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Réforme du collège : la civilisation française menacée (ou pas)
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De droite à gauche (et retour)

Si la réforme du collège se fait, peut-on lire dans Le Figaro, le pays est fichu. D'un autre côté, assure Libé, c'est si elle ne se fait pas que le pays est foutu. Les joies du débat à la française...

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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La France n'a évidemment pas le monopole des « débats de société » fondés sur la mauvaise foi et l'idéologie, mais elle se distingue par sa capacité à transformer le moindre désaccord partisan en querelle de civilisation.

Lorsque nous nous disputons sur l'ouverture dominicale des magasins, par exemple, nous ne discutons pas vraiment de la possibilité d'acheter une paire de chaussures pour tromper l'ennui d'un dimanche après-midi pluvieux, mais bien de l'effondrement potentiel de la cellule familiale et, partant, de tout ce qui nous relie à notre histoire millénaire. Et si nous nous étripons sur la possibilité de faire Marseille-Toulouse en autocar, comme le permettra bientôt la loi Macron, c'est en se demandant si ce mode de déplacement ne marque pas le retour à la troisième classe et à l'Ancien Régime...

Sous d'autres latitudes, et plus spécifiquement dans les pays où pragmatisme n'est pas un gros mot, on se demandera plutôt si des magasins qui ouvrent le dimanche, c'est globalement mieux ou pas, et si une concurrence routière bon marché à la SNCF, ça intéresserait les voyageurs ou pas. Mais pas chez nous, où tout ce qui peut faire l'objet d'une discussion contradictoire fait nécessairement émerger un point de vue « de droite » et un point de vue « de gauche », éventuellement doublés de références aux fameuses heures les plus sombres de notre histoire.

Et ça marche avec tout : la fermeture d'un bureau de poste dans un patelin de quarante habitants, l'ouverture d'un centre commercial, la réorganisation de ceci ou cela, le temps de travail, le niveau des charges sociales... N'importe quoi en fait. Ça peut donner le sentiment que nous sommes plus intelligents que les autres, si nous nous capables de cerner les conséquences existentielles et historiques des changements les plus anodins qu'une société vivante traverse forcément. Mais ça peut aussi donner l'impression que nous sommes tout simplement plus cons et dogmatiques que les autres.

Pensée en kit et partis pris en pilote automatique...

La réforme du collège, ou plutôt les batailles rangées qu'elle suscite depuis quelques semaines, est un excellent exemple de la façon dont pensée en kit et partis pris en pilote automatique peuvent s'exprimer. D'abord, et delà de son contenu réel, elle est portée par la gauche et la droite se doit donc d'y être hostile. Et pas juste hostile parce qu'elle ne serait pas bonne ou même carrément mauvaise, mais bien parce qu'elle constitue une authentique menace pour la survie du pays.

Tiens, j'ai lu à peu près tout ce qui pouvait se lire de tribunes et de discours anti-réforme et, pas de doute, c'est ce qui peut nous arriver de pire : dans dix ans c'est sûr, tous les gosses de l'Hexagone seront devenus des analphabètes islamisés et incapables de déchiffrer les locutions latines dans les albums d'Astérix. Brrr... Ça fait froid dans le dos.

Mais j'ai aussi lu tout ce qui pouvait se lire de favorable au projet porté par Najat Vallaud-Belkacem pour rééquilibrer : dans dix ans, tous les enfants parleront latin et grec ancien couramment en plus de deux langues vivantes et en sauront autant sur la Renaissance et les Lumières que l'auteur de l'Histoire de France pour les nuls. Inutile de dire que ça m'a pas mal rassuré. D'autant plus que, d'après les défenseurs de la réforme, c'est justement si on ne la fait pas que le pays risque d'être englouti par je ne sais quel tsunami de régression intellectuelle inégalitaire.

Moi même, je n'ai pas vraiment d'opinion sur la question en fait. Mes gosses ont déjà terminé le collège, je ne prévois pas d'en faire de nouveaux et, pour être honnête, très égoïstement, je me contrefiche de savoir si cette réforme est mieux ou moins bien que la précédente ou que la suivante -- dont je subodore qu'elle sera également présentée par les uns comme la panacée qui nous rendra notre fierté et décrite par les autres comme un nouveau clou dans le cercueil de la France éternelle.

C'est certain, ça sonne un peu cynique et désabusé, comme point de vue. Hum, cynique et désabusé, c'est de droite ou c'est de gauche, comme attitude ?

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