieu  devant une cour spéciale dédiée uniquement aux plaintes contre l'Etat américain. L'avocat de Greenberg est redoutable, c'est lui qui avait défendu Al Gore dans le comptage des élections en Floride face à Bush. Il a plaidé l'idée que comme les conditions de sauvetage offertes aux autres banques étaient meilleures, cela a causé du tort à Greenberg. Et la constitution estime que la protection que confère la loi doit être appliquée de manière égale entre les citoyens. Cela a d'ailleurs été raillé par l'opinion publique américaine et ce concept a été tourné en dérision avec l'expression "equal protection for billionaires". Par ailleurs, loi autorise le gouvernement américain à prêter de l'argent aux sociétés privées mais il existe un vide juridique quant à la prise d'intérêt. Sa plainte s'appuie donc sur le fait que Greenberg a été obligé de donner  80% des actions d'AIG pour n'en conserver que 20%. C'était la condition pour que le gouvernement accepte de prêter de l'argent à AIG. Le gouvernement était-il dans son droit en demandant des actions ? C'est à cette question que le juge devra répondre. S'il s'avère que le gouvernement n'était pas dans son droit, il pourrait être amené à devoir les rendre. 

Qu'en-t-il de cas de William Ackman ? Que reproche-t-il au gouvernement ?

Pour ce qui est du procès intenté par William Ackman, actionnaire de Freddie Mac et Fannie Mae, il n'a pas encore eu lieu et se déroulera d’ici la fin de l'année. Ces deux sociétés avaient au départ été créées par le gouvernement américain et étaient les garantes des hypothèques des ménages modestes. Etant donné que les qualifications des emprunteurs ont été faussées, ceux qui n'auraient pas du avoir d'hypothèques en ont obtenues. Cela servait les banquiers car en comptabilité, les prêts d'une banque figurent à son actif. C'est donc dans l'intérêt des banques de prêter de l'argent mais lorsqu'ils ne sont pas fondés, le prix à payer peut être cher. Et c'est d'ailleurs ce qui a provoqué la crise, il était évident que cette situation ne pouvait pas durer et que cela allait s'écrouler. C'est pour cette raison que le gouvernement a décidé de sauver Freddie et Fannie en 2008. A cette époque ils étaient face à deux possibilités. Soit le gouvernement nommait "un receveur" pour liquider la société au bénéfice unique des créanciers, ce qui signifie la faillite ; soit il conservait la société pour la remettre en état (le "conservership"). Le gouvernement en contre partie de ce sauvetage a privé Fannie et Freddie de tous leurs revenus. Les investisseurs n'ont à partir de ce moment là plus tiré aucun bénéfice. Ainsi, alors que Freddie et Fannie éraient devenus les seuls prêteurs en raison de la réticence des autres banques, le gouvernement a conservé les intérêts de ces prêts. Ackman et les autres actionnaires considèrent que ces revenus devraient leur revenir.

Sur quels éléments précis se basent ces deux procédures ?

Le cas de William Ackman se base sur le 5e amendement de la constitution qui interdit que le gouvernement s'approprie le bien d'un tiers sans procédure et sans compensation juste. La plaidoirie d'Ackman estime que dans le cas de Freddie et Fannie, leurs biens (dividendes dans ce cas) ont été saisis. Dans le cas d'AIG, il s'agit d'une interprétation de la loi. Si le gouvernement est en droit de prêter de l'argent, est-il en droit de demander des actions ?  

Quelles sont leurs chances de l'emporter ?

Au début, personne ne croyait dans les chances de Greenberg de gagner mais finalement, cela ne parait pas complètement impossible non plus. La décision de première instance sera certainement frappée d'un appel par l'une ou l'autre partie. Dans le cas d'un appel, la décision passera encore devant une cour d'appel spécifique, près quoi l'ultime recours sera la cour suprême. Le chemin est encore long. Si le juge lui donnait raison ce serait exceptionnel mais comme je l'expliquais plus haut, son avocat est redoutable.

Quels effets ces actions ont-elles dans l'opinion ?

L'ensemble de l'opinion estime que cette action en justice est un peu "gonflé" car si le gouvernement n'avait pas sauvé Freddie et Fannie, ils auraient fait faillit et les dividendes des actionnaires auraient été nuls. La plainte de Greenberg est d'autant plus osée qu'AI avait le choix d'accepter ou de refuser l'offre du gouvernement.  

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