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"Le féminisme doit être considéré comme une politique publique comme les autres"
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Nouveau féminisme

Faire évoluer le féminisme pour l'extirper de sa caricature. C'est notre feuilleton de la semaine. 1er épisode : comment sortir le féminisme de la philosophie et de l'idéologie pour l'ancrer dans des actions concrètes.

Lydia Guirous

Lydia Guirous

Lydia Guirous est essayite, auteure de « Assimilation en finir avec ce tabou français » aux éditions de l’Observatoire et de « Ca n’a rien à voir avec l’Islam ? Face à l’islamisme réveillons-nous » aux éditions Plon, réédition en version augmentée et inédite.

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Les femmes représentent plus de la moitié de l’électorat français : 52,5 % des 43,9 millions d'électeurs inscrits. A ce titre, elles constituent un enjeu stratégique pour tous les partis politiques. Elles pèsent dans les élections, sans parvenir à peser au sein des instances de la vie politique française (21,3% au Sénat, 18,9% à l’Assemblée Nationale…).

Aujourd’hui, il y a urgence : la place des femmes dans la société française exige une refonte des méthodes et discours féministe pour apporter l’efficacité et les résultats tant attendus depuis 40 ans en France.

Il ne s’agit pas de dire qu’il ne fait pas bon de vivre en France quand on est une femme ou que l’on ne peut pas évoluer dans le monde politique et économique. Il s’agit surtout de souligner que des inégalités persistent, que des solutions existent et qu’il ne suffit pas de contester et de dénoncer pour faire avancer la cause des femmes. Le temps des propositions et de l’action est venu.

La recette de l’indignation facile et systématique est toujours efficace pour attirer l’attention mais qu’en est-il des résultats et des avancées ?

Le féminisme français a un devoir d’exemplarité

La France a un devoir d’exemplarité en matière d’égalité homme‐femme à l’égard des autres pays qui nous considèrent encore comme le pays des Lumières, de la Révolution et des Droits de l’Homme. Le féminisme français a également un devoir d’exemplarité et de dignité vis‐a‐vis des autres pays et des autres femmes qui œuvrent, malgré les risques, dans leurs pays pour acquérir des droits fondamentaux.

Le féminisme français, dans sa grande majorité, est sclérosé. Peu d’évolutions idéologiques, peu d’évolutions méthodologiques. Il y a parfois comme un mur entre les femmes et les mouvements féministes français. Il y a encore beaucoup de tabous, de non‐dits et d’incompréhensions de part et d’autre. En effet, le féminisme ne peut se réduire à la stigmatisation des uns et la victimisation des autres.

Ainsi, il nous a semblé important de rappeler lors de nos prises de position que le féminisme n’appartient à aucune formation politique. Nous nous sommes interrogés sur les possibilités et les axes à développer pour permettre au féminisme de retrouver un nouvel essor, plus centré sur les sujets qui concernent directement les femmes aujourd’hui : l’emploi, les salaires, la conciliation entre vie personnelle et professionnelle. Nous n’avons pas peur du concret et de la simplicité. La vie quotidienne nous rappelle à quels points les discours sont beaucoup moins efficaces que les solutions simples et concrètes.

Nous voulons briser des tabous, sortir des chemins battus, et apporter des propositions dans les secteurs qui nous semblent stratégiques, pour faire avancer rapidement la situation des femmes en France : éducation, engagement politique, égalité salariale, promotion, condition de vie au travail, petite enfance.

Faire passer le féminisme de la philosophie aux politiques publiques

Aujourd’hui encore une partie du mouvement féministe utilise les mêmes discours et les mêmes méthodes que les mouvements qui luttent contre le racisme. De cette manière, elles nous laissent penser que les féministes des années 60 et 70 auraient échouées dans leur mission, et qu’aujourd’hui encore, celles qui se revendiquent d’être « leurs filles spirituelles » sont dans l’obligation de reprendre les mêmes méthodes? Est ce peut‐être aussi un aveu de leur incapacité à moderniser le féminisme par de nouvelles approches plus pragmatiques et mieux adaptées à notre société ? 

Le débat féministe est aujourd’hui enfermé entre une approche par la discrimination positive et une approche universaliste axée sur le terme générique et quelques peu utopique des « droits humains ». Si ce débat était intéressant aux siècles des Lumières, il est quelques peu désuet pour ne pas dire dépassé au XXIème, à une époque où le chômage, la précarité, la violence sociale et la haine raciale font leur entrée dans toutes les grandes démocraties occidentales. Cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner le mouvement féministe, cela veut seulement dire qu’il faut peut‐être changer d’angle d’attaque.

Le féminisme doit se recentrer sur des fondements plus rationnels, plus institutionnels et donc plus démocratiques. Le féminisme pour être efficace doit être considéré comme une politique publique comme les autres. Ce n’est plus une philosophe ni une idéologie et encore moins un état d’esprit… c’est juste une politique visant à rééquilibrer certaine asymétrie sociale inexplicable et inacceptable.

Nous appelons donc les pouvoirs publics à prendre la cause féministe à bras le corps comme une politique publique fondamentale pour la cohésion sociale de notre pays. Il faut sortir le féminisme du champ de la philosophie et le placer sur le champ des politiques publiques, en le rationalisant et en le sortant d’une certaine forme d’impasse intellectuelle. Cela est plus difficile politiquement car une politique publique peut être évaluée et doit logiquement apporter des résultats, ce qui n’est pas le cas des philosophies et des idéologies…

NB : Cet article a été co-écrit avec Jacques Touzard, Secrétaire général de l'association Future au féminin.

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