Ces autres sujets dont l’opposition aurait pu se saisir ce week-end (et qui le méritaient largement autant que le voyage à Berlin de Manuel Valls) <!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy, président des Républicains.
Nicolas Sarkozy, président des Républicains.
©Reuters

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Le déplacement de Manuel Valls samedi soir 6 juin à Berlin pour assister à la finale de la Ligue des Champions aux frais du contribuable a suscité l'ire d'une partie de l'opposition et monopolisé toute son attention. Pourtant, les Républicains auraient pu profiter du congrès socialiste de Poitiers pour se saisir de sujets de fond.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : La polémique sur l'escapade du Premier ministre intervient en plein week-end de congrès pour le Parti socialiste à Poitiers. Dans son discours, Manuel Valls a rendu hommage à François Hollande et à sa politique affirmant : « Il faut continuer les réformes pour amplifier encore la croissance, pour plus d'emplois. » Alors que la reprise est faible et liée à des facteurs principalement extérieurs et que le chômage n’a jamais été aussi élevé, en quoi l’opposition aurait-elle pu se saisir de ce sujet ? Pourquoi méritait-il une réaction des Républicains sur le fond ?

Éric Verhaeghe : D'abord et surtout parce qu'il y a un grand malentendu sur la notion de réforme. Si l'on prend un peu de recul, on s'aperçoit que les réformes menées en France depuis 2012 sont largement en trompe-l'oeil. Toute annonce de soi-disant réforme s'accompagne généralement d'une complexité nouvelle. Certains exemples sont emblématiques, comme la création du compte pénibilité, mais, individuellement, chaque sujet de réforme peut être examiné de la même façon. Quand la réforme n'est pas suivie d'une complexité, elle est suivie d'une nouvelle ponction fiscale. L'exemple le plus emblématique est sans doute celui de la complémentaire santé où la généralisation des contrats d'entreprise s'est accompagnée de leur fiscalisation. Pour des millions de salariés, l'opération présentée comme généreuse s'est transformée en prétexte pour augmenter les impôts. Dans le même temps, la réforme des contrats responsables a baissé les plafonds de remboursement par ces mêmes contrats complémentaires. La notion de réforme apparaît alors comme un prétexte à étatiser et à augmenter les recettes publiques. Le bon sens conduit donc à réclamer une analyse précise de ce qu'est la réforme aujourd'hui. 

On remarquera d'ailleurs que le sujet se pose déjà à propos du pacte de responsabilité, supposé "simplifier" ou diminuer la pression fiscale qui pèse sur les entreprises, et dont on pressent la réorientation au moins partielle à destination des ménages. Voilà l'exemple d'une réforme annoncée fin 2013 par le Président de la République, et qui ne sera jamais achevée. Cette politique ambiguë et versatile soulève de vraies questions, un peu plus importantes que le voyage de Manuel Valls à Berlin.  

Le Congrès du Parti Socialiste n’a débouché sur aucune véritable mesure concrète. Pourquoi les Républicains n'ont-ils pas pointé ce manque d'initiatives ?

Les Républicains sont peut-être gênés par leur incapacité à faire de la politique autrement que le Parti socialiste! Il est assez stupéfiant de voir que le chômage ne cesse de se dégrader, que la situation économique n'est pas bonne malgré les affirmations extravagantes sur le retour de la croissance (que personne ne voit), que partout la société française semble bloquée, sans que personne n'ait la moindre idée nouvelle. Cette vacuité est vraie du PS, mais elle pourrait être reprochée aux Républicains. Prenons l'exemple de l'éducation. La performance éducative ne cesse de baisser en France, malgré des recrutements massifs d'enseignants. Cette baisse ne date pas de la gauche et elle correspond à une tendance longue. Alors que l'Allemagne s'est attaquée avec fougue au phénomène dès la parution de la première étude PISA qui était mauvaise pour elle, au début des années 2000, la France et sa pédostructure pléthorique continuent de faire l'autruche. Résultat: en 10 ans d'efforts, l'Allemagne a remonté la pente et amélioré son classement. La France ne cesse de glisser vers le bas. Les Allemands ont pourtant montré qu'il n'y avait pas de fatalité de l'échec. Il ne serait pas inutile que les politiques publiques prennent ce problème à bras-le-corps, car c'est l'avenir de nos enfants et du pays tout entier qui est en jeu, et qui est aujourd'hui laissé à l'abandon. 

Au congrès de Poitiers, ce sujet a été abordé par le petit bout de la lorgnette. Manuel Valls a vanté les mérites de la réformette Vallaud-Belkacem au collège. Les Républicains manifesteraient du bon sens en ouvrant une véritable délibération sur le sujet éducatif. Il est au coeur de la croissance de demain, et reviendra en boomerang à la prochaine publication d'une étude PISA. Il est assez rageant de voir que ces sujets lourds, et qui peuvent être abordés par anticipation car ils sont connus et prévisibles, pour ainsi dire même planifiés, ne soient pas mieux traités dans le débat public. 

Dimanche, Arnaud Montebourg et Mathieu Pigasse ont publié une tribune virulente à l’égard de la politique du gouvernement affirmant qu’elle allait droit dans le mur. Ils y ont prôné la baisse des impôts sur les ménages et la fin de la politique d’austérité. Pourquoi la droite ne s’est-elle pas fait entendre sur cette tribune ? En quoi aurait-elle eu intérêt à le faire ?  

Voilà encore un bel exemple de l'étrange atonie des Républicains, manifestement plus préoccupés par leur place sur la ligne de départ pour 2017 que par les problèmes du pays. Le sujet est pourtant facile. En 1986, Chirac nommé Premier Ministre lors de la première alternance avait eu une obsession: baisser les impôts des ménages. Cette question est une sorte de gimmick de la droite quand elle est prise de pulsions libérales. Celles-ci durent rarement longtemps, mais les Républicains pourraient faire un effort pour rebondir sur ce sujet, d'autant que la majorité de 2012 n'a pas lésiné sur les augmentations. Il est hallucinant que la thématique de la baisse d'impôt soit aujourd'hui portée par les frondeurs de la majorité, dans le silence assourdissant de l'opposition. L'exercice est à contre-courant. Sur ce sujet, la droite devrait d'ores et déjà disposer d'un éventail de propositions percutantes.

Cette préparation est d'autant plus nécessaire que les Républicains achopperont sur la question de l'austérité. Alors que le Front National fait croire qu'il ne diminuera pas les dépenses publiques, le mouvement sera incontournable et il faudra imposer des baisses de dépenses impopulaires. Dans ce cadre-là, il faudra bien faire un geste pour les ménages, sous peine de s'aliéner complètement l'opinion. Le piège politique est visible, et même énorme. Il est incompréhensible que les Républicains ne préemptent pas immédiatement un sujet qui est dans leur "ADN" comme on dit, et qu'ils le laissent filer au profit de l'aile gauche du PS.

Quels autres sujets de fond auraient mérité une réaction sur le fond de la part des Républicains ce week-end ? Pour quelles raisons ? 

Logiquement, les Républicains devraient alerter sur la dérive des dépenses publiques et sur l'imposture du gouvernement Valls qui se fait passer pour libéral alors qu'il ne l'est pas. En réalité, l'exécutif ne contrôle pas l'appareil d'Etat qui n'en fait qu'à sa tête. La maîtrise des dépenses publiques est purement illusoire. Sous couvert de grandes économies à coup de 50 milliards, les dépenses ne cessent d'augmenter depuis 2012. Pour la droite, cette situation est extrêmement dangereuse, parce qu'elle risque de devoir gérer, en 2017, si elle arrive au pouvoir, une situation plus dégradée que celle laissée par Sarkozy à Hollande. Sarkozy avait l'excuse de la crise de 2008, qu'il a d'ailleurs mal ou trop peu utilisée en 2012. On voit bien que la gauche ne s'est pas bien préparée à gérer la situation et, très vite, Hollande en a payé le prix fort. Son impopularité est largement due à la désinvolture avec laquelle il a abordé les problèmes du pays durant les premiers mois de son mandat.

Il est assez curieux de voir que Sarkozy n'ait pas identifié le problème et qu'il s'apprête manifestement à commettre la même erreur: celle de ne pas assez préparer sa base à un diagnostic sombre, désagréable, impopulaire. Il est stupéfiant de voir Gilles Carrez seul en piste pour dénoncer un déficit stagnant à 4%. Sur ce point, le parti devrait mettre le paquet et faire monter la pression. Répétons-le, faute de l'avoir fait en son temps, en ayant trop minimisé les difficultés du pays, Hollande a creusé la tombe de sa popularité. Manifestement, la leçon n'a pas fait sens et les Républicains se préparent à répéter l'erreur de la gauche. 

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