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"Pour moderniser le féminisme, cessons de le diluer dans d’autres messages politiques"
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Nouveau féminisme

Faire évoluer le féminisme pour l'extirper de sa caricature. C'est notre feuilleton de la semaine. 2ème épisode : comment moderniser le féminisme français.

Lydia Guirous

Lydia Guirous

Lydia Guirous est essayite, auteure de « Assimilation en finir avec ce tabou français » aux éditions de l’Observatoire et de « Ca n’a rien à voir avec l’Islam ? Face à l’islamisme réveillons-nous » aux éditions Plon, réédition en version augmentée et inédite.

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Le temps des happenings sur la sexualité des femmes est aujourd’hui révolu. Il ne peut que caricaturer la cause que nous défendons et relayer notre action au rang de gadget qui prête à sourire… Comment s’expliquer qu’une association ‐ Osez le féminisme ‐ lance une campagne sur le clitoris à un an d’une élection présidentielle ? Ce type de message constitue la meilleure façon de dé-crédibiliser et de caricaturer la cause que nous défendons et de relayer notre action au rang de gadget.

Certes, il est indispensable de permettre aux jeunes femmes de connaitre leurs corps. Certes, nous avons un devoir de vigilance au sujet des centres IVG, de leurs accès et de la qualité des soins. Toutefois, cessons ces questionnements d’un autre temps qui ne servent personne et dé-crédibilisent l’engagement féministe.

Les méthodes utilisées par ces mouvements comportent une forte capacité à dénoncer, pointer du doigt et tenir des discours moralisateurs et indignés sans qu’aucune proposition n’émerge.

Ces discours plein de sous‐entendus ‐ prenant en exemple les féministes américaines ‐ contribuent à creuser le fossé entre les hommes et les femmes et à développer une forme de  crispation entre les deux sexes. A défaut de réduire les comportements machistes, elles contribuent à augmenter les stéréotypes liés au genre féminin (fragilité, indisponibilité, vulnérabilité…) et les phénomènes de discrimination dont sont victimes les femmes dans le milieu professionnel.

Le féminisme n’a pas besoin de béquilles pour exister

Il convient d’éviter les amalgames dangereux. La crédibilité du message politique du féminisme reposera sur sa capacité à ne pas être dilué dans d’autres messages politiques. Le féminisme est un message politique qui existe sui generis. La tentation de certains politiques et de certains mouvements féministes de s’appuyer sur le féminisme pour alimenter le moulin à idée du débat sur la laïcité et sur la place de l’Islam en France, est dangereux et dévalorisant pour la cause que nous menons.

En effet, il est assez facile de traiter ce sujet délicat, en l’abordant sous l’angle de la liberté des femmes musulmanes dans la société française. Et par certains raccourcis intellectuels, notamment avec le voile ou la Burqa, il est facile d’associer le combat féministe et la notion de laïcité en France. Cette clef d’entrée est réductrice et stérile. Réductrice, parce qu’elle donne une image fausse de la place qui est réellement accordée aux femmes dans la communauté musulmane. Stérile, parce que la libération de la femme ne passe pas par une modification constitutionnelle ou par de grands débats sur ce qui est ou non ostentatoire sur la voie publique.

En associant systématiquement la cause des femmes et le statut des femmes musulmanes dans la société française, on arrive inévitablement à un appauvrissement des deux débats que sont la parité et la laïcité. Le risque est de ne voir le débat sur la parité que par le truchement du voile et de ne penser la laïcité qu’à travers une minorité de femmes portant la Burqa ou le  Niquab...

Triste phénomène qui montre une fois de plus que le débat d’idées et la recherche de solutions pragmatiques, sont relayés au second rang, sacrifiés sur l’autel du sensationnel et de la communication politique.  Le féminisme ne peut pas se limiter à la récupération politique des victimes d’extrémistes dans les cités. Ces femmes mortes, défigurées ou handicapées à vie, sont sordidement récupérées et hyper‐médiatisées. Dressées en martyrs de la cause, trop souvent elles sont oubliées au gré du bon vouloir des journalistes et de l’actualité du moment.

Il est nécessaire de ne pas tomber dans le piège de la captation politicienne et médiatique et de cibler plus efficacement les priorités et les actions, afin d’inscrire véritablement la cause des femmes dans l’espace républicain. Pour cela, il est indispensable de dépasser les logiques « comptables », qui consistent à  grainer avec un ton indigné des chiffres spectaculaires.

Cesser avec l’image de victime éternelle et œuvrer avec les hommes

Il faut refuser l’enfermement dans le statut d’éternelle victime. Il faut considérer les femmes comme des actrices de leur propre destin qui agissent avec dignité et intelligence pour passer de l’égalité des textes législatifs à une égalité réelle. Auprès des nouvelles générations ‐ filles et garçons ‐ il est important de démontrer que la réussite se conjugue aussi au féminin. Pour cela, le projecteur doit se tourner vers les parcours de réussite des femmes afin de susciter un effet d’entrainement positif et marquer les esprits.

Le féminisme contemporain doit s’affirmer autour de l’idée que la parité n’est pas un combat contre les hommes, mais un combat avec ces derniers. Il nous faut rassembler autour de cet engagement en l’ouvrant à l’ensemble de la société, en premier lieu aux hommes, et à l’ensemble des femmes jeunes et moins jeunes qui ont déserté cette cause. Cela nous permettra de concentrer nos efforts et d’atteindre nos objectifs avec efficacité.

Aujourd’hui les hommes détiennent majoritairement le pouvoir en France, 80 % dans nos hémicycles avec une moyenne d’âge de 52 ans et la totalité des directions des entreprises du CAC40. Il est indispensable de les sensibiliser et de les amener vers la cause féministe afin de faire avancer la situation des femmes rapidement.

Refuser de faire du féminisme le gadget de partis politiques

L’appropriation politique de la cause des femmes a été d’autant plus facile que de nombreux dirigeants politiques se sont livrés à une vaste opération de séduction ‐ au nom de l’égalité ‐ auprès des réseaux féministes. Ils leur ont proposé de nombreux strapontins dans les conseils municipaux et autres collectivités et créés des batteries de postes de chargés de mission dans certaines agences…dont on peut douter d’ailleurs de la pertinence budgétaire.

Au second tour de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a rallié les suffrages des femmes mariées (37 %), des veuves (40%) et des femmes au foyer ou retraitées (38 %). Par ailleurs, plus encore que pour les hommes, le candidat de la droite a su s'attirer les suffrages de 30 % des femmes non diplômées ou ayant un certificat d'études (soit 11 points de plus que pour l'électorat masculin). Cette évolution du vote des femmes et de l'électorat populaire signe un constat politique important : la gauche a perdu une partie de son électorat féminin, notamment dans les couches populaires. Nous ne pouvons que tirer la conclusion suivante : la gauche n’a pas le monopole du féminisme.

L’affaire DSK a plongé les observateurs que nous sommes dans une grande perplexité. En effet, si nous partagions le fait que la présomption d’innocence devait être respectée ainsi que la parole de la victime déclarée, nous ne pouvions que nous offusquer de la récupération politique et médiatique de certaines associations féministes, ouvertement de gauche voire d’extrême gauche.

L’appel contre le sexisme et la grande marche organisée le 22 mai dernier, nous ont rappelé à quel point l’engagement féministe a peu progressé durant ces 40 dernières années : même méthode, même discours, même vulgarité.

Elles n’ont qu’un objectif, servir leurs intérêts personnels et non celui pour lequel elles sont mandatées : servir les femmes. Certaines associations féministes ont perdu leur âme et se sont mises à fonctionner comme dans une république bananière, plus attentives aux postes d’élus ou d’attachés parlementaires susceptibles de se libérer, qu’au combat pour la parité et l’égalité professionnelle. Au débat d’idées, elles ont cédé aux happenings médiatiques grossier pour acquérir de la visibilité…elles l’ont obtenu, mais en stigmatisant leur combat, leurs missions, et en se coupant des femmes, des jeunes et des hommes…

Les femmes méritent mieux que d’être considérées comme des « mendiantes de postes ». Elles valent mieux que cette position d’assistée permanente à laquelle on les assigne et les cantonne.

Retrouver les valeurs originelles du féminisme

Le mouvement féministe a contribué à l’épanouissement personnel et professionnel des femmes. Nous nous devons d’être humbles, respectueux et reconnaissants envers ces femmes courageuses et éclairées qui se sont exposées à de grands risques (peines de prison, violences, meurtres…) pour faire avancer la situation des femmes.

D’Olympes de Gouges à Gisèle Halimi, les femmes se sont battues pour que soient reconnus leurs compétences, leurs droits et leur liberté. Le féminisme est un combat au service de l’émancipation de la femme dans la société. Celui‐ci inclut donc la liberté de choisir son mode de vie, d’être financièrement autonome, de s’engager dans la vie de la cité, sans subir les foudres du conservatisme. C’est une recherche d’équilibre et de justice sociale, autrement dit une quête permanente d’équité.

A chaque époque ses combats… Aujourd’hui, en France, la parité et l’égalité professionnelle sont les objectifs prioritaires pour les femmes, notamment dans les entreprises et dans la représentation politique locale et nationale.

Placer le féminisme au cœur des valeurs de la République

Une République qui fonctionne est une République qui a des principes. Les principes historiques, nous les connaissons : Liberté, Egalité et Fraternité. Aux principes historiques, il faut aujourd’hui ajouter de nouveaux principes, la justice sociale et la solidarité. Le féminisme est une composante du civisme et du contrat social. En cela, il est l’un des piliers de la République.

Ce n’est pas en insérant des clauses ou des alinéas dans les textes de loi ou les programmes politiques des candidats aux élections nationales, que la parité progressera. Aujourd’hui, l’engagement féministe doit s’intégrer dans les débats politiques, économiques et sociaux qui font l’actualité.

L’égalité homme‐femme est une politique publique. Celle‐ci doit faire l’objet d’un apprentissage culturel dans les écoles dès le plus jeune âge. 

Le féminisme doit transcender les clivages politiques, et s’inscrire dans une dimension plus noble, qui est la préservation de l’intérêt général. Le féminisme est un projet de société et de vie collective Il se situe à la fois dans la problématique de la liberté individuelle et dans la problématique de l’égalité. C’est un projet républicain qui est à la confluence des valeurs historiques de la gauche et de la droite.

NB : Cet article a été co-écrit avec Jacques Touzard, Secrétaire général de l'association Future au féminin.

Épisodes précédents de notre feuilleton sur un nouveau féminisme :
1er épisode : "Le féminisme doit être considéré comme une politique publique comme les autres"

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