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Hollande, 3 ans après son élection : un bilan sévèrement jugé par une très large majorité de Français
©Reuters

3 ans plus tard

Alors que François Hollande fêtera le 6 mai le troisième anniversaire de son élection à la présidence de la République, les résultats du sondage exclusif CSA pour Atlantico montre que malgré une amélioration des jugements, 81% des Français estiment que son bilan est négatif.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Yves-Marie Cann, directeur adjoint du pôle opinion de l'Institut CSA présente les résultats du sondage en première partie de l'article. A partir de la deuxième page, Bruno Cautrès analyse quant à lui les enseignements que l'on peut en tirer à deux ans des élections présidentielles de 2017. 

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Atlantico : Le 6 mai 2012, François Hollande sort vainqueur du second tour des élections présidentielles. Le 15 mai, il devient le 24ème Président de la république française. 3 après son élection, comment les Français perçoivent-ils son bilan ? 

Yves-Marie Cann : Globalement, le sentiment reste très majoritairement négatif à l'égard du chef de l'Etat : 81% des personnes interrogées estiment que ce bilan est assez ou très négatif. Une défiance et un mécontentement qui reste donc extrêmement fort aujourd'hui, même si on observe une amélioration par rapport à ce que l'on avait mesuré il y a un an, soit deux ans après son élection. 

Si le sondage montre globalement une insatisfaction de la part de l'ensemble des électeurs, les reproches adressés sont-ils motivés de la même manière en fonction des sensibilités politiques ?

Yves-Marie Cann : De façon détaillée, ce jugement négatif se vérifie dans toutes les catégories sociodémographiques et professionnelles. Chez les 18-24 ans, c'est-à-dire un segment de la population que le Chef de l'Etat cherche à séduire voire à acquérir, 79% d'entre-eux estiment que son bilan est très négatif. Cette proportion se retrouve chez les plus âgés : 81% des + 65 ans.

Yves-Marie Cann : Les motivations sont diverses. L'absence de bilan sur le plan économique et social occupe une place importante, un an et demi après l'échéance de l'inversion de la courbe du chômage. La hausse de la pression fiscale, la baisse du pouvoir d'achat participe également à ce sentiment négatif.

Au-delà de la critique sur le plan économique et social, les autres dimensions proposées montrent des différences également marquées entre les sensibilités politiques. Si les électeurs de droite et d’extrême droite pointent eux aussi majoritairement l’absence de résultats sur le terrain de l’économie et du social (avec respectivement 66% et 62% de citations chez les anciens électeurs de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen), nombreux sont ceux qui considèrent dans le même temps que "sa personnalité et son comportement ne sont pas à la hauteur de la fonction présidentielle" (58% chez les anciens électeurs de Nicolas Sarkozy et 45% chez ceux de Marine Le Pen contre "seulement" 29% chez ceux de François Hollande).

Au-delà de ce clivage gauche-droite, il y a également un clivage au sein de la gauche. Les sympathisants socialistes sont tout de même 55% à estimer son bilan positif, alors qu'au Front de gauche ils ne sont que 25%.

La séquence de ce début d'année, avec la gestion des attentats du mois de janvier et certains signes d'amélioration sur le plan économique, a été considérée comme plutôt favorable à François Hollande. Cette idée se retrouve-t-elle dans le sondage ? Comment les Français voient-ils le Président sur le plan de la personnalité ?

Yves-Marie Cann : Il regagne effectivement des points sur des dimensions traditionnellement considérées comme capitales pour un Président de la République. A titre d’exemple, la proportion de Français estimant que François Hollande est "à la hauteur des événements" progresse de 14 points en un an, passant de 14% de "s’applique bien" en mai 2014 à 28% aujourd’hui. Cette progression est encore plus marquée auprès de ses électeurs de premier tour à l’élection présidentielle de 2012, avec 16 points de gagnés en un an (56% de "s’applique bien"). De plus, les Français sont plus nombreux qu’il y a un an à le juger "courageux" (32%, +6 points) et "déterminé" (32%, +4 points). Toutefois, ses deux principales qualités aux yeux de l’opinion publique restent l’image d’un Président "sympathique" (45%, +6) et "Honnête" (38%, +6 points). Les doutes s’avèrent en revanche massifs sur d’autres dimensions : seuls 16% (+1) estiment par exemple que François Hollande est "capable de réformer le pays", autant le jugent "dynamique" (+4 points en un an) et à peine plus d’un dixième considère qu’il "aient ses promesses de campagne" (12%) sachant que cet indicateur est le seul pour lequel les opinions exprimées se détériorent (‐2 points).

Quelle lecture peut-on faire de l'appréciation du bilan de François Hollande, 3 ans après son élection ? Comment peut-on analyser les différents reproches qui lui sont adressés

Bruno Cautrès : Ce qui apparait très clairement dans le sondage CSA c’est que le jugement globalement très négatif sur François Hollande et son bilan après trois ans de présidence, malgré une remontée de son image depuis l’an dernier, se nourrit de différents éléments et renvoient à différents électorats. Tout se passe comme si François Hollande se voyait adresser par différents électorats différentes critiques et insatisfactions qui mises bout à bout expliquent l’ampleur du jugement négatif d’ensemble. Les électeurs de gauche, par exemple ceux qui ont voté pour lui en 2012 dès le premier tour ou ceux qui de déclarent proches du PS lui reprochent principalement son manque de résultats au plan économique. C’est aussi parmi les jeunes, les inactifs, les étudiants que ce reproche lui est adressé en premier alors même que François Hollande avait fait de son action pour la jeunesse l’épine dorsale de son mandat et qu’il a annoncé récemment des mesures pour les jeunes. Dans ce cœur de son électorat de 2012, la déception au plan économique et social l’emporte toujours et le Président semble toujours "plombé" par la promesse non-tenue pour le moment de "l’inversion de la courbe du chômage".

Si l’on considère le premier reproche qui est adressé à François Hollande dans les franges plus à gauche de son électorat de 2012, par exemple ceux qui ont voté pour J.L. Mélenchon, c’est essentiellement d’avoir fait une autre politique que celle pour laquelle il avait été élu : 46% de ceux qui déclarent avoir voté pour le candidat du Front de gauche en 2012, 60% de ceux qui se déclarent proches du Front de gauche, 25% des ouvriers et 26% des inactifs lui adressent ce reproche en premier (contre 18% dans l’ensemble du sondage) lorsqu’on leur donne la possibilité de citer deux reproches. Ils ne reconnaissent tout simplement pas dans l’équipe Valls-Macron et n’y reconnaissent pas celui pour qui ils ont voté au second tour de 2012 et qui avait promis de "réorienter l’Europe" ou de "renégocier le traité de stabilité budgétaire".

A droite, à l’UMP notamment, c’est davantage encore la stature présidentielle de François Hollande qui est négativement jugée : lorsqu’on leur demande si «sa personnalité et son comportement sont à la hauteur de la fonction présidentielle", la première réponse de ceux qui déclarent avoir voté pour Nicolas Sarkozy en 2012 est négative à 30% et à 32% pour ceux qui se déclarent proches de l’UMP (contre 23% qui citent en premier ce reproche dans l’ensemble du sondage). Les électeurs de l’UDI et plus encore du MODEM lui reprochent en premier et plus que les autres de n’avoir pas su réformer le pays.

Enfin, les sympathisants du FN et les électeurs de Marine Le Pen en 2012 lui reprochent un peu tout à la fois mais surtout l’absence de résultats et sa stature présidentielle.

Peut-on estimer que ces reproches se retrouveront lors des élections présidentielles ? Sur quelles thématiques le Président devra-t-il convaincre de l'efficacité de son action ?

Bruno Cautrès : Depuis maintenant plus décennies la hiérarchie des préoccupations des français a peu évolué même si la crise de 2007/2008 a rebattu en partie les cartes : mais ce sont toujours les questions de l’emploi et du chômage, du pouvoir d’achat, des inégalités qui sont parmi les préoccupations principales même si le thème des déficits et de la dette, des impôts aussi ont progressé dans l’ordre des préoccupations. Mais effectivement d’autres attentes existent parmi les français et notamment des attentes en matière de renouveau politique : le manque de confiance dans les hommes politiques est immense, le sentiment que les promesses ne sont pas tenues ou que l’action de ceux qui ont été élus ne correspond pas à ce qui avait été dit ou compris. Dans le domaine social et économique, les attentes sont multiples et diversifiées selon les électorats: mais dans de nombreuses couches de la population, un besoin d’explication existe et notamment de savoir si les efforts faits ont ou pas permis de régler certains problèmes comme les déficits publics. Beaucoup de français souhaitent que des choses changent en France mais le sens donné au thème de la "réforme" ou du "changement" est différent selon les segments de la population et la place occupée dans les hiérarchies du statut socio-économique : lorsque Nicolas Sarkozy voulait "la rupture" ou lorsque François Hollande voulait "le changement (c’est maintenant)", ces mots ne résonnent pas de la même manière pour tous les électeurs.

Le bilan que les électeurs vont tirer du mandat de François Hollande sera un tout : mais bien sûr, la question économique occupera la première place car François Hollande s’était beaucoup avancé sur cette question avec "l’inversion de la courbe du chômage" ; mais d’autres thèmes risquent d’occuper une place importante dans le bilan de François Hollande et notamment, pour une part non-négligable des électeurs de gauche et des milieux populaires, la question de la réduction des inégalités et du pouvoir d’achat ; les classes moyennes et moyennes-supérieures l’attendent sans doute de pied-ferme sur la question des impôts. Il est un peu tôt pour le dire de toute façon même si l’on voit bien que ces questions vont jouer un rôle important ; mais chaque élection et chaque campagne électorale peut réserver des surprises ou faire émerger tel ou tel enjeu.

Certains éléments prédestinent-ils une certaine amélioration pour François Hollande ?

Bruno Cautrès : S’il est incontestable que depuis Janvier 2015 François Hollande a pu endiguer la glissade terrible de son image présidentielle, le sondage CSA montre néanmoins que les fondamentaux de l’image présidentielle ne sont pas bons : il est toujours perçu comme "sympathique", "honnête", "courageux" et "déterminé" mais des points essentiels comme avoir "l’esprit de décision", "savoir où il va", "capable de réformer le pays", "rassembleur" et "tenir ses promesses" montrent des taux d’adhésion faibles, voire très faibles. Même parmi son électorat de 2012, ils ne sont que 24% à déclarer qu’il tient ses promesses. S’il apparait que sa gestion de l’après 7 janvier 2015 restera durablement porté à son crédit (avec des évolutions d’image très importantes sur ce point), les français semblent avoir scindé l’image de François Hollande. Tout se passe comme si le personnage François Hollande continuait de bénéficier d’une image  positive sur ses qualités humaines, renforcée par ses gestes et son action pendant l’après 7 janvier 2015; mais que dans le même temps et malgré des évolutions à la hausse, le président Hollande ne parvenait pas (pour le moment) à inverser fondamentalement la courbe des jugements mitigés dans le meilleur des cas et négatifs, voire très négatifs portés sur son action et ses politiques. François Hollande aura besoin fondamentalement non seulement de bons chiffres économiques mais aussi que les français ressentent dans leur vie des améliorations pour que son bilan d’image personnelle se transforme en crédit d’image présidentielle. Si les traits d’image comptent de plus en plus dans la décision électorale lors de l’élection présidentielle, cela ne joue pas de la même manière pour un sortant et pour son challenger. En 2012, François Hollande a pu bénéficier à plein de ces traits d’image personnelle mais il était le challenger ; en 2017 il sera le sortant et le bilan pèsera lourd. Bien entendu, un cas de figure passionnant à observer et plein d’incertitudes arriverait si en tant que sortant il affrontait au second tour un challenger au statut d’ex-sortant...

publié par Atlantico

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