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Le G20 a redessiné la carte des puissances mondiales
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Gribouille

En acceptant de s'en remettre toujours plus au FMI plutôt qu'à la BCE, les Européens se trouvent infantilisés. Avec le nouvel ordre monétaire international ébauché à Cannes, c'est une nouvelle hiérarchie des puissances mondiales qui est apparue, non plus fondée sur des statuts politiques issus du monde de 1945 mais sur la richesse économique réelle des pays.

Paul Jorion

Paul Jorion

Paul Jorion est Docteur en Sciences sociales et enseignant. Il a aussi été trader et spécialiste de la formation des prix dans le milieu bancaire américain.

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Atlantico : Le G20 s'est achevé vendredi soir. D'après la déclaration commune qui s'en est suivie, les chefs d’États se sont notamment accordés sur la possibilité d'augmenter les fonds à destination du FMI, afin d'accroître son pouvoir d'action. Sommes-nous en présence d'un nouvel ordre monétaire international ?

Paul Jorion : Cette réunion a été distraite par des considérations d’actualité, notamment suite aux déclarations de Georges Papandréou qui a pu apparaître comme revenant sur des accords préalablement conclus, sans oublier la situation de plus en plus préoccupante de l’Italie.

Ceci étant, il apparaît en filigrane que les chefs d'État commencent à définir la nature des véritables problèmes qui se posent, et donc à délimiter les contours d'un nouveau cadre mondial. L’un des aspects de ce cadre, c’est l’ordre monétaire international. Ce dernier s’était effondré en 1971, lorsque Richard Nixon a dénoncé les accords de Bretton Woods. Et depuis 40 ans, nous vivions dans un cadre sans véritable ordre monétaire international. Les esprits avancent donc dans la bonne direction.

Ils prennent conscience du fait qu’il faut redéfinir la présence des nations au G20 en fonction de leur puissance économique, et non se contenter d’un ordre politique établi durant l'après Guerre Froide. La carte du monde est redéfinie en fonction des moyens dont disposent les pays, qui ont été définis par le commerce international.

Pour l'Europe, n'est-il pas question une fois de plus d'échapper à ses responsabilités, notamment en s'en remettant au FMI plutôt qu'en engageant davantage la BCE ?

L'Europe accepte de se retrouver dans une position de plus en plus infantilisée, où les directives sont conduites par la Chine et les États-Unis.

Deux aspects expliquent cela :

  • l’Allemagne apparaît au sein de la zone Euro comme la nation de dernier recours, et elle le sait. Elle a d'ailleurs introduit dans sa Constitution un ensemble de mesures qui interdit la solidarité avec les autres États membres,

  • les personnalités politiques ne sont plus à la hauteur des problèmes.

    La seule personnalité étant apparue comme à la hauteur a été le malheureux Georges Papandréou, qui ne dispose désormais plus du pouvoir à l’intérieur de son propre pays pour prendre les décisions qui s'imposent. Il a fait réintervenir le politique dans des questions d’ordre purement technique. Un tournant qui aurait pu permettre davantage d’intégration européenne, sur le plan de l’intégration des peuples plutôt que de l’intégration marchande.


Une liste des Banques systémiques mondiales (celles dont la faillite menacerait la stabilité du monde entier) sera dressée, où devrait notamment figurer quatre banques françaises (BPCE, BNP Paribas, Crédit agricole et Société générale). Des mesures doivent être engagées pour assurer leur renforcement, mais si ces dernières sont mises en difficulté, elles pourraient être démantelées. Le pire est-il à craindre ?

Les leaders politiques mondiaux prennent enfin la mesure du danger systémique que constitue l’existence de ces banques, dont l’effondrement entraînerait celui du système entier. Le risque peut toucher chacune de ces banques, et il suffit qu’il apparaisse chez l’une d’entre elles pour entraîner les autres. Il faut donc envisager le démantèlement de ces entités, pour minimiser de manière drastique leur taille et les risques encourus.

Le Président français a déclaré, "Nous ne voulons plus de paradis fiscaux. Le message est très clair, les pays qui demeurent des paradis fiscaux seront mis au ban de la communauté internationale". Ce G20 pourra-t-il mettre fin durablement aux paradis fiscaux, alors que ces derniers sont présentés comme un "mal nécessaire" ?

Le discours tenu est d'une monstrueuse hypocrisie. Certains de ces paradis fiscaux sont directement liés aux places boursières et aux États.

Il ne s’agit pas simplement d’évasion fiscale, mais de grande entreprises et multinationales qui assurent leur optimisation fiscale. Autrement dit, qui diminuent le montant total de leur imposition en se redistribuant à l’intérieur des paradis fiscaux. Or ces grandes entreprises sont liées aux intérêts particuliers que soutiennent les États nationaux. Ces derniers soutiennent donc les grandes entreprises, puisqu'elles sont liées au gouvernement même de leur pays.

Enfin, la plupart des pays ont besoin des paradis fiscaux pour opérer certains types de transactions financières qui ne peuvent apparaître au grand jour, comme pour la vente d’armements.


Que dire enfin des taxations sur les transactions financières qui devraient apparaître d'ici 2012 ?

Les transactions financières journalières contribuent au bon fonctionnement de l’économie, et ne devraient pas souffrir d'une quelconque forme de pénalisation. D’autres sont au contraire dangereuses, et ne devraient pas être découragées, mais tout simplement interdites. Je pense notamment aux opérations de spéculation sur les matières premières, qui atteignent directement les producteurs. 

A l ‘échelle mondiale, il faut prendre conscience que la finance susceptible de soutenir l’économie ne peut être qu’une finance considérablement réduite, qui ne représenterait plus que 20% de son volume actuel.

Reste que le G20 dans son ensemble aura permis, pour la première fois, de cartographier la majeure partie des problèmes recensés. Ce qui constitue un progrès réel dans la conceptualisation collective des difficultés.


Propos recueillis par Franck Michel

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