Budget le plus rigoureux depuis 1945 : le contresens historique de François Fillon<!-- --> | Atlantico.fr
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François Fillon s’est targué de construire un budget « parmi les plus rigoureux depuis 1945 »
François Fillon s’est targué de construire un budget « parmi les plus rigoureux depuis 1945 »
©Reuters

Austérité historique

Dans son discours prononcé samedi à Morzine, François Fillon s’est targué de construire un budget « parmi les plus rigoureux depuis 1945 ». Un Premier ministre engagé, qui oublie toutefois que les choix politiques du général de Gaulle étaient favorables à une relance keynésienne de l'économie.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Est-ce l’air de la Haute-Savoie ? Dans son discours prononcé samedi à Morzine, François Fillon s’est targué de construire un budget « parmi les plus rigoureux depuis 1945 ». J’applaudis la bonne volonté mais je déplore le contresens historique, probablement fruit d’une plume trop pressée.

Le premier budget de l’après-guerre rappelle effectivement la situation actuelle (en bien pire encore) : 55% de déficit, une dette de 1 800 milliards de francs (soit quatre fois plus qu’avant-guerre), des recettes fiscales en baisse vertigineuse. En dépit de ce contexte de crise budgétaire, le Gouvernement provisoire de la République avait fait le choix conscient de parier sur la relance plutôt que sur l’austérité. Quelle meilleure source que le chef de ce Gouvernement provisoire, Charles de Gaulle ?

Dans le troisième tome de ses Mémoires (chapitre « l’ordre »), le général se lance en effet dans un long développement économique, décrivant les deux thèses en vigueur à l’époque : d’un côté, les tenants de la rigueur, incarnés par le ministre de l’Économie Pierre Mendès France, qui militent pour le blocage des prix et des salaires ; de l’autre, les partisans d’une politique de dépense keynésienne, emmenés par le ministre des Finances René Pleven, qui parient sur la reprise en tolérant une certaine inflation. De Gaulle, après une période d’hésitation, tranche au mois de mars 45 en faveur de ce dernier, provoquant la démission de Mendès France et le regroupement des ministères des Finances et de l’Économie sous la seule direction de Pleven.

C’était une époque où les Ministres avaient des opinions, savaient se faire écouter, et en assumaient les conséquences.

Le choix risqué du général s’avéra rétrospectivement payant, puisque l’activité économique aura doublé à la fin de l’année 1945. François Fillon devrait (re)lire ses Mémoires avant de se lancer dans des comparaisons hasardeuses. Mais au-delà de l’erreur factuelle, assez navrante pour un chef de gouvernement qui se prétend gaulliste, se dessine un rapport radicalement différent entre le pouvoir et les chiffres (et ceux qui les produisent). Alors que Fillon semble nous dire : « je n’y peux rien, voici la seule solution rationnelle possible », de Gaulle revendique le caractère politique de sa décision. Il explique ainsi son choix : « Ce n’est point que je sois convaincu par des arguments théoriques. Mais il y a les circonstances. C’est l’idée que je m’en fais qui emporte ma décision. Le pays est malade et blessé. Je tiens donc pour préférable de ne pas, en ce moment, bouleverser sa subsistance et son activité ».

Voilà de quoi nous avons besoin aujourd’hui : d’une vision, simple et forte, sur l’état moral du pays. De cette vision devrait découler les choix économiques. Pas l’inverse.

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