Républicains, PS, FN... : quel parti exclut le plus vite les moutons noirs identifiés dans ses rangs ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les affaires au PS, au FN ou chez les Républicains ne manquent pas.
Les affaires au PS, au FN ou chez les Républicains ne manquent pas.
©Reuters

Brebis galeuses

16 candidats FN ont été exclus du parti mercredi 10 juin suite à des propos litigieux tenus au cours de la campagne des dernières élections départementales. Si le parti de Marine Le Pen est souvent dans le viseur, les affaires au PS ou chez les Républicains par exemple ne manquent pas. Et le ménage n'est pas toujours effectué dans les rangs politiques.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Le secrétaire général du Front national a annoncé mercredi 10 juin l’exclusion définitive du parti de 16 candidats aux dernières élections départementales suite aux propos polémiques ou litigieux tenus au cours de la campagne. La pression médiatique est grande autour du FN et de Marine Le Pen qui souhaite "nettoyer le parti". Le Front national est-il plus sévère à l'égard de ces membres que les autres partis politiques français comme tente de le souligner régulièrement sa présidente ?

Jean Petaux : Je ne pense pas du tout que ce soit la pression médiatique qui amène Marine Le Pen et le FN à "nettoyer le parti". Si le Front National était sensible aux "sirènes médiatiques" je pense qu’on s’en serait déjà rendu compte… Tout au contraire, une des "qualités" du parti mariniste, pour celles et ceux qui y adhèrent et y militent ou pour les sympathisants et/ou électeurs consiste, justement, à "résister" au "main stream" ou à ce qu’ils considèrent comme la "voix des élites" (catégorie indéfinie dans laquelle figure, naturellement, les médias dans leur très grande majorité, vendus à "l’UMPS".

En réalité le FN, en excluant ainsi 16 candidats pour "propos polémiques ou litigieux" paie en quelque sorte une addition un peu salée qui est liée à sa volonté d’avoir voulu présenter des candidats dans les 2.000 cantons métropolitains lors des dernières élections départementales. C’était d’ailleurs une des critiques de Jean-Marie Le Pen lui-même : le FN n’est pas prêt pour ce genre de campagne très localisée nécessitant un maillage territorial précis, systématique et fondé sur des réseaux. Conséquence directe : il va fallu accepter parfois des candidatures pas forcément "acculturées" à cet exercice très particulier qu’est une campagne électorale. Comme, pour le coup il y va bien de leur responsabilité, des journalistes et des médias locaux se sont donné pour objectif de débusquer la véritable nature de certains candidats frontistes : ils n’ont pas eu besoin de les titiller (ni même de les torturer…) beaucoup pour que ces derniers se "livrent" avec un "parler vrai" pas forcément politiquement correct ni dans la ligne de respectabilité dessinée par le tandem "Marine Le Pen – Florian Philippot".

Ce n’est donc pas la pression médiatique qui exige du FN un exemplarité irréprochable : c’est le manque de formation et d’organisation du parti Bleu-marine qui apparaît au grand jour d’une multiplication incontrôlée du nombre de candidats portant cette étiquette.

Le Front national est-il plus sévère à l'égard de ses membres que les autres partis politiques français comme tente de le souligner régulièrement sa présidente ? Quel est le parti politique français qui évince le plus vite ses moutons noirs ?

Pas du tout. C’est tout à fait normal que Marine Le Pen cherche à faire d’une faiblesse structurelle et organisationnelle un atout et une valeur particulière qui différencierait son parti de ses concurrents. Mais le FN n’est pas exigeant avec ses membres, il est juste confronté à une phase de croissance mal contrôlée. Croissance de son électorat (c’est une dimension en soit plutôt positive et peu douloureuse pour une organisation politique, encore qu’au bout d’un moment plus un parti a de sympathisants plus mécaniquement il va engendrer dans un futur plus ou moins de proche des déçus et des frustrés) ; croissance de ses candidats (on en a déjà parlé) et, rapidement, croissance de ses moyens matériels et financiers (et donc là aussi, à court terme, de vrais problèmes de gestion…). L’ennui avec les succès politiques et électoraux c’est qu’ils dé-différencient très vite les formations qui en profitent et qu’ils attirent aussi les opportunistes de tout poil qui tendent à bousculer sérieusement les plus anciens militants provoquant chez ces derniers des jalousies et des rancœurs parfois très fortes.

Quant à savoir si une formation politique en France est plus "janséniste" que ses concurrentes : difficile de répondre. J’aurais tendance à considérer qu’aucune n’est exemplaire. La "justice des partis" est encore plus "humaine" que celle des "hommes". Autrement dit elle n’est pas sans failles et sans reproches. Là encore l’adage du fabuliste : "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir" qui est la morale des "Animaux malades de la peste" du bon La Fontaine s’applique mieux qu’ailleurs… Un "grand" féal dans un parti aura plus de possibilités de jouer avec les règles qu’un modeste petit élu voire simple cadre militant… La politique n’est pas une affaire de justice, c’est une question de rapport de forces.

Les affaires autour de Jean-Noël Guérini à gauche ou du couple Balkany à droite ne sont pas un secret. Pourtant ces personnalités semblent bénéficier d'un certain soutien au sein du PS comme chez "Les Républicains". Comment l'expliquer ?

Entre autres raisons par celle que je viens d’évoquer dans ma réponse précédente. Si l’on place le débat sur le terrain de la morale et des principes on ne peut que critiquer une telle situation. Si on se place sur le terrain du réalisme "a-normatif" on constate tout simplement que les ressources politiques des personnalités que vous citez, dans l’un ou l’autre des deux grands partis mentionnés, sont fortes. En l’espèce qu’entend par "ressources politiques" ? Ce sont tous les "bienfaits" (au sens féodal du mot) que les uns et les autres ont dispensés et ont reçus et redistribués. Cela va des carrières qui ont été favorisées à tel ou tel endroit jusqu’à d’autres actes qui ont constitué, par leur répétition, leur accumulation dans la durée et en volume, des réseaux puissants, solides et solidaires. C’est ce que l’on dénomme souvent le "clientélisme" qui est un terme assez impropre d’ailleurs puisqu’il a recours à la métaphore de l’acte commercial entre un "prestataire" et un "client" alors qu’en réalité on se trouve beaucoup plus dans des relations de type familialiste, clanique et "parochiales".

En quoi les partis politiques sont-ils plus enclin à sanctionner les candidats et/ou militants que les élus ?

Essentiellement parce que les candidats (il faudrait dire les "néo-candidats") sont assez fragiles. Ils sont sans défense et donc susceptibles d’être des victimes sacrificielles à faible coût. Il en va tout autrement pour des "candidats sortants" (surtout après plusieurs mandats) qu’il convient, pour une organisation politique, de manier ce type de candidats avec précaution comme de la nitroglycérine… Car si le "sortant" fait dissidence et maintient sa candidature contre le candidat officiel du parti (choisi par exemple parce qu’il serait plus "pur" que le vieux sortant) alors, tout simplement, il peut gagner seul, sans étiquette, voire faire perdre le candidat officiel et faire basculer tel ou tel siège dans le camp opposé…

Quant aux militants de plus en plus, hélas pour eux, il s’agit d’une "main d’œuvre" assez mal considérée par les organisations politiques qui soit externalisent leurs prestations (communauty managers, phoning, etc.) soit utilisent les militants comme des "idiots utiles" destinés à tracter, boiter, (de moins en moins afficher car cela fait sale et n’est pas très écologiquement correct) mais surtout à faire masse dans des meetings aux allures de grand-messe avec des images produites en interne… Des figurants en sorte…

Les partis politiques sont-ils habitués depuis tout temps à sanctionner leurs "moutons noirs" ou est-ce une pratique récente ?

Cela dépend vraiment des périodes. En réalité en France ce qui a été souvent source d’exclusion des "moutons noirs" concerne beaucoup plus des divergences de ligne politique, des ruptures idéologiques ou tactiques, programmatiques ou opportunistes que des "infractions" et des "écarts" avec la moralité financière voire tout simplement avec les "bonnes valeurs chrétiennes" (sexe, addictions diverses et variées et petites ou grandes déviances…). Louis Barhou, grand ministre des Affaires étrangères et homme politique d’importance sous la IIIème République adorait faire le chien promené en laisse par des prostituées dans un des plus fameux "bordels" parisiens. Le petit travers du Monsieur était connu de tous puisque son surnom était "Bartoutou"… Cela ne l’a pas empêché, le pauvre, de mourir lors de l’attentat contre Alexandre Ier de Serbie le 9 octobre 1934 à Marseille mais d’avoir été aussi une personnalité politique de tout premier plan. C’est dire que les mœurs des hommes politiques français n’ont jamais vraiment eu d’impact sur leur carrière. Quant à leur honnêteté financière tous n’était pas comme le général de Gaulle à faire lui-même un chèque pour régler la révision de sa Traction Citroën entre 1947 et 1958 …  Chèque que le garagiste n’encaissait pas, préférant garder un autographe du Libérateur de la France…

Entre 1920 et 1980 le Parti Communiste Français était très "dur" avec ses élus. Ceux-ci d’ailleurs quand ils étaient parlementaires (députés ou sénateurs) devaient reverser la totalité de leur indemnité parlementaire au PCF qui leur allouait, pour vivre, l’équivalent du salaire d’un "OP3" ("Ouvrier professionnel 3ème catégorie") de la région parisienne. Et quand un élu communiste "déviait" de la ligne (souvent plus pour des questions idéologiques que pour des questions financières) il était très vite "crossé" comme on disait dans une autre Eglise, l’Eglise catholique… Les élus étaient ni plus ni moins assujettis à l’organisation politique ce qui faisait d’ailleurs qu’un maire d’une ville communiste était souvent moins connu qu’une des grandes figures du secrétariat général ou du "BP" (le "Bureau politique") du PCF.

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