FN : une embrouille familiale plutôt soft à l’échelle de l’Histoire<!-- --> | Atlantico.fr
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La querelle qui affecte aujourd'hui les Le Pen passerait presque pour une dispute de cour de récréation.
La querelle qui affecte aujourd'hui les Le Pen passerait presque pour une dispute de cour de récréation.
©Reuters

Dynastie

Comparée aux grandes tragédies familiales qui ont émaillé l'histoire, la querelle qui affecte aujourd'hui les Le Pen passerait presque pour une dispute de cour de récréation.

Clémentine Portier-Kaltenbach

Clémentine Portier-Kaltenbach

Clémentine Portier-Kaltenbach s’est imposée depuis quelques années à la radio – sur RTL – et à la télévision, en particulier dans les émissions de Franck Ferrand, comme une historienne journaliste dont la vivacité égale l’humour. Elle est aussi l’auteur de plusieurs livres à succès dont les Grands Zhéros de l’Histoire de France, 40 000 exemplaires chez Lattès + poche paru en avril 2010.

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« Où peut-on être mieux qu’au sein d’une famille... ?   Partout ailleurs ! »*

Ces jours ci, les repas de famille chez les Le Pen doivent être du genre tendu. Au menu : un patriarche qui renie et maudit sa fille  à laquelle il conteste le droit de porter son nom,  une héritière charismatique qui piaffe d’impatience et secoue le joug d’un père jugé  désormais encombrant,  et  une petite fille prise en sandwich entre deux générations...

C’est ce que l’on appelle une famille !

Une famille où l’ambiance est finalement plutôt « soft » comparée aux plus mémorables brouilles parents-enfants de l’histoire de France. Des querelles successorales  tumultueuses concernant  d’ailleurs essentiellement des pères et leurs fils, la loi salique ayant fort opportunément exclu les filles de l’exercice du pouvoir au  XIV ème siècle,  lorsque l’une d’elle (Isabelle de France, fille du roi Philippe le Bel),  aurait pu prétendre l’exercer.

Prenez Clovis, premier roi du Regnum Francorum qui allait devenir le royaume de France. Comment croyez vous qu’il constitua son royaume ? Il  passa la plus grande partie de son règne à « clarifier » ses rapports familiaux façon « tontons flingueurs » en éliminant presque tous les membres de sa famille encore en vie. Les trois petits fils de Charlemagne emprisonnèrent leur papa Louis Le Pieux et le firent déchoir de son titre impérial (833).Quant à  Louis XI, il  avait tellement hâte de succéder à son père Charles VII, qu’il va prendre contre lui la tête d’une révolte entrée dans l’histoire sous le nom de « Praguerie ». Finalement chassé de la cour, il fait un petit tour dans les écuries de son père avant de partir et coupe la queue de tous les chevaux,  sous prétexte de les « écourter  tout comme l’avait été leur maître ». Après quoi,  il  passera plus de 14 ans en exil à nouer des liens étroits avec les pires ennemis d’un père qu’il ne reverra jamais.  Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres dans l’histoire de France.

La bonne nouvelle c’est que les relations père-fils ne sont guère  plus harmonieuses hors de nos frontières : le sultan Soliman le magnifique fait étrangler son fils aîné Mustapha (1553), le roi d’Espagne Philippe II déshérite son fils don Carlos puis le fait  emprisonner jusqu’à ce que mort s’ensuive (1568). Don Carlos détestait d’ailleurs tellement son père que lorsqu’il se confessait,  son directeur de conscience refusait de lui donner l’absolution !  Poursuivons :  Le grand Tsar Ivan le  terrible tue son aîné de ses propres mains (1581), le Tsar Pierre le Grand donne le knout au tsarévitch et le fait condamner à mort pour s’être engagé auprès des popes et des Boyards à supprimer toutes les réformes de son père quand il deviendrait roi (1718), le roi de Prusse  Frédéric-Guillaume Ier bastonne son héritier pour un oui ou pour un non et lui fait baiser ses bottes en public  (1729) etc. etc. A côté de ça, les bisbilles familiales chez les Le Pen ressemblent à une cour de récré.

Lorsque par bonheur il parvient à survivre à son géniteur plus ou moins tyrannique et devient roi à son tour, le  prince héritier se débarrasse sans tarder des conseillers de son papa. C’est un grand classique. Le roi est mort, vive le roi ! On destitue, on confisque, on  emprisonne, bref, on se défoule ! Seulement, en attendant d’être calife à la place du calife, Il faut parfois prendre son mal en patience : le fils aîné de Louis XIV, le Grand Dauphin,  passera 49 ans  dans l’ombre de son père, le roi Soleil.  49 ans !?  ça en fait  des déjeuners de famille à ronger son frein... Surtout si l’on songe que ce malheureux garçon ne régna jamais,  puisqu’il mourut quatre ans avant son père, emporté par la variole. Le seul exemple contemporain équivalent qui nous vienne à l’esprit est celui du prince Charles d’Angleterre, dont la mère a fêté son jubilé de diamant en 2012, c’est-à-dire ses soixante années de règne. Autant dire qu’à 66 ans, le prince de Galles est sans aucun doute le futur monarque le mieux préparé du Gotha !

Que faire pour sortir par le haut de ces problèmes de succession familiale ? Peut-être s’inspirer de la Rome Antique qui eut à subir douloureusement la folie de certains princes complètement dégénérés comme Caligula ou Néron. Echaudée par les règnes de ces empereurs sanguinaires et pervers, l’élite romaine en vint à se méfier de la transmission familiale du pouvoir et à se dire que, pour changer, les rênes pourraient en être confiées non plus « aux fils de », ou « aux neveux de », mais à l’homme du moment qui serait jugé le plus méritant. Et de fait, cette solution va prévaloir pendant un siècle, une parenthèse enchantée durant laquelle, à côté de trois empereurs qui compteront un peu pour du beurre, régneront six grands empereurs, Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin , Marc-Aurèle et Comode. Ils vont se succéder sans heurts ni crise, ce qui montre à quel point  ce système de désignation était judicieux. Qualifiée de « siècle d’or des Antonins », cette période désigne le siècle où l’empire romain connut son apogée aussi bien dans sa puissance et son rayonnement que dans son expansion territoriale. En résumé, c’est au moment où, se méfiant le plus de la famille, l’Empire romain abandonna la transmission familiale du pouvoir pour la transmission au mérite, qu’il atteignît son apogée.

Une leçon de l’histoire que certains pourraient utilement aborder à table entre la poire et le fromage...

*Hervé Bazin

Embrouilles Familiales de l’histoire de France, éditions JC Lattès, avril 2015, Clementine Portier Kaltenbach.

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