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Les femmes et l’histoire : 
terra incognita pour le Goncourt
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Où sont les femmes ?

En 40 ans, seulement quatre femmes ont remporté le prix Goncourt. Les romans médiévaux sont aussi les grands absents des lauréats. Un hasard ?

Eric Morain

Eric Morain

Eric Morain est avocat au barreau de Paris.

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Posons comme postulat que ce prix littéraire prestigieux soit indépendant, ne fasse l’objet d’aucune pression, d’aucune espèce de copinage ni de renvoi d’ascenseur de quelque sorte que ce soit et tentons un propos crédible malgré tout…

4 en 40 ans… 4 femmes romancières couronnées du prix Goncourt sur une génération et demie. Oui, une fois tous les dix ans en moyenne. Ce n’est sans doute pas une raison suffisante pour se scandaliser et dénoncer ce prix plus que d’autres institutions de type Académie, Gouvernement, Assemblée nationale, Sénat, conseil d’administration des entreprises du CAC 40 où les femmes sont quasi absentes, là n’est pas notre sujet d’intérêt aujourd’hui. Mais quand même une question : pourquoi un tel déséquilibre dans la République – misogyne – des lettres ?

Laissons là le sexe des auteur(e)s et passons au fond. Pas un des sujets des lauréats depuis 40 ans n’a eu pour cadre l’Histoire, celle avec un grand H. Des périodes proches, celles dont certains membres sont encore les contemporains – c’est dire comme elles sont éloignées… – ont été parfois mise à l’honneur mais surtout sur lapériode coloniale ou post-coloniale et plutôt sur le mode repentance,mode oblige. Le maximum historique atteint – comme on pourrait dire du record du monde du saut en longueur en arrière – a été la période napoléonienne avec La bataille de Patrick Rambaud. Une fois. Juste une seule en 40 ans. Et pas un roman – et pourtant ils ne manquent pas – qui ne se déroule au XVIIIe ou au XVIIe siècle. Encore avant ? Au Moyen-Age vous voulez dire ? Vous voulez rire !

Cette période qui n’en est pas une indivisible tellement elle fut riche, diverse, multiforme, ces temps qui ont vu Rabelais s’épanouir aux bords de sa Loire, Villon survivre avec talent de son enfermement, la Chanson de Renard traverser les provinces et Héloïse et Abelard mourir d’amour, ces temps ne font plus recette auprès de nos Grands Électeurs de la littérature.

Gallimard a eu cent ans cette année (47 fois lauréat du prix Goncourt depuis sa création, jolie moyenne !). Cent ans ce n’est rien au regard de l’histoire du monde. Les jurés du Goncourt, plutôt que de couronner un premier roman (il existe pour cela un Prix Goncourt du premier roman) sur nos guerres récentes perdues ou honteuses (L’art français de la guerre par Alexis Jeni), pouvaient très bien rester dans cette auguste maison d’édition, tout en se mettant à l’heure médiévale, avec Carole Martinez et ses talents de conteuse.

Dans Du domaine des Murmures elle met en scène, dans une langue racée, son héroïne Esclarmonde scandalisant l'assemblée en refusant de dire "oui" le jour de son mariage en…1187. Eux, chez Drouant, en 2011, ils ont dit non. Comme ils l’avaient fait deux ans auparavant avec La passion selon Juette (Grasset) de Clara Dupont-Monod, qui nous contait dans une écriture fine et ciselée cette rebelle magnifique se refusant au monde et au mariage forcé – encore ! en…1158. Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres mais ces deux romans figuraient dans l’ultime liste sélectionnée par le jury, c’est donc qu’ils ne devaient être pas trop mal écrits...

Il faut appeler de ses vœux et sans angélisme que la littérature contemporaine, que l’on veut nous vendre et nous faire acheter, soit plurielle, au féminin comme au travers des siècles explorés. Il en va de notre mémoire collective, pas seulement de la nôtre immédiate et proche, mais de celle qui a forgé nos villes, nos régions, nos ancêtres fussent-ils lointains. Juste pour mieux savoir d’où l’on vient. Nous saurons alors mieux vers quel monde nous allons. Mais sans doute est-ce une douce utopie d’un lecteur de base amoureux des livres, des femmes écrivains et d’histoire.

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