7 mai 1995, Chirac président : quand son obsession de ne pas brusquer la France l’a menée à la fracture politique actuelle<!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a presque vingt ans, Jacques Chirac entrait à l'Elysée pour 12 ans à la présidence de la France.
Il y a presque vingt ans, Jacques Chirac entrait à l'Elysée pour 12 ans à la présidence de la France.
©Reuters

Putain 20 ans

Vingt ans après son entrée à l’Élysée, Jacques Chirac a toujours cette image de président "cool", mais aussi d'un homme de pouvoir resté inactif pendant ses deux mandats. Le pays, surfant sur un contexte économique international favorable, sort la tête de l'eau sans avoir à engager de grandes réformes. Une pauvreté politique que la France paye encore aujourd'hui, 8 ans après son départ.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Il y a vingt ans, Jacques Chirac entrait à l'Elysée pour 12 ans à la présidence de la France. Au-delà de sa nouvelle image "cool" auprès des plus jeunes, il a laissé aux Français une réputation de président "qui n’a rien fait". Qu'est-ce que cela dit de sa façon de faire de la politique ? A ne pas vouloir brusquer les Français, est-il resté dans l'inaction ?

Jean Petaux : Il faut, me semble-t-il, toujours faire la part des choses entre la réalité et ses représentations. L’image "cool" que Jacques Chirac a laissé aux jeunes n’est-elle pas celle de sa marionnette des "Guignols de l’Info" lorsqu’elle répétait en boucle que Balladur voulait "lui piquer son boulot dans deux ans", quand elle montrait son dos truffé de couteaux et quand elle invitait les Français à "manger des pommes" pendant la campagne de 1995. Sans parler du "Super menteur" très drôle de 2002. Pendant près de 20 ans de vie politique, de 1975 à 1993, l’image de Chirac est tout autre : c’est un agité, son surnom est tantôt "facho Chirac" tantôt "le Grand con" (de la part de Philippe Seguin lui-même). Sans parler de Giscard qui le déteste avec d’autant plus de raison qu’il le considère (et il n’a pas tort) comme le responsable numéro 1 de sa défaite en 1981. Traitre, énervé, velléitaire, "un cheval qui remercie son jockey" (Marie-France Garaud dixit) après la victoire aux municipales de Paris en 1977 : on a quand même rêvé mieux comme diminutifs et comme image.

Tous les témoignages convergent sur sa manière de présider la France en revanche. Chirac fait partie de ces hommes politiques modérés, nourris au suc du radical-socialisme du sud-ouest de la France. La Corrèze est bien sa terre électorale d’adoption mais il y puise aussi un atavisme familial profond du côté de Sainte-Féréole, arrondissement de Brive-la-Gaillarde. Dans cette culture politique modérée on se méfie rien tant que des grands coups de barre à droite ou à gauche. Président de la République, Chirac a été vilipendé par Sarkozy et ses hommes comme un "roi fainéant" replié dans son château. On mesure ici tout autant l’inanité d’une telle critique, tout comme la précédente (celle du "Chirac fana-mili") était tout aussi inepte.

En fait Chirac n’a pas vraiment dirigé le pays pendant son premier septennat. De 1995 à 1997 le gouvernement qu’il a nommé (celui que dirige Alain Juppé) est totalement embourbé dans la guerre de tranchées que lui livrent les balladuro-sarkozystes. Au point que la dissolution de l’Assemblée nationale apparaît comme la seule option possible pour sortir de cette impasse. S’ensuit la défaite en rase-campagne de 1997 et cinq années de cohabitation où la gauche plurielle gouverne et encercle le Palais de l’Elysée. La victoire de 2002 est une "divine surprise" qui tétanise Chirac. Sans doute est-il alors le seul à comprendre que, décidément, le pays va très mal. Les cinq années de son second mandat, sont-elles si catastrophiques que cela ? Non ! En 2003, dans la logique qui est la sienne, celle de ne pas violenter les Français, Chirac évite à la France un engagement tragique en Irak. Ce n’est pas rien. Et il est seul, parmi les alliés occidentaux à même d’intervenir, à prendre cette position. En 2005 il perd le référendum sur le TCE. Il n’aura pas eu la capacité de conviction d’un Mitterrand en 1992 sur le Traité de Maastricht, sans doute parce qu’il est déjà malade, sans doute parce que le texte de son vieil ennemi Giscard est totalement incompréhensible, surtout parce que déjà, quelle que soit la question posée lors un référendum, les Français répondent "non".

Au plan social, la crise des banlieues de 2005 n'est-elle pas le symbole d'une politique sociale ratée ? De la réforme très contestée de la protection sociale et des  régimes spéciaux de retraite en 1995 au CPE en 2006, est-il parvenu à réduire la fracture sociale, enjeu premier de sa campagne en 1995 ?

Jean Petaux : Chirac n’a cessé de mettre en garde Alain Juppé contre les réformes trop lourdes et trop ambitieuses, lui prédisant même un blocage complet du pays s’il voulait s’attaquer aux "régimes spéciaux des retraites des cheminots" à l’automne 1995… Et c’est ce qui s’est passé. On a donc vu un "Chirac-opposant" de 1976 à 1995, multiplier pendant toute cette période les coups de menton, les postures souveraines, les paires de lunettes sévères et les costumes croisés façon "capo di tutti capi" et se muer, après 1995, en un "père de la nation" littéralement craquant avec son petit-fils Martin, drôle et enthousiaste avec le maillot de l’équipe de France 98 et surtout claquant régulièrement le museau d’un "petit énervé" qui courait dans tous les sens pourvu que ce soit le sien et qui inspira ce mot cruel au président élu en 1995 : "Sarkozy ?... il faut lui marcher dessus et si possible du pied gauche.. ça porte bonheur !".

Jusqu’à ce que les Français découvrent en Chirac, sur le tard, un homme de grande culture, passionné depuis très longtemps par les "arts premiers", parlant le russe dès l’adolescence et fou amoureux du Japon dont il est un des plus fins connaisseurs (cf. "L’inconnu de l’Elysée", Pierre Péan).

Concernant le CPE en 2006, Chirac avait clairement prévenu son premier ministre, Dominique de Villepin, des périls que portaient ce texte. Il savait sans doute aussi qu’en sous-mains, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, incitait le leader de l’UNEF, Bruno Julliard, à maintenir la pression sur le gouvernement par des manifestations à répétition. Sauf que de Villepin n’a jamais rien entendu à la politique et a toujours pris ses désirs pour des réalités. Résultat : capitulation piteuse et promulgation d’une loi "non applicable"… (catégorie juridique nouvelle…). Le président Chirac n’aura fait que constater que la réforme ne pouvait pas passer.

Concernant les fameuses "émeutes des banlieues",  à l’automne 2005, rappelons seulement les faits. Embrasement de nombreux quartiers urbains. Villepin décrète l’état d’urgence. C’est une première depuis la guerre d’Algérie… Pendant que Nicolas Sarkozy souffle sur les braises et attise le feu, venant faire de la provocation sur la "dalle d’Argenteuil" (25 octobre 2005), celui qui va, encore une fois, calmer le jeu, c’est Jacques Chirac, qui réagit en homme d’Etat : tout faire pour qu’il n’y ait pas de morts dans cette séquence terriblement longue et éprouvante pour les forces de l’ordre. Faut-il lui reprocher cette gestion mesurée et tempérée des faits, là où d’autres en rajoutaient dans la surenchère démagogique jouant sur les peurs et les haines ?

La seule vraie question qui mérite d’être posée est celle-ci : est-ce que Jacques Chirac pouvait réformer la France sans la casser ? Sans doute a-t-il fait partie de cette catégorie de dirigeants politiques qui a privilégié le consensus à la fracture. Et que peut-être lorsqu’il s’est mis à parler constamment de la "fracture sociale" en 1995, pendant sa campagne triomphale pour l’Elysée, voulait-il tout simplement signifier, au tréfonds de son projet politique, qu’il ne fallait surtout "pas fracturer socialement" la France. Autrement dit : ne rien faire qui aurait pu menacer de déchirure la France et les Français entre eux. Eloge de l’impuissance ? Pas forcément ! Volonté de tempérance ? Certainement.

En quoi est-il responsable de la déroute de la droite aux élections régionales de 2004 ?

Jean Petaux : Il est responsable parce qu’il est le président de la République et que sous la Vème République le président est le chef absolu en conséquence de quoi il est responsable politiquement de tout ce qui arrive à son camp. C’est aussi simple que cela. Tout comme Sarkozy a pris de plein fouet la déroute de l’UMP et de ses alliés aux municipales de 2008 et aux régionales de 2010. Tout comme Hollande est responsable de la défaite de son camp aux municipales et aux européennes de 2014 et de celle survenue aux départementales de mars 2015. Et comme il portera la responsabilité de la défaite de son camp (si elle doit avoir lieu…) aux régionales de décembre prochain. Là, en revanche, où Chirac a commis une erreur c’est qu’il aurait pu faire en sorte de nommer Nicolas Sarkozy à Matignon dès mai 2002. Cela aurait certainement eu plus d’effets négatifs pour le futur président de 2007 que la nomination de Jean-Pierre Raffarin au poste de chef du gouvernement après la réélection de mai 2002. Certes Raffarin en tant que chef de la majorité gouvernementale a aussi sa part dans la défaite aux régionales de 2004, mais il n’était pas candidat dans les 21 régions métropolitaines…

La vie politique française est désormais ainsi faite que toutes les "élections intermédiaires" (pour reprendre l’expression chère au politologue Jean-Luc Parodi) se concluent par une véritable Bérézina pour le parti qui gouverne nationalement et qui a porté à l’Elysée notre "monarque républicain". C’est une quasi-loi. Elle n’est pas du tout spécifique à la France et elle ne dépend pas, d’ailleurs, de la conjoncture économique du pays. Aux USA Barack Obama a été clairement désavoué lors des "mid-term elections" de novembre dernier. Chirac a-t-il fait pire que ses successeurs ? Non. Quant à ses deux immédiats prédécesseurs élyséens parlons aussi de leur "bulletin électoral"  : aux municipales de 1977 Giscard a connu la pire "déculottée municipale" qu’un président n’avait jamais rencontrée alors et aux municipales suivantes de 1983 Mitterrand a rivalisé avec VGE dans la débâcle. Pas de quoi se vanter !

Depuis 2002, sa politique de sécurité routière a permis d'épargner 8 000 vies et d'éviter 100 000 blessés sur les routes de France. Son plan contre le cancer, lancé en mars 2003 pour quatre ans, a aidé 60 % des malades à entrer en voie de rémission. Que reste-t-il de son passage à l'Elysée aujourd'hui ?

Jean Petaux : Une présidence se résume souvent à quelques lois symboliques ou à quelques gestes forts. Là encore le cas français n’est pas isolé. Il n’était pas président de la République fédérale mais on retient du chancelier Willy Brandt l’image bouleversante de l’homme politique allemand pourtant absolument irréprochable pour sa conduite pendant la Seconde guerre mondiale qui s’agenouille au Monument des victimes du ghetto de Varsovie, le 7 décembre 1970, vingt ans avant la chute du Mur de Berlin.

De Giscard d’Estaing restera sans doute la modernité de son style présidentiel ; la promulgation de la loi libéralisant l’interruption volontaire de grossesse ; l’abaissement de la majorité légale à 18 ans ; les visites aux prisonniers dans leurs cellules pendant l’été 1974. De Mitterrand la postérité gardera l’abolition de la peine de mort ; la cérémonie à l’Ossuaire de Douaumont avec Helmut Kohl le 22 septembre 1984 ; le discours au Bundestag sur les "pacifistes à l’Ouest et les SS20 à l’Est" et peut-être le courageux voyage à Sarajevo assiégé.

De Chirac je retiendrai cinq gestes forts. La reconnaissance de la culpabilité de la France dans la déportation des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale ; le premier chef d’Etat européen à visiter New-York après le 11 septembre 2001 ; le refus d’intervenir en Irak en mars 2003 ; la longue accolade avec Gerhard Schröder le 6 juin 2004 et sa visite à Jérusalem le 22 octobre 1996 ("This is not a method, this is provocation… Please let them go.. Stop now !"). Tous ces actes, aux conséquences très différentes (on ne peut comparer la décision diplomatique française de mars 2003 avec le geste symbolique de la commémoration du D-Day en 2004) montrent un Chirac libre et courageux. Un homme d’Etat qui s’inscrit dans une histoire française, un "roman national" en somme où s’entremêlent le panache et les valeurs, le sens de l’Histoire et la connaissance des civilisations, l’expérience et la maturité.

Certes cela ne sauve pas autant de vies que le plan cancer ou la politique de sécurité routière (à mettre aussi au crédit de Chirac, c’est incontestable) mais peut-être que cela participe d’une cohésion nationale incarnée dans la figure du président de la République. Tout comme, momentanément, François Hollande a pu être cette figure un certain 11 janvier 2015. Comme a pu le dire de Gaulle le 26 août 1944, juste avant de prononcer son fameux "Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré" : il existe des moments dans l’Histoire de France où pour les hommes d’Etat "Il y a là des minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies".

D'abord ennemi de Nicolas Sarkozy puis soutien de François Hollande, Jacques Chirac a souvent fait le grand écart du gaullisme au radical-socialisme, même pendant son mandat. Comment peut-on définir le chiraquisme ?

Jean Petaux :. Le chiraquisme peut sans doute être considéré comme un des avatars de l’opportunisme politique. Une forme de "pragmatique" qui retournerait la fameuse "XIème thèse sur Feuerbach" de Karl Marx. Retournement qui donnerait alors :"Jusqu’à présent les politiques n’ont fait que chercher à transformer le monde désormais il convient seulement de l’interpréter". En d’autres termes Chirac aurait compris, mieux que d’autres, que le pouvoir est un leurre. Qu’on ne change pas plus le monde que les rayures du zèbre. Qu’il faut s’efforcer, en revanche, de faire bouger les lignes formées par les mots… Et que de cela, peut-être, peut sortir un mieux. Modestement… La révolution serait alors la pire des options, celle qui empêcherait toute réforme. On mesure ici combien Hollande pourrait aussi dire cela.

Aux origines du gaullisme (du RPF, le parti que fonde de Gaulle en 1947), on l’a oublié aujourd’hui, la double-appartenance politique est possible. On peut être membre du Parti radical et radical-socialiste (celui d’Edouard Herriot, de Pierre Mendes-France, d’Edgar Faure) et membre du Rassemblement du Peuple Français. Ainsi Jacques Chaban-Delmas va-t-il "promener" sa double-appartenance pendant presqu’une année. Et d’ailleurs s’il s’implante à Bordeaux, pour les législatives de 1946, c’est avec le double "viatique" du général de Gaulle et d’Herriot. On voit que le gaullisme modèle immédiat après-guerre n’est pas aux antipodes du plus vieux parti politique français qui est né pratiquement avec la IIIème République. Les relations ne vont pas tarder à se détériorer entre le parti du général et les "partis du système". Il s’agit là d’ailleurs d’une expression stigmatisante et gaullienne s’il en fut, tout destinée à jeter aux orties l’ensemble des partis politiques de la IVème République en même temps que celle-ci. Mais fondamentalement qu’est-ce que le gaullisme de 1947 si ce n’est un "parti attrape-tout" comme le fut le Parti Radical dans les années 1900 ? Rien d’étonnant alors qu’un de ses descendants, le RPR chiraquien, tout à la fois incarnation de la droite bonapartiste dans la forme et d’un radicalisme opportuniste dans le fond,  représente cette ligne politique. Voilà une idée qui aurait pu être soufflée à Nicolas Sarkozy : les "Républicains Et Radicaux"… Le RER en somme. Comme Malraux disait que le "RPF était le métro parisien à 18h", Sarkozy aurait pu présenter le RER comme le "train de banlieue politique du futur".

Le taux de chômage est passé de 9,7 % en 1995 à 7,8 % à son départ en 2007. Qu'a-t-il fait pour y parvenir ? Ses bons résultats économiques, notamment sur le chômage et les déficits, n'ont-ils pas été le seul fait du contexte international ?

Jacques Bichot : Jusqu'à la crise de 2007, le contexte mondial a été assez porteur. La France a surfé comme les autres pays européens sur une vague qui allait dans le bon sens. On ne peut pas en attribuer le mérite à Jacques Chirac. Sa politique a eu au moins le mérite de ne pas perturber la dynamique positive. Il n'y a pas eu de durcissement extraordinaire du droit du travail ou d'augmentations incontrôlées des dépenses sociales. Il n'a pas non plus eu à faire face à des déficits majeurs pendant ses deux mandats. Il n'y a eu ni erreurs majeures ni réussites spectaculaires. Quand le courant va dans le bon sens, il n'y a pas à ramer. Chirac est quelque part un "roi fainéant". François Hollande a, quant à lui, déjà réussi à commettre des erreurs dans une conjoncture internationale positive en seulement 3 ans au pouvoir…

Ceci étant, au niveau de la protection sociale, les réformes qu'a voulu engager Alain Juppé, notamment sur les retraites et les régimes spéciaux en 1995, ont été un échec. Ce constat est le même sur les lois de financement de la sécurité sociale, calquées sur les lois de finance, et qui donc attribue toutes les responsabilités de gestion à l'Etat qui devient ainsi celui qui gère et qui légifère. C'est une très mauvaise solution du point de vue managérial.

Il n'y a pas eu de véritable progrès en termes de dépenses sociales, qui se sont développées à un rythme un peu plus rapide que le PIB. Tant que la conjoncture économique était faste, jusqu'en 2007, cela ne s'est pas ressenti. Mais avec la crise, c'est devenu insupportable pour le pays.

Dans quelle mesure l'euro a-t-il joué en sa faveur ?

Jacques Bichot : Lorsque l'on mène une politique économique nationale convenable, ou pas trop désastreuse, l'euro est une bonne chose. Cela simplifie beaucoup de choses. Pendant la période chiraquienne, cela a été plutôt positif. Cela a incité le gouvernement à ne de pas faire de dérapages trop forts. L'euro nous a protégés des mesures démagogiques.

Que reste-t-il aujourd'hui de son action sur le plan économique et social ?

Jacques Bichot : Il reste surtout le résultat de son inaction. Il n'y a pas eu de réformes décisives. Il aurait fallu faire des réformes importantes au niveau de la protection sociale. Quand on compare l'évolution de la politique de santé de la France avec celle de l'Allemagne, on voit bien que le système de santé allemand a réussi à contrôler ses dépenses alors que la France s'enfonçait dans les dettes. Jacques Chirac n'a pas su réformer les hôpitaux et les retraites. La réforme de 2003, notamment sur le point des carrières longues, a beaucoup coûté à la France. Il fallait aller dans le sens de l'unification des régimes. Il n'y a eu aucun effort de simplification sur la fiscalité et le droit du travail. L'inaction de Jacques Chirac a été meilleure qu'une mauvaise action telle qu'on la connaît actuellement mais il aurait fallu tout de même avoir une volonté réformatrice pour éviter des problèmes qui pèsent aujourd'hui encore sur notre économie.

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