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Shadow banking : et si la crise des dettes ne faisait que commencer ?
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Finance grise

Préoccupé par les questions grecque et italienne, le G20 n'a pas tenu toutes ses promesses concernant la régulation financière. Les activités du shadow banking sont celles de ce secteur financier qui échappe à tout contrôle. Mise au point sur le potentiel détonateur d’une nouvelle crise bancaire.

Franck Margain

Franck Margain

Franck Margain est vice-Président du Parti Chrétien Démocrate et conseiller régional UMP en Ile-de-France.

Après des études en finances, il est devenu cadre dans une grande banque internationale.

 

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La définition la plus courante du shadow banking se résume ainsi : activité de banque, menée par des entités qui, ne recevant pas des dépôts, ne sont pas régulées en tant que banques. Et qui ne sont donc pas soumises à la réglementation bancaire, et en particulier aux réglementations Bâle I et Bâle II.

Il s’agit principalement des fonds monétaires, des Hedge Funds et des « véhicules spéciaux de titrisation », des banques d’affaires (comme l’étaient dont Lehmann Brother et Bear Stern, deux banques qui ont fait faillite), des fonds de pension.

C’est un transfert indirect de risques et de responsabilités, entre les " investisseurs"  (Hedge Funds) qui achètent des actifs risques, "repackagés" par des banques d'investissement  ; et les "financeurs", banques de dépôts par exemple, qui leur pourvoient la liquidité nécessaire en ne tenant pas compte du risque réel qu'elles refinancent (risques notés par des agences de notation). Les "financeurs" se trouvent ainsi engagés dans des risques très éloignés de leur métier d'origine.

Dérégulés

Il y a les Hedge Funds qui sont considérés comme des acteurs « shadow banking », puisque n'étant pas des banques, ils ne sont pas régulés en tant que telles. Or ces Hedge Funds n’agissent pas autrement que des Banques d’investissements. Ils reçoivent des refinancements de la part des banques de dépôts sous la forme de prêts, aussi bien dans leurs opérations de marchés que sur les opérations d’investissements qu’ils mènent sous forme de  LBO par exemple, la nature d’un Hedge fund étant de jouer sur les effets de levier.

Les fournisseurs de liquidités ne sont pas uniquement des banques de dépôts, mais aussi des caisses de retraites, de grandes institutions détenant une trésorerie importante, les assureurs, et les OPCVM monétaires, ces derniers se multipliant depuis 10 ans. Ils prennent part aux opérations de « shadow banking », non par le biais de prêts puisque leur statut leur interdit, mais en investissant dans les produits financiers élaborés par les banques d’affaires ou par les Hedge Funds.

Les tailles les plus improbables sont avancées par les différents cabinets d’experts, entre 10 et 30 trillions de dollars. Et il est malheureusement aujourd’hui impossible de mesurer le poids exact des ces acteurs financiers, puisque la particularité du Shadow Banking réside dans son opacité. Les chiffres sont donc très difficiles à vérifier, puisque non soumis à la même régulation que le système bancaire.

Deux points importants cependant :

  • la taille globale de ces acteurs n’a pas diminué depuis la crise de 2008, même si une décrue a été observée en 2009 pour une remontée à un niveau supérieur de l’avant crise,

  • il représente désormais au moins 25% du système financier.

Rappel historique

Pour sauver le système financier d’un cataclysme, les États-Unis ont lancé le TARP (Troubled Asset Relief) et le TALF (Term Asset-Backed Securities Loan Facility ), dont l’objectif a été de proposer un levier aux acteurs privés pour acquérir des actifs. Les États-Unis ont financé l'acquisition des dettes « toxiques », en garantissant aux investisseurs les pertes potentielles et leur permettant des rentabilités importantes.

Les États membres de la zone Euro ont mis en place des mécanismes totalement calqués sur les deux modèles TARP et TALF. Ils ont encouragé le renforcement des fonds propres des établissements financiers en facilitant la réduction de leur exposition aux "actifs risques" par un transfert de ceux-ci vers le shadow banking, c’est à dire à l’ensemble des acteurs financiers qui n’obéissent pas au contrôle des autorités de stabilité financière.

La multiplication des produits dérivés en conséquence

Les États-Unis comme les responsables de la zone Euro encouragent les établissements bancaires à transférer certaines de leurs activités dans les shadow banking, afin de renforcer leur solidité financière mise en cause par de nombreux actifs toxiques.

Les 17 membres de la zone Euro restructurent la dette de la Grèce de telle sorte que les CDS (contrats de protection sur le risque grec)  ne soient pas activés (le montant des contrats de garantie sont supérieurs au montant du risque grec)  afin d’éviter la faillite des établissements bancaires qui ont garanti ces contrats. En même temps, les mêmes 17 membres continuent à mettre en œuvre les mécanismes qui offrent au FESF la possibilité d’émettre des CDS pour couvrir les premières pertes des obligations émises par les pays « périphériques ».

L’étude du FSB (Financial Stability Board) pointe l’accroissement important des nominaux des produits dérivés qui présentent un risque systémique sur la stabilité des économies mondiales.

Le risque systémique prend des proportions considérables, alors que dans le même temps, des pans entiers de cet univers échappent au régulateur. Ce ne sont pas finalement les Hedge Funds qui sont les plus redoutables dans cette question du shadow banking. Les plus importants ont bien supporté la crise de liquidité et les plus petits, en faillite, n’ont fait que peu de dégâts chez leurs prêteurs. C’est l’accumulation d’acteurs financiers et leur fabrication de produits financiers non soumis aux régulateurs qui a causé le plus de dégâts. 

Des corrections à apporter

Aux États-Unis, une première salve régulatoire a vu le jour avec le Dodd-Frank Act. Si cette réforme ne vise pas directement le shadow banking, elle contient des dispositions qui améliorent le contrôle de certains de ses acteurs comme les Hedge Funds, surtout les broker-dealers et les agences de notation. Non seulement les 19 000 Hedge Funds sont désormais sous le contrôle du gendarme américain des marchés financiers, mais les produits titrisés seront encadrés et plus transparents.

Cependant de nombreux acteurs (comme les fonds monétaires) et instruments financiers, qui interviennent dans le refinancement à court terme des institutions, sont laissés hors du champ d’application de la loi, ce qui pourrait permettre au shadow banking d’adapter son fonctionnement aux faiblesses de la régulation.

La crise de la dette, la crise des dettes ne fait que commencer si aucune action coordonnée n’est entreprise.

Beaucoup militent, Européens en tête, pour que les institutions non régulées soient couvertes par les contraintes de Bâle III, de même  que les niveaux de fonds propres et de leviers proposés. C’est la seule issue plausible, sachant que la taille des actifs gérés par la banque de l’ombre dépasse celle du secteur bancaire traditionnel.

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