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FESF : Et si l'aide éventuelle des Chinois reflétait avant tout leur dépendance à l'Europe ?
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Péril Jaune ?

La zone Euro accepterait un soutien financier de la Chine par le biais du FESF. Une perspective redoutée par de nombreux Européens. Mais quel partenaire dépend le plus de l'autre ?

Françoise  Lemoine

Françoise Lemoine

Françoise Lemoine est chercheure associée au Centre d'études sur la Chine contemporaine (EHESS) et économiste senior au CEPII. Elle a publié notamment L'économie de la Chine (Editions la Découverte - 2006).

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Atlantico : Les États membres de la zone Euro se sont accordés pour porter le Fonds européen de stabilité financière à mille milliards d'euros, dans lequel la Chine pourrait investir. Pensez-vous que sa présence soit anodine ?

Françoise Lemoine : La Chine est devenue ces deux dernières années à la fois la deuxième puissance économique mondiale, la première puissance exportatrice et la première détentrice des réserves de change du monde. Le fait qu’elle se porte au secours de l’Union Européenne est dans la nature des choses.

Cela révèle que la Chine a intérêt, sur le plan économique ou commercial, à ce que l’UE et l’Euro sortent de la crise le plus vite possible. L’Europe est d'ailleurs le premier marché d’exportation de la Chine (à hauteur de 20%). Et elle détient environ 600 milliards d’euros de réserve de change.

De plus, cela permet un rééquilibrage de la relation triangulaire avec les Etats-Unis. La Chine est favorable à un monde multipolaire. Elle se trouverait dans une situation beaucoup plus difficile si elle était dans une relation purement bilatérale avec Washington.

Côté chinois, comment est perçu ce gigantesque investissement en terres européennes ?

Cela soulève certaines critiques à l’intérieur de la Chine. Dans certains cercles dirigeants chinois, le fait que l’empire du milieu accumule des réserves de changes est vivement décrié. Jusqu’à présent, il a beaucoup prêté aux États-Unis, sachant que les deux tiers des réserves chinoises sont placées en bons du trésor ou titres publics américains, contre seulement un quart en titres européens.

C’est la raison pour laquelle la Banque centrale chinoise gère ses réserves en cherchant avant tout la stabilité, la sécurité des investissements et la liquidité de ses placements. Elle détient donc l’essentiel de ses réserves dans ces deux monnaies. Mais elle n’est certainement pas prête à faire n’importe quoi, et demandera de solides garanties si elle participe au FESF.

La Chine ne cherche-t-elle pas aussi des garanties politiques sur l’accès aux marchés européens, ou la préservation de la sous-évaluation du Yuan ?

Oui, sans doute. La situation dans laquelle la Chine accroît sa contribution au financement européen la met dans une position renforcée pour négocier sur d’autres points litigieux dans ses relations avec l’UE, tel que le statut de l’économie de marché...

Concernant la sous-évaluation du Yuan, les Européens n’en demandaient pas autant que les Américains. Ils réclamaient surtout l’accès pour leurs entreprises au marché public chinois. Reste que quand la négociation porte sur le FESF, il n'est pas question d'aborder les enjeux politiques.

Quoi qu'il en soit, la Chine sortira renforcée de ces négociations. A ceci près que sa participation au FESF montre à quel point elle dépend commercialement et économiquement de l’UE.

Justement, la Chine « met au pot » dirait-on pour garder ses partenaires autour de la table. Quels seront alors les montants engagés, « no limit » ?

C’est plus de la négociation que du poker ! La Chine est devenue partie prenante dans la gestion de la crise pour des raisons économiques et commerciales. Elle le fait également pour des raisons géopolitiques : maintenir l’UE comme un grand partenaire sur la scène mondiale, afin que la configuration du monde actuel reste stable.

La Chine, qui n’a pas terminé son développement, a tout intérêt à ce que son environnement régional lui permette de poursuivre son ascension économique. Jusqu’à présent, la globalisation lui a apporté énormément d’avantages : beaucoup de capitaux et de technologie. Elle lui a ouvert des marchés considérables en Europe, et aux États-Unis.

J’ai entendu une délégation chinoise mercredi qui disait : « Quand un ami vient à votre aide, vous lui en êtes reconnaissant. »

Cela signifie que cette interdépendance renforcée entre la Chine et l’Europe opère à un moment où les tensions sino-américaines sont très fortes. Tout cela fait partie du jeu diplomatique. Tout se tient.

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