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Victoire de Cameron : une bénédiction pour l’Europe, une claque pour Hollande.
Victoire de Cameron : une bénédiction pour l’Europe, une claque pour Hollande.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Alors que David Camerons constitue un cabinet purement conservateur, son agenda déborde de demandes de rendez-vous et d’invitations venant de l’Europe toute entière. Le gouvernement britannique est armé pour travailler maintenant à une meilleure intégration.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le coup de téléphone passé par le Président français à David Cameron pour le féliciter de sa victoire était un acte de courtoisie. Mais quand l’Elysée a fait savoir que Francois Hollande en avait profité pour rappeler au Premier ministre qu’il y avait en Europe des règles qui devaient être respectées, la plupart des dirigeants européens sont tombés de leur chaise. Et pour cause, s’il y a un pays en Europe mal placé pour donner des leçons de bonne conduite, c’est bien la France.  

D’abord, parce que la grande majorité des règles de cohabitation relèvent de la zone euro et que la Grande-Bretagne, n’en faisant pas partie, n’est pas astreinte au traité de Maastricht. Ensuite parce que bien qu’extérieure à la logique de l’euro, la Grande Bretagne de David Cameron est sortie de la crise en appliquant des recettes qui sont prescrites par la Commission.

La Grande Bretagne a bénéficié d’une liberté monétaire qui lui a, certes, apporté des liquidités dès le départ de la crise. Mais il ne faut pas oublier que la bonne santé retrouvée par l’Angleterre est le résultat d’une politique économique ultra classique de compétitivité par l’offre.

Il faut se souvenir que, dès l’explosion de Lehman Brothers, Gordon Brown avait demandé la nationalisation totale de toutes les banques britanniques afin de sécuriser l’appareil financier. Il y perdra son job, mais il sauvera le système.

Son successeur va entreprendre une politique d’assainissement budgétaire et de réformes structurelles qui sera douloureuse les deux premières années, mais qu’il assouplira un peu par la suite.

En gros, il va couper dans les dépenses publiques et sociales de façon draconienne, mais parallèlement il va dans la plus pure tradition libérale baisser les impôts directs sur le revenu et sur les entreprises de façon à faire repartir l’investissement et l’activité. Il re-privatise les banques qui ont été remises sur pieds.

Sur l’emploi, il fera le pari d’un allègement des contraintes et d’un assouplissement des règles afin de favoriser l’embauche et la mobilité. Le résultat de cette politique d’offre sera de faire repartir l’activité, de restaurer l’appareil industriel et de retrouver le plein emploi, ou presque, avec des jobs souvent précaires, mais toujours mieux qu'un statut de chômeur assisté.

Enfin, et c’est là où les remarques en forme de leçons sont tombées en porte à faux, on ne peut pas reprocher à la Grande-Bretagne d’avoir profité de l’Europe sans lui renvoyer l’ascenseur. La Grande-Bretagne a fait ce qu’il fallait pour restaurer sa compétitivité coût et hors coûts.

Là où les propos de François Hollande étaient les plus mal venus c’est que la France, elle, a été incapable de mettre en œuvre un début de politique d’adaptation structurelle aux mutations mondiales.

Pour toutes ces raisons, la plupart des Européens convaincus considèrent que David Cameron a fait le job de retrouver de la compétitivité dans un monde concurrentiel. Les Allemands et les Italiens, les Européens du nord n’ont rien à reprocher aux Anglais. Mieux, ils considèrent que le modèle britannique est beaucoup mieux équilibré entre un moteur financier qui reste puissant et un moteur industriel qui est reparti. Ajoutons l’exportation qui pourrait, à bon escient, inspirer la politique française dont le crédo est d’attendre que ça aille mieux ailleurs pour en profiter. Quel programme !

Sur le terrain politique, ils considèrent aussi qu'il fut d’une habileté redoutable. Même si la politique monétaire de la banque centrale britannique, lui a permis d’amortir la brutalité des réformes structurelles, tous les observateurs reconnaissent qu'il a su faire le bon diagnostic : une hypertrophie de la sphère financière et un manque de compétitivité industrielle. Face à ce diagnostic il a tout fait pour redresser la barre par des choix de politique d’offre qui se sont révélés efficaces.

Politiquement, il a su utiliser quand il le fallait, le bouc émissaire de l’Europe, en agitant la menace d’un referendum. Aujourd’hui, personne ne parierait sur l’organisation d’un referendum pour un« Brexit » c’est-à-dire une sortie de la Grande-Bretagne. Au contraire, et selon les instituts de sondage, les Anglais compte tenu des résultats économiques voteraient pour le maintien en Europe.

Au-delà de cet équilibre politique, beaucoup en Europe pensent que la Grande-Bretagne va peser désormais très fort pour une réorganisation de l’union européenne. Sur trois axes :

Tout d’abord au niveau économique, sur la coordination et l’harmonisation fiscale et sociale afin de favoriser l’activité industrielle dans l’espace européen et les échanges intra-europeens. Échanges de biens et de services, mais aussi échanges des moyens de production. Il s’agira de retrouver de la compétitivité en rabotant certains points du modèle social très prisé en Europe du Sud. A Londres, David Cameron a sans doute les moyens politiques de faire fermer certains casinos financiers. Il l’a dit. Il l’a promis à Bruxelles et cela se fera. La vraie raison est que l’économie Britannique en a moins besoin qu’avant la crise.

Ensuite, au niveau politique, les Anglais ne seraient pas contre donner plus de pouvoir au Parlement.

Enfin, au niveau militaire. Organiser une meilleure coordination, et sans doute une plus grande solidarité dans le financement des dépenses militaires.

Tout cela contribue à plus d’intégration, plus de fédéralisme et par conséquent, plus d’abandon de souveraineté. Les Allemands et les peuples d’Europe du Nord ont déjà fait savoir qu'ils étaient d’accord vers ce type d’évolution. Plus de discipline économique et donc plus de performance d’un coté, plus d’organisation et de pouvoir au niveau européens de l’autre. Pas sûr que François Hollande pensait à tous ces détails en faisant la leçon aux Anglais.

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