Effondrement des souhaits d’alliance UMP-FN : le sondage qui souligne que la guerre des droites est vraiment déclarée<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Effondrement des souhaits d’alliance UMP-FN : le sondage qui souligne que la guerre des droites est vraiment déclarée
©REUTERS/Regis Duvignau

Sondage exclusif

Un sondage Ifop pour Atlantico révèle que seuls 30% des électeurs de l'UMP souhaitent encore établir des accords électoraux avec le FN. Soit une baisse de 20 points par rapport à l'an dernier. L'illustration que, désormais, les deux partis sont bien engagés dans une lutte pour la première place à droite.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

Voir la bio »

Atlantico : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Ce sondage est d'abord remarquable car il met en lumière une très forte évolution, alors que les enquêtes précédentes observaient une grande stabilité sur cette question. Il s'est donc passé quelque chose récemment qui a conduit à ce basculement, qui a fait reflué la volonté d'accord local entre l'UMP et le FN, laquelle était très forte puisqu'elle concernait un électeur sur deux chez les sympathisants UMP et  les ¾ chez les frontistes.

Dans les deux familles, on observe une baisse de 20 à 25 points depuis les dernières municipales de 2014, et il faut donc comprendre ce qu'il s'est passé, car cela n'est pas uniquement du au psychodrame de la famille Le Pen. Je pense qu'il y a toute une séquence qui a montré la monté en puissance du FN (sa victoire aux européennes, ses bons résultats aux départementales). Pour l'électorat de droite, le FN n'est plus perçu comme une force d'appoint pour défaire la gauche, mais plus comme un rival potentiel qui a une volonté de manger ou de casser la droite. Ce changement de perception vient de la modification des résultats électoraux, un FN à 18% n'a rien à voir avec un FN à 25%, voire d'avantage, et aussi favorisée par le discours tenu par les responsables de droite. Ce discours a évolué depuis les européennes, où le piège du FN obligeait les responsables à se positionner par rapport à lui. Depuis que Sarkozy a repris les rênes de l'UMP, il a un discours beaucoup plus offensif sur le FN. Cela ne se cantonne plus uniquement sur le plan économique, il le dénonce comme étant un ennemi de la droite, dont le but serait de casser l'électorat de droite et que dans ce contexte, aucun accord n'est possible, ni sur des valeurs, ni sur des accords techniques. Le changement de nom de l'UMP vers "Les Républicains" est, en ce sens, très utile dans ce contexte. Sarkozy essaie de renouer avec la stratégie de 2007 : aller loin dans le discours sur des thèmes proches du FN, il va sur ses terres tout en combattant Marine le Pen et l'appareil frontiste. C'est ce qu'il avait fait en 2006-2007, il s'écartait du FN tout en appuyant très fort le discours sécuritaire, ou sur l'immigration.

Dans la dernière ligne droite des départementales, il parlait des menus hallal, mais en même temps, il répètait à tous les meetings que chaque voix au Front national faisait un socialiste élu. Il disait que, quelque part, le FN était l'allié du PS, et que pour lutter contre le PS, il fallait voter pour l'UMP. Le nom de "Républicains" permet de se distinguer des autres partis, en affirmant qu'il ne faut pas se taire sur les sujets de société tout en restant lié à des valeurs républicaines. Son propos est résumé par cette phrase choc livrée au cours de son interview au Figaro "la République a trop cédé", entendre cédé au communautarisme et à l'islam. Sarkozy prône dès lors un républicanisme de combat, ce qui lui permet d'aller loin dans la confrontation avec le FN.

Les sympathisants de l'UMP ont bien compris que l'alliance avec le FN, seconde force politique de droite qui leur permettait de faire le contre-poids à l'alliance PS-PC n'allait plus de soi. L'idée de s'allier est dangereuse dès lors que la question du leadership est posée, que le FN a conquis plusieurs villes et s'est imposé aux européennes. Un certain nombre de leaders de droite, et notamment Sarkozy, ont parlé de cette lutte à mort avec le FN. Alors, bien sûr, les électeurs frontistes, désignés comme l'ennemi, n'ont spontanément pas forcément envie de s'allier avec la droite. Une autre partie aussi se voit monter en puissance et ne souhaite plus alors être en position de dominé.

Le sondage montre aussi que, si les électeurs frontistes s'opposent à des accords électoraux locaux, ils ne le font pas dans le cas d'accords nationaux. La question "souhaitez-vous que l'UMP et le Front national passent un accord national ?" qui se traduirait donc par la participation du Front national au gouvernement en cas de victoire de la droite à la présidentielle, pose la question de la conscience de la force ou de la faiblesse. Alors qu'au niveau local, les frontistes se savent en position de force et n'ont donc pas d'intérêt à s'allier à l'UMP, ils sont en revanche conscients de l'importance d'un accord avec l'UMP pour pouvoir participer à un gouvernement Sarkozy.

Le score de 30% des électeurs de l'UMP prêts à s'allier avec le FN est à rapprocher des chiffres d'avant 2010 et donc précédant l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du mouvement. Lorsque cette dernière a imposé une dynamique revenant à des valeurs plus républicaines, on a vu un mouvement de sympathie vers  le Front national. Le brusque recul que l'on constate montre qu'il y a une peur qui est née devant la montée en puissance du mouvement, qui en plus affiche sa volonté offensive envers l'UMP. C'est d'autant plus surprenant que Jean-Marie Le Pen, le repoussoir étant parti, on aurait pu s'attendre à un mouvement vers le FN. Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir à ce qu'il s'est passé aux élections européennes et aux cantonales et à la déclaration de guerre de Sarkozy au FN. Cependant, il ne faut pas oublier que 30% représente une large part de l'électorat avec laquelle il va aussi falloir se mettre d'accord.

Quelles sont les valeurs que partagent les deux partis et celles qui les éloignent ?

Les valeurs communes portent sur la question identitaire et la question sécuritaire, il y a des  proximités très fortes sauf que Nicolas Sarkozy place la République au centre de son message. En revanche sur l'école, l'économie, les positions sont très différentes.

Peut-on dire qu'il y a une volonté de la part de l'UMP de se repositionner au centre?

Les électeurs de la droite sont toujours à droite, mais on observe la volonté de Nicolas Sarkozy d'avoir les centristes avec lui afin de reproduire le schéma des élections de 2006. D'où les accords passés avec une partie des centristes pour les départementales. Mais dans le même temps, en utilisant les thèmes de prédilections du FN, il est allé chasser dans son électorat. Cette recherche du grand écart a eu un certain succès au cours des départementales. Dans ce schéma-là, où les accords avec les centristes priment mais dans lequel on souhaite maintenir une rhétorique forte sur les questions liées à l'immigration notamment, l'image républicaine n'est pas inutile.

L'UMP n'a pas le choix de l'offense pour contrecarrer la dynamique du Front. Elle risque de se faire devancer, et ce pourrait être très dangereux pour des présidentielles, où une position de troisième serait désastreuse. Il faut d'ailleurs répondre à Marine Le Pen qui affiche sa volonté de cannibalisation et de mise à mort de l'UMP.

L'exclusion de Jean-Marie Le Pen pèse peu dans cette mise à distance du Front National. C'est la décision prise au moment des départementales qui permettent de comprendre cet éloignement : le rapprochement de l'UDI et de l'UMP ont permis de limiter les victoires du Front National, et on peut tout à fait imaginer qu'il n'y aura pas de candidat UDI aux présidentielles. Cette stratégie est gagnante d'une part, mais c'est aussi la seule qui soit existante pour s'opposer efficacement au FN et ne pas se faire dévorer, par un parti qui est passé de 10% de l'électorat à 25%.

Cette rupture acte la prise de conscience du changement du rapport de force et devrait donc s'inscrire dans la durée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !