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Petit éloge de la jouissance féminine : ce que vivent les nymphomanes
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Bonnes feuilles

Adeline Fleury, consacre ce « Petit éloge » à la jouissance des femmes – ce grand mystère. Au travers de ses lectures, de son expérience personnelle, avec des mots poétiques et parfois crus, l’auteur nous fait ressentir, à chaque page, que jouissance et renaissance sont unies et que plaisir et liberté sont indissociables. Extrait de "Petit éloge de la jouissance féminine", de Adeline Fleury, publié chez François Bourin éditeur (2/2).

Adeline  Fleury

Adeline Fleury

Journaliste. Elle réalise pour Le Journal du Dimanche des portraits de personnalités, des sujets de société et analyse l'actualité parisienne.

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« Couche avec moi, couche avec d’autres et tu verras… »

Il m’assène la phrase comme un coup de poing en plein coeur.

J’entends « si tu couches avec d’autres, moi aussi je m’autorise cette liberté. »

>>>>>>>>> A  lire également : Les ravages des amours passionnels : quand jouissance sexuelle et souffrance psychologique vont de pair

Il ne me veut pas en exclusivité. Pas maintenant. Il n’est pas prêt. Il n’a pas encore confiance en moi. Je le prends au mot, cela doit faire partie de mon initiation. Ma mise à l’épreuve. Il veut savoir. Suis-je avec lui parce qu’il est le premier à m’avoir fait jouir ? Suis-je avec lui pour des bonnes raisons ? Je comprends sa démarche, même si c’est douloureux. Il veut comprendre si je ne jouis vraiment qu’avec lui, il veut que j’éprouve mon désir dans d’autres bras, avec d’autres hommes au risque de me perdre. Il sait mon désir insatiable, il le craint. Il a deviné mieux que quiconque mon insécurité affective, il flaire en moi un « potentiel nymphomaniaque ». Il veut que je me confronte à moi-même, que je ne m’égare pas dans ma quête d’identité.

Certaines femmes ne veulent pas mêler désir et amour, corps et coeur, d’autres pensent au contraire que le sexe hors l’amour est toujours dégradant… Dans Nymphomaniac de Lars Von Trier, Joe fuit le sentiment dans l’orgasme. En clamant « mea vulva, mea maxima vulva », elle répudie toute forme d’attachement affectif dans le sexe. Elle passe d’un partenaire l’autre sans aucun partage, elle jouit, seule, elle se sert du corps de l’autre comme d’un véritable jouet pour assouvir ses pulsions. Puis un jour, elle ne jouit plus. « Je ne sens plus rien », dit-elle rongée par la peur. Cette perte de la sensation et du plaisir intervient au moment de sa vie où elle cède à l’amour. Son avidité et sa sexualité compulsive ne s’accordent plus avec les velléités du quotidien et de la vie en couple. Joe cherche à réveiller son désir, jusqu’à se faire fouetter pour souffrir, jouer avec la mort, et raviver enfin le plaisir.

« Je baise comme je respire », écrit sans ambages Catherine Millet dans la Vie sexuelle de Catherine M. Elle livre d’une écriture sèche, dépourvue d’affect, comme son héroïne, le menu des pratiques sexuelles d’une « fille qui couche avec plein de monde », qui « partouze », « suce » et offre son corps « à un nombre incalculable de mains et de verges ». Un bon petit soldat du sexe, qui fuit l’amour. Une stratégie anti-érotique, en somme.

Anaïs Nin tente d’apaiser ses pulsions sexuelles par l’écriture, mais l’écriture la rend encore plus vorace. C’est un cercle vicieux pour elle. Elle cherche à exacerber la vie jusqu’au bout pour en extraire l’incandescente matière que seule est en mesure de refroidir l’écriture. Se raconter pour fixer le vécu dans sa vivacité même et jouer des mots pour apaiser le feu qui brûle de l’intérieur.

« Mais, à peine la douleur de la brûlure est-elle apaisée que le démon d’Anaïs souffle nouveau sur les braises. Il faut de nouvelles victimes à ce Sphinx insatiable qu’est le Journal, analyse le psychanalyste Bernard Chouvier dans un article intitulé L’impudique et la passion de l’extrême : Anaïs Nin à l’épreuve américaine, décembre 1934-juin 1935. « Anaïs renoue également très vite avec les rencontres de passage. À peine a-t-elle formulé le désir de se consacrer à un seul homme, qu’il est déjà oublié. Mais le retour d’Henry Miller, puis celui de son mari ne suffisent pas à combler son attente. Chacun d’eux lui apporte quelque chose de différent, et la satisfait, mais en partie seulement. Il reste cet indéfinissable qu’elle cherche dans le regard de chaque homme qui passe. Elle veut séduire partout où elle se trouve. Il faut qu’elle séduise, quitte à épuiser son énergie, quitte à s’y perdre. En collectionneuse, elle multiplie les aventures et affiche ses conquêtes dans le Journal, comme sur un tableau de chasse. »

Nin l’écrivaine se nourrit d’Anaïs la femme désirante, Anaïs jamais repue. Même quand elle aime.

Extrait de "Petit éloge de la jouissance féminine", de Adeline Fleury, publié chez François Bourin éditeur, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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