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la Lufthansa surtaxera de 16 euros tous les billets réservés sur d'autres sites que le sien à partir du 1er septembre.
la Lufthansa surtaxera de 16 euros tous les billets réservés sur d'autres sites que le sien à partir du 1er septembre.
©Reuters

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Alors que la Lufthansa surtaxera de 16 euros tous les billets réservés sur d'autres sites que le sien à partir du 1er septembre, Air France pourrait bien suivre le même chemin. La guerre contre les comparateurs de prix est déclarée.

Estelle Malavolti

Estelle Malavolti

Estelle Malavolti est enseignant-chercheur à l'Ecole nationale de l'Aviation Civile et chercheur à la Toulouse School of Economics depuis 2004. Elle est spécialisé dans l'analyse des marchés et des comportements des entreprises ainsi que sur la politique de Concurrence. Le transport aérien est un de ces domaines d'application privilégiés.

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Atlantico : La Lufthansa a annoncé qu'elle appliquerait un surcoût de 16 euros à toute personne qui réserverait un vol avec la compagnie sur un comparateur de vol. Les compagnies américaines font quant à elles tout leur possible pour ne pas être présentes sur ces mêmes comparateurs. La concurrence représentée par ces sites est-elle synonyme de pertes de chiffre d'affaires conséquentes pour les compagnies aériennes ? Qu'en est-il en France ?

Estelle Malavolti :Quantifier les pertes de chiffre d'affaires dont peuvent souffrir les compagnies aériennes est un exercice très difficile. Si aux Etats-Unis le "Department of Transportation" a obtenu des compagnies aériennes qu'elles appliquent une certaine transparence, en France et plus largement en Europe aucune loi ne les pousse à divulguer ces informations. On ne peut donc pas mesurer l'impact du développement des sites internet sur le prix des billets, ni sur leur chiffre d'affaires.

De manière plus qualitative, les compagnies ressentent désormais une menace de la part de ces sites internet quant à la part grandissante de billets ainsi vendus (on parle de 20% de vente aux Etats-Unis). Les compagnies ne maîtrisent pas non plus les prix qui sont proposés aux futurs passagers.

En revanche, ce que l'on peut noter, c'est que les compagnies aériennes ont considérablement amélioré leur offre web : leurs sites aux niveaux ergonomique et technique sont plus performants et les produits associés à la vente du billet (hôtels, visites touristiques, locations de voitures) se développent. On peut même aller jusqu'à dire que ce sont les compagnies qui viennent maintenant concurrencer les sites web comparateurs de tarif.

Les comparateurs de vols sont apparus en 2005, les réponses des compagnies aériennes paraissent donc tardives. Qu'est-ce qui motive cette soudaine prise de décision ? La situation s'est-elle récemment dégradée ?

Au début du développement d'internet, les compagnies aériennes étaient en retard quant à la qualité de leur site. Les comparateurs de prix étaient pour elles un moyen d'atteindre plus de consommateurs, de diffuser de l'information... Leur utilité était donc indéniable pour faciliter la prise de décision des consommateurs. Bien que la pression sur les prix ne cessait de croître, notamment parce que les comparateurs mettaient les diverses compagnies aériennes en concurrence, l'effet "volume" l'emportait. 

A l'heure actuelle, les consommateurs ont pris connaissance de l'existence des sites officiels des compagnies aériennes et sont conscients de leur meilleure qualité, savent qu'ils sont plus performants. Ainsi, l'utilisation des comparateurs de prix d'un point de vue purement informatif n'a plus lieu d'être mais l'intérêt financier demeure et justifie encore leur utilisation. De ce fait, les compagnies n'ont plus objectivement besoin de ces sites et soufffrent donc seulement d'un effet de pression sur leurs prix. En effet, en usant de ces plateformes le consommateur dispose d'un choix plus large, ce qui a bien sûr un impact sur les ventes de billets des compagnies.

Techniquement, comment les comparateurs de vols parviennent-ils à proposer des prix moindres par rapport à ceux des compagnies aériennes ? Si l'on réserve un billet sans passer pas un comparateur de vol les prix y sont-ils réellement gonflés ? Par quel biais ?

Le métier des comparateurs de prix est celui d'intermédiaires qui mettent en relation des vols de diverses compagnies aériennes et des passagers potentiels.Cependant, l'intermédiaire propose également des produits associés (hôtels, locations de véhicules, visites guidées...) ainsi que des espaces publicitaires pour d'autres entreprises. Ainsi, les intermédiaires peuvent se permettre de subventionner le prix du billet à l'aide de la vente liée à d'autres produits et aux recettes publicitaires, qui n'existent que parce qu'il y a des visiteurs sur le site.

Par ailleurs, il faudrait avoir une idée des contrats signés entre les comparateurs et les compagnies : est-ce que ce sont des contrats à long terme dans lequel des conditions de prix sont négociés ? Est-ce que les achats se font au prix du marché ? La structure des coûts des compagnies aériennes est un élément de l'équation : les coûts les plus importants sont plutôt fixes, ce qui justifie des politiques de yield management sophistiquées car l'enjeu est de remplir au mieux les avions pour amortir ces coûts fixes. C'est pour cette raison que les compagnies vendent des blocs de sièges à des tours opérateurs par exemple, afin de s'assurer qu'une partie des sièges est vendue de façon certaine, même à un prix plus faible.

Quelles autres mesures entreprennent de prendre les compagnies aériennes ? Envisagent-elles de se retirer des comparateurs ? Dans le même temps, peuvent-elles vraiment se le permettre ? Le succès d'outils tels que Google Flights change-t-il la donne ?

Pour contrer la "menace" représentée par les comparateurs de vol, outre le développement de leurs propres sites, les compagnies se mettent à proposer des produits associés au vol. Ceci représente donc, pour elles, une stratégie de développement.

D'autre part, pour le moment, on ne sait pas encore si les compagnies européennes -contrairement à leurs équivalents américains- planifient de se retirer des sites de comparateurs de vols. Les seules à agir directement pour l'instant, restent la Lufthansa et peut-être Air France qui menacent de faire payer très prochainement (dès septembre pour la compagnie allemande), des frais de dossier supplémentaires (d'un montant de 16 euros pour la Lufthansa) aux utilisateurs des sites de comparatifs de prix.

L'enjeu central pour les compagnies reste le remplissage de leurs avions. Elles pourraient donc choisir de placer certains vols et pas d'autres sur les sites de comparateurs et seulement lorsque nécessaire. Pourtant, d'un point de vue global, avec l'apparition d'outils tels que Google Flights -qui remet à nouveau de la distance avec les compagnies- il semble peut probable que les comparateurs de vols disparaîssent !

Dans ce contexte, en tant que consommateur, comment s'assurer d'obtenir un billet au meilleur prix ?

Les consommateurs sont désormais familiers avec les modes de recherche sur internet. Ils n'ont en général pas peur de passer du temps à chercher le meilleur prix. C'est pourquoi, la demande adressée aux sites de comparateurs de vols est en effet plutôt celle qualifiée de "loisir". Cette demande "loisir" est sensible au prix : une augmentation même limitée du prix du billet a des répercussions importante sur la quantité de vols vendus.

En parallèle, cette demande "loisir" est moins sensible que la demande "business" aux gains de temps. Ainsi, les consommateurs risquent de passer un peu plus de temps à chercher le bon billet, au bon prix mais tant que toutes les compagnies aériennes ne se retirent pas toutes en même temps des sites comparateurs, ces derniers n'ont pas vraiment de souci à se faire !

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