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Le mécénat pour tous : quand la rénovation de façades permet de transformer les rues en musées
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Pas de pub, mais du mécénat

David-Hervé Boutin, fondateur du groupe BB+, souhaite promouvoir des talents français trop méconnus. Il a eu l'idée, en 2013, de mettre les bâches qui couvrent les ravalement de bâtiments, au service de l'art.

David-Hervé Boutin

David-Hervé Boutin

David-Hervé Boutin est chef d’entreprise dans le secteur culturel et ex-Secrétaire national Les Républicains pour la Culture et les médias. 
 
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Atlantico. Comment vous est venue l'idée de ce concept ?

David-Hervé Boutin. C'est une idée que j'ai eue en 2013 en me baladant sur les quais de Seine, en voyant cette immense bâche publicitaire envahir les bâtiments classés historiques : la Conciergerie, la place de la Concorde... Ces publicités sont là pour payer les ravalements que l'Etat ne peut pas faire. Je trouvais cela intéressant de mettre en avant un autre type d'œuvres et mettre en avant ces talents que j'ai toujours cherché à détecter, aider et promouvoir à divers moments de ma vie. Je suis moi-même mécène des Beaux Arts et du Palais de Tokyo notamment. C'était important de donner un coup de pouce à ces jeunes talents qui sortent de l'école ou des artistes plus confirmés mais qui n'ont pas la chance d'être exposés dans une galerie ni même dans un musée. On parle finalement tout le temps de ces talents français et on ne les voit jamais. Ils essayent d'exister par eux-mêmes, notamment via des sites de crowdfunding, mais ce n'est pas assez.

Mon souhait était vraiment de leur donner un coup de projecteur. Et aussi parce que j'en ai assez de voir tous ces jeunes partir à l'étranger, aux Etats-Unis ou en Asie pour promouvoir leur art. En même temps, je me disais que l'on était le pays le plus visité au monde, Paris en particulier et les touristes n'ont pas le temps ni le loisir de visiter tous les musées. En général, ils visitent le Louvre et ça s'arrête là. Il y a de nombreux quartiers où ils ne vont jamais. La question est de trouver comment promouvoir des expositions artistiques en plein air, faire un grand musée à ciel ouvert pour toutes ces personnes, touristes ou non, qui n'ont pas le réflexe d'aller dans des musées. C'est une approche "pop art" c'est-à-dire descendre l'art dans la rue. Cela se rapproche du "street art", mais en étant légal. 

Une fois que vous avez eu cette idée, comment avez-vous réussi à la mettre en oeuvre ?

Je me suis penché sur le règlement local des publicités et j'ai rencontré une personne qui avait une société de ravalement, Aldo Sarini. La publicité est interdite sur les bâches de ravalement, sauf si le monument est classé monument historique. Il n'y a que l'Etat ou de grandes fortunes qui habitent dans ces habitations classées qui peuvent bénéficier de cette manne publicitaire pour ravaler leur immeuble. La plupart du bâti parisien, or il y a une obligation de ravaler les façades pour les copropriétés, tous les dix ans. Et comme ces copropriétés ne sont pas aidées, cela leur coûte entre 80 000 et 100 000 euros. Ce sont des sommes énormes à payer. J'ai eu cette idée pour leur proposer de mettre en avant des artistes pour habiller leur surface pendant les travaux et embellir ainsi leur bâtiment et le quartier.

Mais alors en quoi votre projet permet-il d'aider financièrement ces propriétaires s'il s'agit d'art et non de publicité ?

C'est un concept original, qui n'a jamais été mis en oeuvre. Il s'agit de permettre à une marque, une fondation ou un particulier qui devient partenaire ou mécène de promouvoir ces artistes. Nous avons des frais de réalisation et de production de cette bâche, nous payons l'artiste, on installe le dispositif. On demande une somme à ces partenaires et c'est une partie de cette somme - qui est 80% moins cher que la publicité - qui participe au montant du ravalement. De plus, la bâche permettra de confiner davantage la poussière, il y aura donc moins de désagréments pour les riverains... C'est un aspect visuel intéressant et qui valorise la copropriété. Les avantages pour le mécène sont fiscaux. Si c'est un partenaire, c'est une communication plus intelligible, responsable. Il est encourageant de voir des entreprises s'engager dans le social, le sociétal, et en faveur des artistes et du beau. En créant cet effet d'aubaine, on accélère le ravalement du bâti parisien. Cet effet d'aubaine, créé des emplois qui sont indélocalisables. Il y a un aspect économique. Et je mets de l'art et du beau dans des endroits où il n'y en a pas forcément d'habitude. 

Et comment l'artiste bénéficie-t-il de ce coup de projecteur ?

L'objectif est bien entendu de mettre en avant des artistes trop méconnus. L'artiste acquiert une notoriété. On pourrait essayer pour les prochaines bâches d'insérer un QR code pour que l'artiste explique directement son œuvre, ce qui permettra d'avoir une sorte d'audio-guide pour expliquer ce que l'artiste a voulu dire et mettre en place des parcours avec plusieurs œuvres. Ici, Chloé a choisi cette œuvre qu'elle avait réalisé il y a deux ans. J'ai un accord avec la Maison des Artistes qui me permet d'avoir accès à des dizaines de milliers de talents, une base de données très importante. Je connais personnellement aussi de nombreuses galeries. La rencontre doit se faire avec deux autres personnes : l'artiste et la marque. La marque décidant quel artiste elle veut soutenir, est en résonance avec ce qu'elle dit. La fondation décide de mettre en avant un artiste qu'elle soutient déjà. Un particulier, artiste lui-même, peut aussi vouloir se mettre en avant.

Comment cela se passe-t-il concrètement pour la marque qui soutient l'artiste ?

La marque est intéressée par le procédé. Soit elle a déjà en tête des artistes qu'elle souhaite promouvoir, soit elle s'dresse à nous. Nous avons un vivier de talents que l'on peut lui proposer. Et elle choisit.  Et on redonne une partie à l'artiste. La marque apparaît dans un bandeau. En l'occurrence sur l'œuvre de la rue Saint-Honoré, qui mentionne : "Marionnaud et la Maison des artistes soutiennent la création artistique. Oeuvre réalisée par Chloé." Ce n'est pas de la publicité puisque 90% de la bâche est une œuvre d'art. C'est un mécène comme pour les autres expositions. 

Parlez-nous de l'oeuvre de Chloé, "Miss Bubble" !

C'est une Marylin qui célèbre la beauté, la beauté universelle, réalisée à partir de visage de milliers de femmes qu'elle a rencontrées au cours de ses divers voyages. Son discours est donc que toutes les femmes concourent à cette beauté universelle, représentée de façon iconique par Marylin. L'artiste a été choisie par la marque. 

Quels sont vos projets ?

J'aimerais développer cette première mondiale, décliner ce concept original en réalisant un parcours à travers Paris, parfois dans des endroits où il n'y a pas de culture parce que les musées sont concentrés dans le centre de la capitale. Les gens n'en profitent pas et il y a des arrondissements où il n'y a pas d'accès à la culture. Ce serait intéressant de faire connaître la culture là où il n' y en a pas. J'offre un moyen à la fois éphémère et qui ne dégrade pas le paysage. De plus, les artistes pourront recycler leurs œuvres. 

Aujourd'hui les gens veulent participer et veulent s'approprier l'art. Ce serait sur le principe de crowdfunding : les personnes pourraient financer le projet. Ensuite, en retour, on pourrait imaginer différentes options. Si vous donnez vingt euros, vous êtes nommé sur le communiqué de presse, si vous donnez cent euros, vous aurez un morceau de la bâche, si vous donnez 500 euros, vous aurez un sac fabriqué, signé par l'artiste, à partir de la bâche. On peut aussi fabriquer des tentes et les donner à des associations caritatives. Je souhaite que ce soit un projet qui soit le plus responsable possible.

Je souhaite vraiment embellir l'espace urbain, en mettant en avant des artistes méconnus sans utiliser l'argent public. On n'attend pas de l'Etat qu'il finance.

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