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Polémique sur les Républicains : un bien petit hold-up de l’UMP relativement au hold-up permanent de la gauche sur les valeurs du Bien
©DR

"La gauche divine"

En cherchant à s'arroger le titre de "Républicains", l'UMP a provoqué un tollé, notamment du côté de la gauche. Pourtant, cette dernière pratique sans complexe ce sport national consistant à s'accaparer des valeurs.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : Dans une interview publiée par L'Obs en avril, Christiane Taubira a déclaré : "La gauche, ce n'est ni le césarisme, ni le bonapartisme, c'est le débat et la diversité". Et d'ajouter : "L'idéal de la gauche, c'est-à-dire la lutte contre les injustices, les inégalités, le souci de la justice sociale, ne peut pas disparaître." La justice sociale est-elle l'apanage de la gauche ? 

Roland Hureaux : Plus que des valeurs sublimes, ce qui caractérise la gauche est l'imposture. Cela peut être considéré par la manière dont elle s'approprie et veut confisquer certaines valeurs. Cela n'a pas toujours été le cas. Il fut une époque où la gauche avait sans doute une dimension sociale beaucoup plus marquée que la droite, telle que sous la IIIème République ou sous la IVème République. Ainsi, la gauche du Front populaire, Léon Blum, et le gouvernement Guy Mollet de 1956 ont pris des mesures importantes à caractère social. La droite aussi en prenait, mais moins.

Aujourd'hui la gauche a abandonné cette dimension sociale. D'ailleurs vous ne trouverez pas dans les réformes menées par François Hollande de grands projets sociaux. Vous trouvez une grande réforme sociétale qui n'intéresse plus que la minorité d'une minorité, je parle là de la loi portant sur le mariage homosexuel. Quant à la loi Macron, une loi plutôt libérale, elle bénéficie bien plus aux personnes en place qu'à la population à la base.

D'autre part, si vous regardez la composition du gouvernement de gauche actuel, vous y trouvez davantage de membres des grands réseaux internationaux comme la Trilatérale ou le club Bilderberg, étroitement articulés avec le monde financier international. Les membres des grands clubs internationaux ou nationaux tel que le Siècle sont bien plus présents dans le gouvernement actuel que dans le gouvernement de Sarkozy par exemple. Il y en avait aussi bien moins dans le gouvernement de Mitterrand.

Au risque de paraitre brutal, par ses choix fondamentaux, notamment ses choix monétaires, sa volonté d'accélérer la négociation du Traité transatlantique, le Parti socialiste aujourd'hui est le bras armé des grands réseaux financiers internationaux qui ont décidé de mettre la France en tutelle et de vider de sa substance progressivement l'héritage social qui pouvait exister dans ce pays.

Ce qui distingue la droite de la gauche c'est surtout le sort fait à la classe moyenne. La droite préservait un peu les classes moyennes françaises, alors que la gauche ne les ménage pas. Elle a apporté 90 milliards d'impôts supplémentaires sur les personnes, essentiellement à la charge des classes moyennes. De plus, la loi Macron comporte des dispositions qui visent à réduire le poids de certaines professions réglementées appartenant à la classe moyenne.

Concernant les vraies classes populaires, il y a celles qui travaillent et qui sont logées à la même enseigne en étant par exemple matraquées fiscalement et qui sont généralement exaspérées par ce qu'il reste des mesures sociales. En effet, ils ont le sentiment qu'elles profitent davantage au nom travailleur qu'au travailleur. La gauche qui était le parti des travailleurs, grands et petits, est aujourd'hui le parti des non travailleurs, que ça soit à la finance internationale au bout de la chaine et de l'autre côté les gens vivant dans l'assistance de l'autre.

"C'est la gauche qui a mis en œuvre les concepts de nation, de République, de laïcité, qui leur a donné un contenu, une dynamique, une vitalité. C'est le manque de vigilance de la gauche qui a fait que ces concepts ont été cambriolés par la droite", a affirmé la garde des Sceaux dans un entretien publié dans Le Parisien le 27 avril. En quoi cette vision des choses est-elle partielle ? 

Je veux bien que Madame Taubira qualifie la laïcité de valeur de gauche, je ne sais pas si elle se réfère à Jules Ferry, promoteur de l'école laïque. Accepte-t-elle pour autant les déclarations de Jules Ferry relatives à la colonisation, lorsqu'il affirme que la race blanche avait vocation à coloniser "les races inférieures" pour les civiliser. Considère-t-elle que Jules Ferry était un homme de gauche ? Et avalise-t-elle cette déclaration ?

J'aimerais aussi rappeler à Madame Taubira que contrairement à une légende bien répandue, à Londres en 1940, les gens de gauche étaient loin d'être la majorité.

Toujours sur la laïcité, récemment à la Mairie de Paris, les socialistes ont organisé une grande fête pour la fin du ramadan dans les locaux municipaux. Est-ce ça la laïcité ? Si l'on regarde de près ce que les gens de gauche nomment laïcité, c'est uniquement une hostilité à  l'égard de l'Eglise catholique et l'héritage chrétien en général. Y compris quand cet héritage ne fait que reprendre les données de la morale universelle, voire anthropologique comme la différence des sexes, et le modèle familial stable.  

En réalité ce que la gauche appelle la laïcité est l'hostilité à l'héritage chrétien et la promotion du communautarisme s’agissant de l’Islam avec tous les risques que cela peut imposer.

"La gauche que je porte garde un idéal: l'émancipation de chacun. Elle est pragmatique, réformiste et républicaine" a expliqué Manuel Valls à l’Obs le 23 octobre 2014. Ces caractéristiques sont-elles propres à la gauche ? 

Tout le monde veut faire des réformes, droite ou gauche, et des réformes bonnes ou mauvaises. Cela ne singularise pas la gauche. Et la République, c'est-à-dire la "chose publique", appartient à tout le monde par définition. Nous ne sommes plus à l'époque où on avait des individus en faveur de la République et d'autres contre. Même le Front national aujourd'hui se réclame de la République.

Il me parait important de revenir sur la présentation du clivage gauche – droite tel que le fait le PS, cela est foncièrement mensonger. Il y aurait un risque pour une droite qui ne réfléchit pas assez d'accepter l'image que lui renvoie la gauche. Quand la gauche affirme "nous sommes les pauvres et à droite ce sont les riches", des gens de droite, au lieu de remettre en cause cette considération, la reprenne naïvement à leur compte. J'appelle cela le syndrome du Fouquet's, ils disent : "oui, nous allons favoriser les riches, supprimer l'impôt sur les grandes fortunes", mais il faut que la droite soit sans complexe. Etre sans complexe du côté des riches et être sans complexe à droite, ce n'est pas la même chose. La solidarité est une valeur aussi bien de droite comme de gauche d'après moi par exemple. Elle correspond à la mission transhistorique de tous ceux qui dirigent la société, avec la volonté d'assurer la cohésion de la nation. La différence est que la droite le fait sans perspective utopique contrairement à la gauche, et donc sans mensonge. Car l'utopie amène le mensonge. La grande différence entre la droite et la gauche c'est que la gauche est idéologique et la droite ne devrait pas l'être.

D'après Kamel Chibli, "la solidarité, valeur de la gauche, est au cœur de l'action gouvernementale". C'est ce que publiait le  secrétaire national au Handicap et à Lutte contre la pauvreté le 5 décembre 2014 sur le site du Parti socialiste. L'action de la gauche est-elle toujours empreinte de cette philosophie ? 

Le cercle de réflexion des socialistes, Terra nova, préconise explicitement le largage de la classe ouvrière. En effet, il considère que ce qu'il reste de la classe ouvrière en France a vocation à voter pour le Front national et n'intéresse peu ou pas le PS. Le PS doit s'adresser à d'autres groupes comme les immigrés, les homosexuels, etc. Par une singulière dérision, le cercle Terra Nova est présidé par l'héritier d'une dynastie de syndicalistes ouvriers, François Chérèque ; Terra Nova qui a ouvertement affiché sa décision de se détourner de la classe ouvrière.  

La philosophie dominante à gauche n'a rien à voir avec l'esprit social, sa philosophie est à la fois libérale et libertaire. A partir du moment où elle accepte les hypothèses mondialistes et les contraintes européennes telles qu'elles s'expriment sans essayer de les remettre en cause, sa marche de manœuvre est très restreinte. La gauche est aujourd'hui la représentante des puissants de ce monde. Sur le plan de la diplomatie, l'assujettissement sans précédent de François Hollande à la politique des Etats-Unis est aussi le signe d'une gauche qui n'est plus celle défendant les petits contre les gros mais celle qui matraque les petits au nom des gros. 

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