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L'homme jouit-il à chaque fois qu'il éjacule ?
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Bonnes feuilles

Catherine Blanc bouscule nos certitudes, nous incite à nous approprier notre sexualité et apaiser nos inquiétudes. Extrait de "La sexualité décomplexée", de Catherine Blanc, publié chez Flammarion (1/2).

Catherine Blanc

Catherine Blanc

Catherine Blanc est psychanalyste et sexologue. Elle publie chaque mois une chronique dans Psychologies Magazine et participe régulièrement à des émissions télévisées.
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Il éjaculerait donc chaque fois qu’il jouit… ? Que raconte cette confusion entre jouissance et éjaculation ? L’évidence, la toute-puissance du plaisir masculin, quand la sexualité féminine, de son côté, serait empêtrée dans sa complexité ? Les hommes, il est vrai, ne disent pas « j’ai éjaculé », mais « j’ai joui ». Confondraient-ils eux-mêmes jouissance et éjaculation, la sensation et la fonction ?

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En recherche permanente de preuves visibles de la jouissance, femmes et hommes se plaisent à croire qu’éjaculer et jouir sont synonymes, et chacun d’acter ainsi l’envergure de son pouvoir.

En effet, quand les hommes, dans l’éjaculation, affirment, à grand renfort de démonstrations jaillissantes et de transports infaillibles, l’étendue de leur puissance mécanique et de leur réactivité, les femmes y voient l’expression merveilleuse du pouvoir irrésistible de leur sexe et de leur séduction. Si d’aventure elles peinent elles-mêmes à la jouissance, faire jouir leur partenaire, en apaisant leurs inquiétudes sur leurs capacités, leur apporte une satisfaction narcissique. Si leur propre accès au plaisir leur fait craindre de s’abandonner à l’autre et à son pouvoir, que leur homme, en revanche, jouisse à coup sûr, les conforte dans leur position rassurante de contrôle. Ainsi, chacun peut tirer le meilleur parti de cette idée reçue et faire de ces petits compromis psychiques le moyen de tranquilliser les doutes qu’il nourrit sur lui-même.

Rendons-nous compte, cependant, combien cet amalgame curieux, en niant à l’homme toute sa complexité, toute possibilité de créativité, toute variation émotionnelle, et même toute liberté à s’appartenir, le réduit à une machine à jouir.

Expression d’une libération physiologique, l’éjaculation offre assez naturellement le plaisir du soulagement. Comme le ferait toute autre décharge – uriner par exemple – elle apporte le confort de la résolution des tensions. Mais parce que la sexualité occupe une place particulière dans la psyché humaine, la fabrication hormonale qui accompagne l’éjaculation en fait une source de satisfaction, d’apaisement, de doux plaisir ou de puissante jouissance.

Certains hommes éprouvent pourtant des désagréments ou des douleurs, parce qu’ils y entendent, par exemple, la sensation inconfortable d’une perte de contrôle ou le sentiment d’être à la merci de leur partenaire. D’autres encore mettent tout en oeuvre pour éjaculer rapidement, afin de clore le coït devenu laborieux.

Il est à noter par ailleurs que si notre culture voit dans l’éjaculation le point final et culminant du coït,qui rend compte à lui seul de tout son intérêt, il n’en est pas de même sur tous les points du globe ni à toutes les époques. D’autres cultures préfèrent en effet la laisser en suspens, la dé-corréler de l’érotisme et de ses jouissances pour la mettre exclusivement au service de cet autre projet qu’est la procréation. Elles voient dans l’éjaculation un bien trop précieux pour être perdu ou gaspillé.

Cette différence culturelle montre la diversité des approches, des imaginaires, des valeurs et du sens à donner à nos actes. Et elle questionne, une fois de plus, la confusion que sous nos latitudes nous entretenons. Alors que nous voulons faire de l’éjaculation la preuve et le sens de la jouissance elle-même, d’autres prônent sa rétention pour s’ouvrir justement à la jouissance, et même la décupler. En dehors de leur grandeur d’âme et de leur désir de faire jouir leur partenaire, quel intérêt auraient ces hommes à étirer le temps, si l’extase les attendait ailleurs ?.

La jouissance ne peut se réduire à une simple sollicitation du système nerveux. Elle repose sur la liberté que nous nous accordons – ou pas – de ressentir nos émotions, sur notre capacité à nous accepter et à nous montrer tels que nous sommes. Les orgasmes ne sont jamais équivalents les uns aux autres. Ils vont de l’agréable au désagréable, du feu d’artifice détonant à la trajectoire fulgurante de l’étoile filante, en passant par toutes les strates intermédiaires. Les femmes ne sont pas les seules à connaître cette gamme d’intensité. Arrêtons de prêter aux hommes un fonctionnement de métronome !

Et puis, si l’éjaculation était synonyme de jouissance, pourquoi s’encombreraient-ils de partenaires quand la masturbation leur évite tous les aléas de la rencontre ?

 Extrait de "La sexualité décomplexée", de Catherine Blanc, publié chez Flammarion, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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