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Alain Madelin : "Forcer la convergence franco-allemande, c’est rendre un mauvais service à l’Euro"
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Intervention TV de Nicolas Sarkozy

L'ancien ministre de l'Économie et des finances "trouve extrêmement dangereuse l'idée selon laquelle pour faire fonctionner l’Euro, il faudrait être tous pareils".

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Atlantico : Qu’avez-vous pensé de l’intervention télévisée de Nicolas Sarkozy de ce jeudi soir ?

Alain Madelin : C’est une intervention réussie car le Président a fait preuve de pédagogie sur le sommet de Bruxelles. Il a bien expliqué pourquoi il fallait aider la Grèce et pourquoi les décisions qui ont été adoptées vont dans le bon sens. Il n’en reste pas moins que la question de fond, celle de la compétitivité et de la croissance, reste posée à l’échelle de la Grèce, de l’Europe et de la France.

La convergence franco-allemande et la volonté d’aller vers plus d’intégration entre les 17 pays de la zone euro évoquées par le Président de la République sont-elles de bonnes solutions ?

A mes yeux, la partie concernant la convergence franco-allemande et plus généralement du fonctionnement futur de la zone euro, n’était pas la meilleure du discours.

Ce concept de convergence est discutable dans la mesure où il semble indiquer que pour pouvoir fonctionner de concert à l’intérieur de la zone euro, il faudrait raboter les différences. Mais une monnaie unique peut fonctionner sans gouvernement central et avec des pays différents. Si on pense le contraire il ne fallait pas faire l’Euro ! Preuve en est qu’autrefois des pays extrêmement différents fonctionnaient avec une même monnaie, l’étalon or, et que le dollar de Hong-Kong peut être accroché au dollar américain sans que les deux pays soient comparables.

Pour fonctionner, l’Euro a besoin de deux éléments essentiels. Tout d’abord, une très stricte gouvernance monétaire, entendez une discipline budgétaire. C’était la règle de Maastricht à laquelle, hélas, et la France et l’Allemagne ont fait défaut en 2002 et 2003, entrainant d’autres pays. Ensuite l’Euro a besoin d’une très grande flexibilité économique en raison des divergences démographiques, culturelles  ou de compétitivité. Dès lors que l’ajustement à la variation des changes est impossible, il faut lui substituer un ajustement par la variation des prix. Si la compétitivité  de la Grèce décroche par rapport à celle de l’Allemagne, les prix doivent augmenter en Allemagne et se stabiliser, voire même diminuer en Grèce.

C’est cette flexibilité compétitive qui était prévue à l’origine dans l’agenda de Lisbonne qui elle-aussi est restée lettre morte, au point que le fonctionnement de l’Euro, en exagérant le trait, a entrainé une surcapacité : trop d’usines en Allemagne, trop de fonctionnaires en France, trop d’immobilier en Espagne et trop de clientélisme en Grèce.

Donc sur ce point de  la convergence avec l’Allemagne, je l’accueille avec beaucoup de réserves. La première convergence voudrait d’abord que nous comblions l’écart de 180 milliards de dépense publique entre les deux pays. Comment voulez-vous avoir en France, dans cette configuration, la même fiscalité que l’Allemagne ? Ceci n’a aucun sens.

Au surplus, ajoutez les différences de modèle : un modèle français davantage tourné vers les services et l’Allemagne davantage tourné vers l’industrie, plus mercantiliste, avec une faiblesse démographique. Accueillons donc ces thèses de convergence avec beaucoup de méfiance.

Quels sont les risques liés à cette convergence ?

L’idée d’avoir une rigidité monétaire plus une rigidité en matière de budget, d’impôt ou des convergences sociales rigides, c’est la recette de l’explosion, donc je n’achète pas.

Je trouve extrêmement dangereuse cette idée selon laquelle pour faire fonctionner l’Euro, il faudrait être tous pareils. J’aurais presque tendance à dire que c’est très exactement le contraire. Il faut accepter les différences qui progressivement avec le temps deviendront des convergences mais pas forcer la convergence car c’est rendre un mauvais service à l’Euro.

Je le dis d’autant plus que l’accord de Bruxelles dont Nicolas Sarkozy a rendu compte est un bon accord en soi. Il permet de gagner du temps de restructurer partiellement la dette grecque de recapitaliser les banques grecques. Et grâce à l’engagement pris parallèlement au sommet de Bruxelles par la BCE d’assurer la stabilité financière, à titre exceptionnel par des moyens non conventionnels, on a assuré un cordon sanitaire de protection assez solide autour de l’Espagne et de l’Italie.

Au total, c’est donc un bon accord sauf qu’il ne règle aucun des problèmes de fond. C’est comme une entreprise au bord de la faillite, vous voulez la redresser, une fois que vous avez fait des accords avec les créanciers et remis un peu d’argent frais, il y la question de la compétitivité et du business plan. La question de la compétitivité globale de la zone euro est posée. La question de la compétitivité des maillons faibles comme la Grèce, ou même de la France, reste posée et la question des divergences de compétitivité entre des pays forts et des pays faibles, comme la Grèce et l’Allemagne, reste posée. C’est là où, à défaut de l’avoir fait jeudi soir, on attend le Président de la République et  plus généralement l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle. Le problème de la France, c’est sa compétitivité et sa croissance. C’est également le problème de l’Europe.

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