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La France est en guerre contre Facebook, Twitter, Booking, Expedia...
La France est en guerre contre Facebook, Twitter, Booking, Expedia...
©Pixabay

Ce pays est foutu

Même si la France est maintenant turbolibérale (on le sait, on ne peut y échapper, c’est évident), au moins certaines institutions ne faillent pas à leur mission de résister, tous les jours un peu plus, à l’envahissement du pays par de nouvelles technologies et de nouveaux concepts qui risqueraient, s’ils n’étaient pas turborégulés comme il se doit, de mettre tout le vivre ensemble de la Nation en péril.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Et si l’on sait déjà que Amazon, AirBnb et Uber sont sous le feu nourri des critiques tant ces sociétés attaquent la fabrique même de notre société libre, égalitaire et fraternelle, d’autres entreprises ne perdent rien pour attendre. C’est le cas, notamment, de Facebook et Twitter, qui ont été clairement désignés comme les prochaines cibles de la vindicte populaire.

En l’espèce, cette vindicte sera portée par TF1, M6, Canal+, France Télévisions ainsi que l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle. Ces vénérables institutions, réputées pour leur grande souplesse d’adaptation aux nouveaux paradigmes qu’internet aura introduits, ont décidé d’envoyer un courrier bien senti aux méchants dirigeants de Facebook et de Twitter pour dénoncer la mise en ligne de leurs contenus vidéos sans autorisation.

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Que voulez-vous : il est parfaitement intolérable que ces réseaux sociaux commencent à faire de la publicité gratuite au matériel produit par ces chaînes de télévision, de même qu’il est insupportable pour ces télévisions de voir cette méthode gratuite de diffusion de leur marque, de leurs produits. Pensez-donc ! Des gens utilisent Facebook ou Twitter pour commenter, diffuser ou partager des contenus de ces chaînes ! Pour les chaînes, cela "va inévitablement conduire à accroître les mises en ligne de vidéos illicites et en particulier contrefaisantes d’œuvres audiovisuelles, cinématographiques et de programmes télévisés. Nous constatons que nos contenus vidéos ont été mis en ligne sur Facebook sans notre autorisation et visionnés parfois plusieurs millions de fois".

Et non, ce n’est absolument pas la faute du Community Manager (l’équipe en charge du bon référencement des chaînes télé sur internet, et de la bonne diffusion de leurs messages et leurs contenus), pas du tout. Tout ceci est à l’évidence de l’entière responsabilité des réseaux sociaux (ou, dans une moindre mesure, de ces cancrelats d’utilisateurs qui ont le goût douteux d’être, trop peu souvent, des auditeurs de ces chaînes).

Bref, si jamais on laisse faire, ces chaînes vont finir par rattraper une partie de l’audience qui les fuyaient (les jeunes notamment) et ça, il n’en est pas question puisque leur but est, avant tout, de faire de l’argent sur le segment des vieux croûtons qui ne savent pas se servir d’un mulot et qui ne savent pas cliquer pour envoyer des e-mails. L’enjeu est d’importance en terme d’audience et de soussous dans la popoche, puisque d’après les petits calculs des chaînes "lésées", "Ces plateformes gagnent chaque jour de nouveaux vidéo-spectateurs, ce qui fait perdre de l’audience et des abonnés aux diffuseurs. Or, ce sont ces derniers qui participent au financement de la création et payent des impôts, pas Twitter ni Facebook".

Ah oui, les zimpôts, qui justifient à la fois de nombreux efforts pour tabasser ces deux entreprises, et à la fois l’embrigadement du ministricule de la Culture actuel (une certaine Fleur Pellerin selon mes informations). Il est vrai que l’autre argument – celui de la perte d’audience – n’est pas fort crédible lorsqu’on juxtapose avec les millions de vues des vidéos en question. Peut-être les télévisions sont-elles surtout confrontées à un changement profond de leur modèle d’affaires, qui s’accommode fort mal de la décentralisation complète des auditeurs, de la disparition des horaires fixes et prévus à l’avance ?

En tout cas, rien qu’une bonne bordée de procès et qu’une volée de lois spécifiques ne saura résoudre à court terme, parions-le !

Et si ça marche pour les vilains réseaux sociaux qui ne payent pas d’impôts en France, cela doit pouvoir fonctionner aussi pour ces autres plaies modernes que sont Booking.com, Expedia ou Hotels.com qui, comme chacun le sait, s’emploient à saboter méchamment le travail des agences de voyage et des hôteliers. C’est pourquoi en moins d’un mois, du Sénat à l’Autorité de la Concurrence, plusieurs décisions sont parties à l’assaut des scandaleux systèmes mis en place par ces plateformes.

Le principal défaut de ces abominables sites ?

"Ce qui pose problème, aujourd’hui, c’est que les différents services de réservations en ligne imposent des rabais aux hôtels."

oh filoche

C’est honteux : en fournissant une information standardisée, uniformisée et comparable, à un coût nul, à une masse grandissante de clients potentiels, ces plateformes ont autorisé une mise en concurrence inégalée de commerces qui, auparavant, ne l’étaient pas. Cette concurrence fait violemment baisser les prix, c’est… C’est… C’est intolérable !

Pire, comme l’explique Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques du Sénat, "le fait est qu’aujourd’hui, si un hôtel ne se plie pas aux exigences du site de réservation, il peut en être rayé."

ARgHh mais c’est horrible, ça ! C’est comme si Google refusait d’indexer un site sans raison ! Vite, il faut absolument imposer un cadre bien contraignant à ces plateformes ! Le Sénat et le Tribunal de Commerce de Paris vont donc lutter ardemment contre la mise en concurrence et les prix bas aux hôtels. Il en va du pouvoir d’achat des Français d’une question de souveraineté économique, pardi !

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Décidément, tout doit y passer : souveraineté économique, méchante concurrence, égalitarisme outrancier, deux poids deux mesures, raisonnements bancals justifiant n’importe quel lobbyisme, toutes les excuses sont bonnes pour ces politiciens, ces juges, ces corporatistes afin de justifier le maintien, à tout prix, du statu quo.

Et il en sera de même lorsque ces petits maréchaux de pré-carrés devront trouver des raisons d’interdire ou « réguler à mort » les initiatives citoyennes indépendantes de tout échange financier (comme Nightswapping par exemple), ou lorsqu’il s’agira de faire absorber à la société française l’impact impliqué par le camion qui se conduit tout seul ou la voiture qui en fait autant.

Cependant, on doit se demander combien de temps sera perdu par ces freins crétins, ces corporatismes sclérosants ? Combien de vies ruinées (par l’utilisation habile du fisc comme bras armé d’une corporation) ? Combien de vies brisées (sur les routes, par exemple) que ce soit par ces comportements ou par ces interdictions ? Et surtout, comment expliquer que le Camp du bien, autoproclamé progressiste, se retrouve de nos jours systématiquement sur le chemin de ces innovations, qui sont pourtant le marqueur clair de progrès évidents ?

Qu’est devenue la France du progrès, de l’innovation ? Elle a bel et bien disparu, sclérosée par le choix, conscient ou non, d’une surprotection permanente de tout, au point de la couper de plus en plus du reste du monde.

Ces assauts ridicules contre ces sites, ces tentatives judiciaires contre les réseaux sociaux, ces luttes permanentes contre la disparition de l’intermédiation et ces néo-luddismes néfastes imposent tous la même conclusion.

Ce pays est foutu.

Cet article est également publié sur H16free.com

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