L’Autriche est-elle en train de songer à quitter l’UE ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une initiative populaire donnera au mois de juin la possibilité aux Autrichiens d'exprimer leur volonté de quitter l'Europe.
Une initiative populaire donnera au mois de juin la possibilité aux Autrichiens d'exprimer leur volonté de quitter l'Europe.
©Reuters

(Dés)union européenne

Une initiative populaire donnera au mois de juin la possibilité aux Autrichiens d'exprimer leur volonté de quitter l'Europe. Un mouvement qui reste marginal mais qui pourrait avoir un impact symbolique non négligeable.

Jakob Höber

Jakob Höber

Jakob Hoeber est chercheur associé en économie, compétitivité et modèles sociaux européens à l'Institut Thomas More.

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Atlantico : Alors que le ministère de l'Intérieur autrichien aurait accepté le principe d'une initiative populaire pour la sortie de l'Union européenne, les Autrichiens pourront donc entre le 24 juin et le 1er juillet 2015 s'inscrire sur les listes officielles de leur commune pour exprimer cette volonté. Cette initiative est-elle marginale ou s'agit-il de la manifestation d'une tendance forte en Autriche, et même dans l'Union ?

Jakob Hoeber : Pour répondre à la question, il faut d'abord examiner le processus de l'initiative populaire en Autriche. Pour lancer une initiative, il suffit qu'une personne sur mille ayant le droit de vote exprime sa volonté – un seuil qui est assez facile à franchir. Ceci explique également pourquoi l'Autriche est un pays qui a connu un grand nombre d'initiatives populaires dans son histoire. Pour faire passer l'initiative, il est nécessaire de recueillir 100.000 signatures en une semaine. Aujourd'hui encore, il paraît peu probable qu'elle atteindra ce seuil. Il est important de noter que même dans le cas d'une réussite, ceci n'oblige pas le parlement à en faire un texte de loi, mais seulement à discuter de la question.

Bien que le mouvement pour la sortie de l'Autriche de l'Euro reste marginal, il pourrait avoir un impact en tant que symbole. Une majorité relative des Européens s'exprime en faveur de l'Union européenne. Or, ce chiffre est négatif en Autriche (31% pour, contre 36% contre), parmi les plus bas dans toute l'Union européenne, et surtout parmi ceux qui n'ont pas subi une forte dégradation économique depuis le début de crise. La raison se trouve dans l'histoire autrichienne comme pays neutre pendant la Guerre Froide. Suivant cette logique, les initiateurs de l'initiative revendiquent un retour à cette situation passée, prônant une position de neutralité pour l'Autriche. Or, le bruit que produisent ces initiatives risque de creuser le fossé entre les soutiens de l'Europe et ceux qui se positionnent contre. Le résultat est assez souvent une discussion autour de faux arguments. Dans ce cas, il n'y a que des perdants puisqu'il porte atteinte à l'image de l'UE, tandis que des promesses sont faites qui ne pourront pas être tenues. Dans le dernier cas, les institutions de l'UE sont considérées comme responsables d'un certain nombre de changements – généralement la crise économique, le chômage, entre autres , mais dont les raisons principales se trouvent dans une évolution de l'économie mondiale et des nouvelles technologies. Sortir de l'UE et ramener l'ensemble des compétences au niveau national ne changerait rien à cette réalité – au contraire, puisque le pouvoir d'influencer des changements mondiaux aura diminué considérablement. Tant que les citoyens des pays-membres de l'UE ont conscience de ces faits, leur soutien à la construction européenne devrait perdurer.

Cette initiative populaire pourrait-elle faire des émules ? Quels seraient les pays les plus tentés par une sortie de l'UE ?

Aujourd'hui, le seul pays tenté par une sortie de l'UE est le Royaume-Uni. Or, son histoire et son rapport à l'Europe continentale a toujours été particulière et le comparer à d'autres pays-membres de l'UE semble assez difficile. De plus, puisque le succès de l'initiative en Autriche paraît peu probable, il serait plutôt possible que le résultat renforce le camp des supporteurs de l'intégration européenne. La tendance à une perte de confiance dans l'UE qui a commencé avec l'éclatement de la crise économique en Europe, s'est par ailleurs renversée depuis 2013. Ainsi, 39% des citoyens européens se prononcent en faveur de l'UE, seulement 22% contre. Il est important de noter que la crise de confiance dans les politiques est plutôt généralisée : dans plusieurs pays – aussi les plus touchés par la crise – la confiance dans les parlements nationaux est plus faible que dans les institutions européennes. Ceci est sans doute un problème majeur pour la participation politique des citoyens et la démocratie en général. Cependant, l'UE semble plutôt faire partie de la solution que du problème principal.

Si les peuples européens sont de plus en plus en défiants vis-à-vis des institutions, les élites européennes pourront-elles encore longtemps maintenir le statu quo ?

Le défi est lancé pas seulement pour les élites européennes, mais également pour les élites nationales. On s'en aperçoit partout en Europe : les partis qui se positionnent contre l'intégration des pays européens, le font en même temps contre les élites nationales. Ceci est aussi vrai pour les partisans du Front National que pour les adhérents de l'Alternative für Deutschland (AfD) ou le FPÖ autrichien. Le slogan "Ni droite, ni gauche" fait autant partie du vocabulaire du FN que de l'AfD. Il suffit de rappeler que la confiance des citoyens dans l'UE est plus grande que dans leurs gouvernements respectifs pour voir que le problème est plus large que le rapport aux dites "élites européennes". La raison de cette méfiance se trouve dans la réalité des vies au quotidien. Le taux de chômage stagne à un niveau très élevé et reste l'enjeu principal aux yeux des citoyens européens. Beaucoup de jeunes ne trouvent pas de travail et considèrent qu'ils vont vivre moins bien que leurs parents. Les modèles sociaux et économiques que nous avons aujourd'hui ne sont pas adaptés au fonctionnement d'un monde globalisé et intégré. L'enjeu est alors d'en trouver des nouveaux pour les remplacer, tout en maintenant nos valeurs d'une société solidaire et équitable. Trouver la solution à cette question est la clé pour rétablir la confiance des Européens dans les institutions, soient-elles nationales ou européennes.

Quelles pourraient être les conséquences à long terme de ce déni ?

Les conséquences d'une perte de confiance dans des institutions se voulant démocratiques sont faciles à prédire. Un système politique qui perd sa légitimité dans les yeux de son peuple ne peut perdurer – l'histoire est riche en exemples similaires. Or, il est difficile qu'à la simple sortie de l'UE, les problèmes disparaissent d'un coup. Sortir de l'Union européenne ne veut pas dire plein emploi, ni un pouvoir d'achat plus élevé – c'est plutôt le contraire, par le fait qu'aucun pays en Europe ne peut revendiquer assez de poids sur la scène internationale pour faire valoir sa voix et défendre ses intérêts économiques et politiques. De même pour pouvoir résister aux forces d'un marché financier international. Le risque est alors qu'une fois qu'un pays sorti de l'UE se rend compte que la situation en général ne s'améliore pas, que les citoyens se détournent également du système politique national – vers où, ceci reste à déterminer. Dans tous les cas, l'option préférable serait de réformer les institutions de l'UE, et nationales, pour trouver un fonctionnement qui aurait une chance de marcher. Ceci relève, il faut le dire, de la compétence des gouvernements nationaux.

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