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La réalité franchement pas rafraichissante de ce qu’il y a dans l’eau du robinet.
La réalité franchement pas rafraichissante de ce qu’il y a dans l’eau du robinet.
©Pixabay

Beurk

L'eau est indispensable à la vie. Nous en buvons tous les jours. Pourtant, l'eau du robinet (et l'eau embouteillée aussi...) contiendrait des produits pas très ragoutants, ayant de graves conséquences en matière de santé publique.

Claude Danglot

Claude Danglot

Claude Danglot est médecin, microbiologiste et ingénieur hydrologue. Pendant trente ans, il a mené des recherches sur la qualité de l'eau dans plusieurs laboratoires. Il est désomais membre du CRiiEAU (Comité de recherche et d'information indépendant sur l'eau).

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Atlantico : Une étude américaine a relevé la présence de produits chimiques dans l'eau du robinet, comme du chrome, de l'arsenic ou des sous-produits désinfectants. Qu'en est-il de la composition de l'eau du robinet en France?

Claude Danglot : En France on ne trouve pas de métaux lourds dans l'eau du robinet, les Etats-Unis sont très en retard par rapport à nous. Mais il y a un problème en France aussi : on trouve des antibiotiques, des pesticides, des perturbateurs endocriniens… Même si la quantité de chacun de ces produits respecte les normes sanitaires, la somme des toxicités de ces différents produits est dangereuse à terme pour l'être humain. De plus, même si certains produits sont considérés comme non toxiques par les normes en vigueur, la communauté scientifique sait bien qu'ils sont nocifs quand même. Les bonbonnes d'eau que l'on trouve dans les bureaux, ainsi que l'eau embouteillée, sont toxiques également, car les contenants contiennent du bisphénol A, qui a un effet épigénétique, c’est-à-dire qu'il joue sur la structure de l'ADN et donc les effets dramatiques se transmettent de générations en générations, comme des malformations congénitales. Il n'existe à ce jour aucune norme sur l'eau en bonbonne.

>>> A lire également : Pourquoi être déshydraté peut être largement aussi dangereux que boire trop d’alcool

Comment expliquer la présence de ces produits ? Il y a-t-il une augmentation de ces produits dans l'eau du robinet ?

L'agriculture productiviste fait passer les pesticides dans les nappes. De même pour les antibiotiques utilisés en agriculture pour traiter systématiquement les animaux, même non malades, par souci de rentabilité. Or les animaux fabriquent dans leur côlon des bactéries résistantes aux antibiotiques, et ce sont ces bactéries qui se retrouvent dans les rivières. Même si ces bactéries ne sont pas dangereuses en elles-mêmes, elles transmettent alors la résistance à d'autres bactéries plus dangereuses. Il y a une confusion globale : ce ne sont pas les humains qui développent la résistance aux antibiotiques, mais les animaux, à qui sont administrés, souvent à tort, plus des 2/3 des antibiotiques, qui transmettent la résistance à d'autres bactéries.

Que se passe-t-il exactement lorsqu'on ingère ce type de produits dans notre corps?

Selon les statistiques de l'INSERM, bien que l'espérance de vie augmente, l'espérance de vie en bonne santé diminue, et l'on peut croire que cela va s'aggraver. L'exposition continue et quotidienne aux perturbateurs endocriniens crée des malformations congénitales et augmente à terme le risque de développer des cancers, ou encore des risques d'infertilité. Bien sûr, on ne va pas mourir de mort subite en ingérant une petite quantité de ces produits, mais leur ingestion régulière crée des dommages dramatiques sur l'organisme. Les coûts en termes de santé publique sont énorme, inestimables.

Les stations d'épuration ajoutent-elles des produits nocifs dans l'eau lors du traitement de celle-ci ? Comme le chlore, par exemple ? 

Les stations d'épuration ne rajoutent rien à part du chlore, mais… n'enlèvent presque rien non plus. Les bactéries fécales par exemple se retrouvent dans les égouts, puis sont traitées dans la station puis se retrouvent dans les rivières. Or la station d'Achères près de Paris, la plus grande de France, rejette 27 mètres cube de bactéries fécales par jour, soit 19 tonnes… Les stations d'épuration ne font qu'enlever la pollution solide, les matières grasses, mais n'enlèvent en aucun cas les perturbateurs endocriniens ou les médicaments. 
Le chlore est une bonne méthode pour désinfecter l'eau, mais à terme des doses importantes de ce produit peuvent favoriser l'apparition de cancer. Alors d'accord, aujourd'hui on ne meurt plus de la typhoïde en buvant l'eau du puit comme autrefois, car le chlore est efficace contre les maladies infectieuses, mais il cause d'autres dommages.

Comment expliquer ce manque de transparence sur l'eau potable de la part des pouvoirs publics ?

C'est volontaire ! L'Agence européenne de Sécurité alimentaire, qui donne des avis dits "scientifiques" sur l'eau, est composée de pseudo experts influencés par les lobbys de l'agroalimentaire.
Il y a aussi un problème de délégation du service public. En France, c'est le maire qui gère l'eau de la Ville, sous responsabilité d'une régie municipale. Or aujourd'hui les ¾ de l'eau en France sont analysés par de grands groupes comme Veolia ou Suez, qui, dans une logique de rentabilité, ont intérêt à limiter leurs coûts, en s'assurant seulement que l'eau ne présente pas de problème sanitaire, mais sans chercher à la rendre la meilleure possible.
La pollution évolue rapidement, mais les normes, elles, n'évoluent pas, donc l'eau est moins bien contrôlée. C'est un vrai problème de santé publique.

Quels conseils peut-on donner pour limiter l'exposition à ces produits ?

Croire que l'on peut y échapper est un leurre : ce serait comme espérer traverser Paris sans être touché par la pollution des pots d'échappement. L'eau du robinet est souvent pire à la campagne que dans les grandes villes, puisqu'elle est moins traitée et plus chargée en pesticides. Alors mieux vaut boire de l'eau embouteillée même si elle contient du bisphénol A. A Paris en revanche, la qualité de l'eau est relativement bonne car la ville a fait de gros progrès sur la question. Mieux vaut donc privilégier l'eau du robinet.

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