Les 4 raisons pour lesquelles la Banque centrale américaine a perdu ses boussoles <!-- --> | Atlantico.fr
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Janet Yellen, présidente de la FED.
Janet Yellen, présidente de la FED.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

La FED n’a jamais été aussi indécise sur la politique monétaire à appliquer. La décision que doit prendre Janet Yellen est compliquée et importante pour l’avenir de l’économie mondiale. La Banque centrale américaine apparait incapable de prendre une décision.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis le 22 mai, date à laquelle la présidente de la Réserve Fédérale a dit qu'il faudra bien remonter les taux d’intérêt, on a entendu tout et son contraire de la part des autorités américaines. Les marchés eux, se sont emballés. Le dollar a regrimpé et l’euro a baissé. Les marchés financiers ont fait une poussée de fièvre. Le résultat est qu‘aujourd'hui, la majorité des acteurs de la sphère financière sont convaincus que la situation actuelle n’est pas tenable mais ils ne savent pas combien de temps elle va encore tenir.

Première raison, les boussoles sont cassées. La FED, qui a pour objectif de permettre à l’économie d’atteindre le plein emploi et la stabilité des prix, ne sait pas exactement où en est la situation. L’emploi a fortement progressé mais ce sont très souvent des emplois précaires et faiblement rémunérés. Quant à l’inflation, elle est très faible. La meilleure preuve, c’est qu’il n'y a aucun signe d’emballement sur l’emploi ou les salaires. La pression à la baisse des prix est très forte, la concurrence des pays du sud, la baisse du prix du pétrole, les nouvelles technologies, tous ces facteurs pèsent sur le niveau des prix.

Deuxième raison, le risque du contretemps avec l’Europe. Si la Banque centrale américaine relève ses taux, et donne un coup d’arrêt à sa politique monétaire expansive, elle va se retrouver à contretemps des autres politiques monétaires dans le monde. A commencer par la BCE qui s’est engagée dans un programme très volontariste de création monétaire. Ce découplage va avoir pour effet de renforcer la valeur du dollar et d’accélérer la baisse de l’euro. La BCE craint le déclenchement d'une guerre des monnaies.

Troisième raison, les menaces politiques aux USA. La Banque centrale n’a jamais été aussi surveillée par le congrès que depuis deux ou trois ans. Le congrès a sous le coude plusieurs amendements d’origine "républicains" pour reprendre la main sur la politique monétaire jugée trop interventionniste. Janet Yellen ne voudrait être pas la présidente qui aurait créé les conditions pour rendre possible une réforme du statut.

Enfin quatrième raison, personne n’est capable de dire avec certitude si les politiques monétaires mises en place après la crise financière ont été bénéfiques. Au lendemain de la crise mondiale de 2008, la FED a sans doute permis à l’économie américaine d’échapper à la mort asphyxiée par les destructions de valeur.

Depuis, toutes les Banques centrales ont descendu les taux d’intérêt à zéro et ouvert les robinets du crédit en rachetant des obligations. Partout dans le monde, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, au Japon et désormais en Europe on s’est plongé dans la création monétaire. Or, le résultat a moyen terme, est décevant. Les taux négatifs et l’assouplissement quantitatif n’ont pas produit de miracles.

La FED a multiplié son bilan par 4,5 depuis 2008, passant de 1000 à 4500 milliards de dollars. Sur les 3500 milliards de création de monnaie, plus de 1000 milliards sont allés sur les marchés financiers. Le prix des actifs a été multiplié par 3, provoquant sans doute un effet richesse qui ne s’est pas retrouvé dans la consommation américaine, qui n’a augmenté que de 1,4 % par an.

Au Japon, la dette publique pèse désormais 250% du PIB, deux années et demi de richesse.

 La BCE qui a annoncé son programme a, certes, fait frémir les indicateurs de croissance, mais elle a surtout stimulé le cours des actions à la bourse et le taux de change de la monnaie américaine.

Ce qui trouble, les observateurs, c’est que l’amélioration du rythme d’activité est imputable autant au prix du pétrole qu'à la baisse des taux ou à la baisse de l’euro sans que l'on sache expliquer très précisément si l’euro baisse sous la pression de l’action de la BCE ou sous l’effet d’une appréciation de la situation par les marchés. On constate le phénomène sans l’expliquer vraiment.

Les économies occidentales souffrent de problèmes structurels graves révélés par la crise. On n'a jamais pu régler des problèmes structurels uniquement par une politique monétaire.

La source du doute qui s’est emparé des banquiers centraux est là. Une économie de marché ne peut pas vivre durablement avec des taux zéro. Or, la croissance a besoin d’investissements. Les relances de la demande, les soutiens monétaires et les bulles spéculatives ne peuvent pas entrainer une véritable reprise de l’activité créatrice d’emplois.

Le meilleur exemple de cette problématique est la Grande-Bretagne. Le pays a très bien géré son retour à la croissance. Elle l’a fait, à coup de réformes structurelles fortes et douloureuses, et la Banque d’Angleterre a très bien accompagné cet effort. David Cameron a remporté les élections sur un bilan très bon sur l’emploi et la croissance, malgré la douleur supportée par le corps social. La Grande-Bretagne a fait de l’austérité mais on ne lui a jamais reproché.

Le cas allemand est archi connu, ayant fait ses réformes de structures et d’adaptation il y a plus de dix ans, l’Allemagne s’est retrouvée protégée des effets de la crise.

La France, elle, n’a rien fait, rien engagée. La Cour des comptes vient de dénoncer, une fois de plus, son déficit budgétaire et ses montagnes de dettes. La France vit à crédit depuis 30 ans. Elle n’a changé aucune de ses habitudes.

La Banque centrale américaine est comme un médecin qui prescrit de la drogue pour calmer le corps social et protéger, en les huilant, les ressorts de la démocratie. Mais elle se retrouve un beau jour obligée de débrancher les pompes à morphine monétaire.

Du coup, les médecins ont très peur des réactions. Quand débrancher ? à quel rythme ? Selon quelles modalités ? La présidente de la Réserve Fédérale n’a pas de réponses convaincantes à ces questions. Parce qu’elle ne sait pas comment éviter le tremblement de terre.

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