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Grève des sportifs : la France épargnée (mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle)
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Lock out NBA

La NBA au point mort. Le conflit entre propriétaires de clubs et joueurs de basket américains se poursuit. Côté français, les fédérations peu structurées rendent difficilement imaginable ce type de "grèves"...

Marion Fontaine

Marion Fontaine

Marion Fontaine est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université d’Avignon.

Spécialiste de l’histoire du monde ouvrier et de l’histoire sociale et politique du sport, elle a publié récemment Le Racing Club de Lens et les « Gueules Noires ». Essai d’histoire sociale (Les Indes Savantes, 2010).

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Cela fait déjà plusieurs mois que l’affrontement autour de la réduction, ou non, des salaires des basketteurs américains fait rage et que, pour maintenir la pression, les responsables de la NBA ont recours à la bonne vieille pratique patronale du lock-out (fermeture de l’usine, ici de l’accès aux installations sportives). Si cette pratique est théoriquement interdite en Europe, la grève, elle, bien-sûr, ne l’est pas et on a vu plusieurs reprises cet été les footballeurs espagnols et italiens y avoir recours, là encore sur des questions salariales.

Ce type de mouvement social, et l’emploi même de ce qualificatif s’agissant du domaine sportif, provoque en général un certain étonnement. L’idée que des footballeurs ou des basketteurs puissent agir comme des travailleurs se heurte en effet au poids d’un double modèle. D’un côté, le monde du sport reste marqué, quel que soit le démenti des faits, par la morale originelle de l’amateurisme et de l’activité désintéressée : « L’important, c’est de participer », disait Pierre de Coubertin. Comment, dans ces conditions, ce qui relève du libre jeu des corps pourrait-il relever de l’activité salariale « normale » ? D’un autre côté, le sport s’est fait au cours du XXe siècle spectacle, relevant d’une industrie et d’un marché spécifique, et transformant certains athlètes en champions, puis en stars. Mais là aussi on peine à définir sous l’angle du travail ce qui semble relever, comme pour d’autres figures du show-business, de la vocation et de la réalisation d’un rêve.

Tiraillée entre l’idéal de l’athlète et celui de la star, la définition du sportif semble étrangère aux formes classiques du salariat. Ce n’est toutefois qu’une apparence. Il a existé et il existe bel et bien des oppositions, voire des conflits d’intérêt au sein du monde sportif, comme il existe des structures représentant ces intérêts. Le phénomène est avéré y compris dans une France où, en raison de la lenteur de la diffusion du professionnalisme, l’éthique de l’amateurisme a pesé plus longtemps qu’ailleurs. Dès 1961 apparaît cependant l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP), premier syndicat de joueurs, et c’est en 1972 qu’a lieu la première grève des footballeurs du championnat professionnel. Reste que depuis ce jour les footballeurs français, renversant tous les stéréotypes, se sont montrés infiniment moins revendicatifs que leurs collègues sportifs nord-américains.

Faut-il se féliciter de cette paix sociale version sportive ? Oui et non. Certes, elle atteste que jusqu’à présent les clubs français n’en sont pas arrivés au niveau de déséquilibre financier de certains de leurs homologues étrangers, déséquilibre qui est aujourd’hui à la source des principaux conflits. Cette absence de conflits et de mobilisations des athlètes n’est pourtant pas sans équivoque. La professionnalisation en effet n’est pas forcément et pas seulement synonyme de règne de l’argent. Elle implique aussi une organisation structurée et un ensemble de règles adaptées au secteur concerné et articulées en même temps à celles que suit le reste de la société. Il n’est pas sûr qu’une partie du sport français soit vraiment parvenue à ce stade ; la paix sociale qui règne a peut-être à voir aussi avec ce problème structurel.

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