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Le gouvernement lance la chasse aux fraudeurs.
Le gouvernement lance la chasse aux fraudeurs.
©DR

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

La fraude, la fauche, le cash et le travail au noir gangrènent l’économie française. Plutôt que d’en chercher les causes, le gouvernement réprime mais cela ne résoudra pas le problème.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Plutôt que de chercher les vraies causes de ces marqueurs de crise, le gouvernement accroit les politiques de répression. Il a déclaré la guerre au cash, aux fraudes et autres distorsions. La chasse aux fraudeurs est ouverte. Sur le front de la vie quotidienne et sur le front de l’entreprise.

Le gouvernement fait son travail sur tous les fronts de la malveillance économique. Il a raison. Il ne peut pas accepter la multiplication des fraudeurs de toute sorte. Mais il pourrait s’interroger sur la gravité de ce phénomène. 

Premier champ de bataille, la vie quotidienne des Français. Cette semaine, le ministre de l’Économie a déclaré la guerre aux paiements en cash. Le paiement en liquide ne laisse aucune trace. Il est donc privilégié dans le trafic de drogue, la prostitution et la fraude fiscale. 

Michel Sapin va donc limiter la liberté d’utiliser du cash. Plus de paiements supérieurs à 1 000 euros en espèce. Pour les non-résidents, et les touristes, le plafond de liquidités dont ils pourront disposer est lui aussi revu à la baisse de 15 000 à 10 000 euros. Les retraits d’argent au guichet des banques ou aux bureaux de changes seront très surveillés et signalés à Tracfin s’ils dépassent les 10 000 euros. La carte d’identité sera obligatoire pour échanger de l’argent à partir de 1 000 euros. 

Cet argent liquide est au cœur de ce qu'on appelle l’économie grise. Il s’agit d’activités légales qui échappent au fisc et qui représenteraient 1 900 milliards d’euros dans l’union européenne (20% du PIB). Elles représentent 8% en Allemagne mais 30% en Roumanie et en Bulgarie, 20% en Espagne et en Italie, 11% en France.

Michel Sapin a justifié ses mesures de contrôle par la nécessité de lutter contre le terrorisme. Peut-être qu'il a raison, parce que le terrorisme a besoin de cash pour fonctionner. Mais en réalité, c’est au travail au noir qu'il s’attaque. C’est-à-dire à un travail qui permet à certaines catégories de citoyens de survivre en période de crise. Plus le pays est en crise, plus les acteurs de l’économie essaient de passer outre les règlements et les contraintes. 

Le cash est un marqueur de développement des activités illégales mais c’est aussi un marqueur puissant de la crise et de la pression fiscale. Dans les pays où la pression fiscale et sociale est plus faible, où l’économie marche bien, le travail au noir et le cash ont moins de succès. Cherchez l’erreur. 

L’autre solution pour le gouvernement serait d’encourager au maximum l’usage de la monnaie digitale. En fait, aujourd’hui on pourrait très bien se passer de billets et de pièces de monnaie, on pourrait fonctionner à 100% en monnaie digitale. A noter que si l’Union Européenne supprimait complètement la monnaie fiduciaire (les billets) au profit de la monnaie électronique, elle économiserait 60 milliards d’euros. C’est le coût de la fabrication et la mise en circulation des euros papiers. 

Deuxième champ de bataille, l’entreprise. Les sociétés d’assurance ont démontré une explosion des sinistres qui ne doivent rien au hasard ou à la malchance. Le risque de vols sur les chantiers et dans les entrepôts d’usine n’a jamais été aussi important. La fraude sur les approvisionnements, les facturations, les assurances sont aujourd’hui gigantesques. Il n’y a jamais eu autant «d’incendies accidentels» dans les entrepôts. Les enquêtes sont souvent abandonnées faute de preuves, mais on sait bien que les accidents ne sont pas fortuits. 

Une enquête réalisée par Euler Hermès, révèle que 77 % des entreprises sont l’objet de fraudes. Dernière fraude en date, le faux président qui téléphone au service comptable en lui intimant l’ordre de faire un virement à un pseudo client. Tout est faux dans ce type d’arnaques, le client et le président. Tout est faux sauf l’argent.

Cette montée en puissance est aussi un marqueur de crise. Que le gouvernement s’intéresse à tous ces types de crise, c’est évidemment légitime, sauf qu’il faudrait s’attaquer à la vraie raison : les difficultés économiques avec un logiciel de reprise efficace. Trop difficile à mettre en place. Politiquement, c’est sans doute plus payant de s’attaquer aux fraudeurs. Parce que l’opinion est rassurée et parce que les fraudeurs de haut vol ne votent pas.

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