Supprimer 2 jours fériés pour relancer la croissance : l’idée du Medef qui n’avait aucune rationalité économique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Medef veut supprimer deux jours fériés.
Le Medef veut supprimer deux jours fériés.
©Reuters

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Supprimer des jours fériés pour soutenir la croissance et créer des emplois. Au-delà d’être inefficace dans les circonstances économiques actuelles, la proposition conduit surtout le MEDEF à conforter une image caricaturale du patronat français.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En ce mois de mai truffé de jours fériés, le MEDEF se porte au secours de l’économie française en proposant, par le biais de son Vice-Président ; Thibault Lanxade, une réforme permettant de booster la croissance et l’emploi. Selon l’organisation patronale, l’augmentation du nombre de jours travaillés, par le biais de la suppression de jours fériés, produirait un résultat satisfaisant :

"Deux jours en moins, c'est pratiquement un point de PIB supplémentaire, soit 100.000 emplois"

En réalité, la proposition n’est pas nouvelle, car elle faisait partie intégrante du package présenté par Pierre Gattaz,  intitulé  "1 million d’emplois, c’est possible !" qui annonçait, dès septembre dernier, la même proposition :

"Supprimer 2 jours fériés par an permettrait d’allonger la durée annuelle travaillée de 1,2 jour, ce qui représente environ 1 % de croissance. 1 % de croissance supplémentaire permet de générer 100 000 emplois supplémentaires."

Ce calcul réalisé par le Medef suppose que l’augmentation du nombre d’heures travaillées permettrait d’augmenter le PIB de façon proportionnelle, entrainant ainsi l’emploi avec lui. Selon l’estimation réalisée, pour un jour ouvré, ce serait donc 0.5% de croissance en plus.

Pourtant, du point de vue du calcul statistique, d’autres propositions sont sur la table pour évaluer l’impact d’un jour ouvré supplémentaire sur l’économie. En effet, afin de comparer équitablement le PIB d’une année sur l’autre, l’INSEE se trouve contraint de lisser l’impact des jours fériés. Ainsi, lorsqu’une année X compte 10 jours fériés alors que l’année Y en compte 11, il convient de procéder à un ajustement permettant la comparaison. Sur cette base, l’INSEE publiait en 2014, une estimation des corrections à faire pour l’année 2015 :

"En 2015 il y aura 252 jours de semaine ouvrés, soit un de plus qu’en 2014 : on comptera un lundi et trois jeudis de plus, mais un mercredi et deux vendredis de moins. Le 1er novembre tombera un dimanche, et il y aura encore un samedi férié (le 15 août).Au total, l’effet sur la croissance serait positif en 2015, de l’ordre de 0,06 point (estimation avec un intervalle de confiance à 95 % compris entre 0,00 et 0,12 point)"

Ce qui signifie deux choses. D’une part, l’impact d’un jour férié est plus proche de 0.06% que de 0.5% de croissance, soit un rapport de 1 à 10 par rapport aux calculs du Medef. De plus, et malgré un agréable mois de mai pour les salariés bénéficiant de 4 jours fériés, l’année 2015 leur est pourtant moins favorable que 2014, avec 11 jours fériés contre 12 l’année précédente.

Finalement, le problème des calculs du MEDEF est leur grossièreté. En prétextant que le simple ajout d’un jour ouvré permet d’accélérer la croissance de façon proportionnelle au temps de travail, le syndicat défend une vision économique déconnectée de toute réalité. Sinon, que penser du modèle récurrent du Medef, c’est-à-dire l’Allemagne, et de son nombre inférieur d’heures annuelles travaillées? :

Heures travaillées par travailleur par année. Données OCDE 2013.

En l’espèce, alors que la France est confrontée à un taux de chômage de 10.6%, l’abandon pur et simple de quelques jours fériés aurait pour effet de voir le temps de travail des salariés s’allonger, et ce, sans contrepartie de salaire. Un abaissement du salaire-horaire, rien de plus. C’est-à-dire une politique de l’offre permettant d’améliorer les conditions de production des entreprises.

Pourtant, et selon les calculs réalisés par l’OFCE, l’économie française emploie, encore aujourd’hui, environ 200 000 salariés de plus que son niveau de ventes ne le lui impose. Le pays est en état de surproduction par rapport à la faiblesse de ses ventes. Ce qui se traduit également par un taux d’utilisation des moyens de productions bien inférieur à sa moyenne longue. En d’autres termes, la "demande" n’est pas suffisamment soutenue pour absorber l’offre économique du pays. Ce n’est donc pas en rajoutant des heures de travail, en augmentant la capacité de production, que les problèmes de la croissance et du chômage vont être réglés.  Mais bien en soutenant la demande. 

Le MEDEF, dans sa proposition, ne souhaite pas se prononcer sur la nature des jours fériés à supprimer. Fête religieuse ? Amnistie ? Dans un pays en proie aux doutes, le sacrifice d’un symbole sur l’autel de la compétitivité des entreprises ressemble plus à une provocation inutile qu’à une participation constructive au débat. Malheureusement, avec ce type de proposition, le MEDEF ne fait que renforcer une image caricaturale de lui-même.

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