Dérèglement climatique : le pape entend peser dans la bataille<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Pape François a rencontré le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour aborder le thème du climat.
Le Pape François a rencontré le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour aborder le thème du climat.
©Reuters

En odeur de sainteté

Religion et environnement sont-ils compatibles ? Il faut croire que oui, vu l'engagement du Pape François en faveur de la protection de l'environnement. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a rencontré mardi le souverain pontife pour aborder ces questions, en marge d'un colloque organisé par le Vatican sur le climat.

Christophe Dickès

Christophe Dickès

Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique étrangère et à la papauté (L’Héritage de Benoît XVI, Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde). Il est enfin le fondateur de la radio web Storiavoce consacrée uniquement à l’histoire et à son enseignement.

 

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Atlantico : À sept mois de la "Conférence climat Paris 2015" des Nations unies (COP21) qui doit aboutir à l’adoption d’un accord universel sur le climat, Ban Ki-moon s’est rendu mardi  au Vatican et a rencontré le pape François pour un colloque sur le climat. Quel est le pouvoir exact  du Pape sur ces questions ?

Christophe Dickès : Sur la scène internationale, le Saint-Siège est une puissance morale : il n’a pas d’autre moyen d’action que celui de la parole. Cette parole peut parfois être écoutée à travers le monde. Elle donne des orientations éthiques et une conception de l’humanité, les droits mais aussi les devoirs de l’homme. La préservation de la création dans le sens biblique du terme fait partie des devoirs de l’homme.

Après, chaque Etat peut choisir d'appliquer ou non ce que préconise le Saint-Siège. On sait par exemple que le pape François, dans la continuité de beaucoup de ses prédécesseurs, appelle de ses vœux une régulation des systèmes financiers mettant non plus l’argent au centre de ces systèmes mais l’homme. Là aussi dans ce domaine, il souhaite que soit appliquée une éthique dans le monde de la finance. Un tel vœu aujourd’hui n’est pas entendu...

De mon  point de vue, le pape aura plus de chances d’être écouté sur les questions climatiques. Pour l’aider dans cette tâche, il possède un appareil diplomatique important. Le Saint-Siège est ainsi observateur permanent aux Nations-Unies ce qui lui donne le droit de rédiger et de diffuser des textes au sein de l’organisation internationale. Il participe par exemple aux travaux de la Commission des Nations unies pour le développement durable (CDD) ou au Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP). Bref, il joue un rôle d’influence.

Quelle est la particularité de l'action du Pape François en matière d'environnement par rapport à ses prédécesseurs ?

Tout d'abord, le nom même choisi par le Pape François indique qu'il est sensible à tout ce qui touche à l'environnement. Saint-François était un homme très proche de la nature. Ce n’est pas un hasard si, dans son homélie au cours de la messe inaugurale de son pontificat, il a évoqué la question de l'écologie. Il a expliqué que la vocation de l’homme était de "garder la création tout entière, la beauté de la création, comme il nous est dit dans le livre de la Genèse et comme nous l’a montré saint François d’Assise : c’est le fait d’avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons."

L’écologie humaine est donc une des grandes idées de ce pontificat. Elle se distingue clairement de l’écologie politique européenne, placée à l’extrême gauche. A cet égard, on sait que le Pape termine la rédaction d’une encyclique (un texte adressé par le Souverain Pontife à tous les catholiques et à sa hiérarchie) consacrée à l'Environnement. On peut même penser qu’il va l’adresser, comme Jean XXIII en 1963 avec son encyclique sur la paix, à tous "les hommes de bonne volonté". C’est-à-dire qu’il souhaitera s’adresser à l’ensemble des populations, quelles que soient leurs religions. Ce document paraîtra dans les prochaines semaines, bien avant donc la Conférence de Paris sur le climat en décembre prochain. La publication de ce texte très attendu s’inscrit ainsi dans un calendrier.

Néanmoins, il faut souligner que l'écologie était déjà une des préoccupations du Vatican avant le pape actuel. Pie XII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ont écrit des textes sur le sujet mais pas sous forme d’encyclique. D’ailleurs, et pour l'anecdote, Benoit XVI a fait poser des panneaux solaires sur les toits de la salle Paul VI où ont lieu les audiences pontificales du mercredi…

En quoi cet engagement en faveur de l'environnement sert-il la stratégie politique du Vatican?

Mardi dernier, l’étude Twiplomacy publiée par l’agence de communication et de relations publiques Burson-Marsteller, a révélé que le Pape François est la personnalité la plus influente sur Twitter, devant Barack Obama : il possède neuf comptes dans des langues différentes, dont l'arabe, avec un taux de retweets très élevé en langues espagnole et anglaise. Le pape étant influent, charismatique et apprécié, on peut dès lors supposer que l'Encyclique sur l'environnement peut avoir un rôle majeur.

Le Vatican, qui est le plus petit Etat du monde, ne possède ni industrie, ni structure à proprement parler polluante. Il peut donc jouer un rôle d’arbitre et de conseil désintéressé. Les bonnes relations que le pape souhaite promouvoir avec la Chine, le pays qui émet le plus de dioxyde de carbone, peuvent être ainsi déterminantes. A cet égard, il sera intéressant de voir la réaction chinoise à l’encyclique… Chaque pontificat, en dehors de celui de Jean-Paul II hors normes, produit une à deux encycliques qui restent dans l’histoire et qui ont marqué leur temps : la condamnation du nazisme et du communisme par Pie XI en 1937, l’appel à la paix de Jean XXIII en pleine guerre froide en 1963... L’encyclique sur le climat restera ainsi sûrement comme un document majeur du pontificat de François.

Le religieux peut-il vraiment gérer les questions environnementales ?

C'est l'éternel débat et un des thèmes de mon prochain ouvrage consacré à l’influence des papes sur le monde politique. Encore une fois, le Vatican est aujourd'hui une puissance dite morale, qui porte un message sur le monde, inévitablement lié d'une manière ou d'une autre à des questions politiques. On l’a encore vu dernièrement dans l’affaire Stefanini, du nom de cet ambassadeur nommé par François Hollande et dont l’agrément a été refusé par le Saint-Siège à cause du contexte français autour du mariage pour tous…. Nous sommes, là encore, en pleine politique. Il n’empêche, le pouvoir du Saint-Siège peut, à travers "ses bons offices", jouer un rôle de facilitateur sur la scène internationale, y compris concernant les grands défis de ce siècle, comme l'environnement.

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