Remontée des taux français, ou la preuve que l’assouplissement quantitatif de la BCE commence à produire ses effets<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi de la BCE
Mario Draghi de la BCE
©Reuters

Bonne nouvelle

En l’espace de quelques séances boursières, les taux d’intérêts français se sont envolés pour atteindre leur plus haut niveau de l’année 2015. Signe que le programme d’assouplissement quantitatif est bien en train de fonctionner, comme prévu par la BCE.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 22 janvier dernier, la Banque centrale européenne annonçait la prochaine mise en place d’un plan de relance monétaire, dénommé assouplissement quantitatif, afin de soutenir l’activité économique au sein de la zone euro. D’un point de vue technique, l’opération consiste pour l’autorité monétaire à racheter de la dette des pays de la zone euro, en utilisant de la monnaie fraichement créée. D’où l’analogie fréquente avec la notion de planche à billets.

Pour de nombreux observateurs, cette opération ne correspond à rien d’autre qu’à une sordide manipulation monétaire, dont l’effet principal serait de faire plonger les taux d’intérêt à un niveau anormalement bas. La logique utilisée pour en arriver à une telle conclusion est que la pression acheteuse des banques centrales sur la dette des Etats provoquerait un déséquilibre massif dans le marché, et donnerait ainsi naissance à un Frankenstein financier dont la caractéristique principale serait ces taux d’intérêt proche de 0%, qui sont notre quotidien.

L’idée défendue par cette approche est que les gentils épargnants sont privés d’une rémunération décente par les méchants banquiers centraux. Après avoir crié au loup concernant un retour à l’hyperinflation dès les premiers plans de relance mis en place aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les sceptiques de la monnaie sont tombés dans une nouvelle forme d’excès. Excès qui, une nouvelle fois, viennent d’être démentis par la réalité.

En effet, la Banque centrale européenne a officiellement débuté son programme de rachat d’actifs le 9 mars dernier. Depuis cette date, ce sont 60 milliards d’euros de dette d’Etat qui sont rachetés tous les mois par l’institution dirigée par Mario Draghi, et qui sont portés à son bilan.

En regardant simplement l’évolution des taux français depuis 1987, il paraît totalement abusif de considérer que le programme lancé en mars 2015 serait la cause de la baisse des taux. Ces derniers n’ont pas eu besoin de la BCE pour amorcer leur baisse voici près de 30 ans.

Taux d’intérêts à 10 ans En %. France. Source Banque de France

L’idée saugrenue d’une spoliation des épargnants par la Banque centrale européenne tombe à l’eau. Et c’est même l’inverse qui est en train de se produire, car le programme d’assouplissement quantitatif européen vient de distiller ses premiers effets ; une remontée spectaculaire des taux d’intérêts en quelques séances seulement :

Taux d’intérêts à 10 ans. En %. Année 2015. France. Source Banque de France

En l’espace de quelques jours, les taux à 10 ans français sont remontés à leur plus haut niveau de l’année 2015, effaçant tous les « gains » enregistrés depuis le début de l’année. Factuellement, les taux français sont plus élevés aujourd’hui qu’avant l’annonce même de la mise en place du plan d’assouplissement quantitatif.

Une remontée des taux qui n’est pas une exclusivité française, puisque même l’Allemagne, pays référence en matière de dettes d’Etat notée AAA, a vu son taux à 10 ans passer de 0.049% en séance au courant du mois d’avril, à un taux de 0.546 % en clôture de séance le 8 mai 2015. L’effet est donc européen.

Puisque le rachat de la dette européenne par la BCE devait avoir pour effet de faire baisser les taux, le résultat obtenu apparaît donc totalement contrintuitif. Mais en réalité, cet effet n’est rien d’autre qu’une preuve de l’efficacité du programme en question.

Ainsi, il suffit de constater que lorsque d’autres programmes d’assouplissement quantitatif ont été déployés à travers le monde, les mêmes causes ont entraîné les mêmes effets, notamment aux Etats-Unis. A chaque programme (QE1, QE2, QE3), les taux à 10 ans ont subi une poussée vers le haut avant de rechuter lorsque la FED cessait son action.

Taux à 10 ans. Etats Unis. Les zones grisées sont les périodes d’assouplissement quantitatif. Source. Macro Market Musings

Le mécanisme à l’œuvre produit bel et bien un tel effet. Pourquoi ? Dès lors que la Banque centrale commence à racheter de la dette d’Etat, cela va effectivement avoir pour conséquence de soutenir la demande pour cette dette, ce qui a pour conséquence d’augmenter son prix et de baisser le taux d’intérêt en question. Il s’agit ici d’un effet de liquidités. Mais un autre effet, plus puissant encore, et contradictoire va entrer jeu. L’injection dans le marché de liquidités nouvellement créés par la BCE, va également produire un autre effet : les anticipations de croissance et d’inflation des agents économiques vont être modifiées.

Ainsi, puisque la Banque centrale soutient l’activité, les institutions financières vont être les premières à modifier leurs anticipations économiques. Elles vont modifier à la hausse leurs attentes de croissance et d’inflation. Et plus ces révisions vont être importantes, moins il sera considéré comme opportun de détenir de la dette d’Etat, si peu rémunératrice. L’effet secondaire est donc de rendre moins « désirable » la dette d’Etat. Les banques, mais également d’autres opérateurs de marché vont commencer à se débarrasser de leurs titres de dette d’Etat pour investir dans l’économie. Puisque les perspectives économiques sont plus attrayantes qu’elles ne l’étaient, l’arbitrage peut enfin avoir lieu.

Et c’est ce qui provoque la baisse du prix de la dette d’Etat et la hausse des taux de ces derniers jours. Il s’agit donc d’une bonne nouvelle. Puisque cela signifie que la hausse des anticipations de croissance et d’inflation pour les prochains mois et les prochaines années est en cours. A l’inverse, une rechute des taux serait le signal que le programme de rachat d’actifs doit être intensifié. Leur évolution doit donc être suivie de près. 

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