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Jamais le monde n’avait connu une telle période d’expansion économique.
Jamais le monde n’avait connu une telle période d’expansion économique.
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Fin d'une époque

Alors que les dynamiques démographiques suivent une pente descendante et que les niveaux de productivité diminuent, les éléments qui composent la croissance économique paraissent menacés, dans un environnement contradictoire sur lequel pèse également une forte contrainte écologique.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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  • Jamais le monde n’avait connu une telle période d’expansion économique. Depuis 70 ans, et par vagues successives selon les continents, la croissance économique mondiale a progressé à un rythme proche de 4% en termes annuels.
  • Un développement porté simultanément par l’explosion de la population mondiale, passant de 2.5 milliards d’individus en 1950 à 7.3 milliards à ce jour, et par la forte hausse de la productivité.
  • Pourtant, et moins d’un siècle après le début de cette période d’expansion, l’horizon semble déjà promettre des perspectives différentes.
  • Désormais, entre modification profonde des dynamiques démographiques et inquiétudes sur les niveaux de productivité à venir, les composantes de la croissance économique paraissent menacées, dans un environnement contradictoire sur lequel pèse également une forte contrainte écologique.

Les dynamiques démographiques

Depuis les années 50, le taux de croissance de la population mondiale a contribué pour une large part, soit 48% selon le Mc Kinsey Global Institute, à la hausse de la croissance globale, car une population toujours plus importante délivre une capacité de travail en constante progression. Cependant, ce taux de croissance a déjà été divisé par deux depuis le début des années 60, et les anticipations actuelles laissent entendre qu’une nouvelle division par deux aura lieu lors des 35 prochaines années, passant d’une croissance de plus de 2% au début des années 60 (et après le creux démographique causé par le grand bond en avant chinois visible ci-dessous) à une projection de 0.5% pour l’année 2050.

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De plus, et en raison du vieillissement de la population mondiale, la part de la population active tendra à se réduire, apportant ainsi une plus faible contribution au potentiel de croissance du globe. En effet, alors que la croissance de l’emploi atteignait une moyenne de 1.7% par an au cours des 50 dernières années, ce taux devrait s’afficher à 0.3% pour les 50 prochaines, soit une chute de plus de 80%. C’est-à-dire une perte sèche de potentiel de croissance mondiale de l’ordre de 40%. Soit un véritable bouleversement.

Toujours selon le Mc Kinsey institute, le "pic de l’emploi" devrait ainsi se produire aux alentours de l’année 2050, date à laquelle le nombre de personnes en âge et en capacité de travailler commencera à se réduire, imprimant ainsi une tendance régressive sur la croissance mondiale. Pour certains pays, comme l’Allemagne ou le Japon, le processus est déjà en route, et devrait se généraliser rapidement au sein des pays les plus avancés.

Alors que la croissance mondiale repose sur deux moteurs principaux que sont la démographie et la productivité, il apparaît assez clairement que le premier moteur vient d’être coupé.

L’avenir de la productivité

Sans augmentation de l’offre de travail, l’ensemble du processus du développement économique reposera sur la productivité, et selon le Prix Nobel d’économie Paul Krugman :

"La productivité n’est pas tout, mais à long terme, c’est presque tout. La capacité d’un pays à améliorer son niveau de vie dépend presque entièrement de sa capacité à élever sa production par travailleur". Et en effet, la hausse de la productivité a été la source de 52% de la croissance mondiale au cours des 50 dernières années.

Malgré une baisse notable des gains de productivité depuis la grande crise de 2008, les perspectives restent encourageantes. Ainsi, selon le Mc Kinsey Global Institute, des leviers importants restent à notre disposition.

"Nous estimons qu’il est possible, bien qu’extrêmement difficile, de soutenir le taux annuel de productivité au sein du G19 (et le Nigéria) à un niveau de 4% annuel pour la prochaine décennie".

Une estimation réalisée sur l’état actuel des avancées technologiques. Ainsi, la seule application globale des technologies et méthodes existantes à l’ensemble de la production mondiale permettrait de combler 75% du déficit de croissance pour les 10 prochaines années. Il ne s’agirait, dès lors, que d’un rattrapage de productivité, qui se trouve être à la portée de la main. Pour les pays émergents, ce potentiel de rattrapage atteint 82% de la productivité nécessaire à l’avenir. Les pays les plus avancés ont également une importante marge de manœuvre, avec 55% du potentiel.

A l’échelle mondiale, les 25% restants (soit 1% des 4% estimés) reposent sur les méthodes et technologies qui restent à inventer, soit 18% du total pour les émergents, et 45% pour les plus développés.

Ce n’est qu’à ce prix que la perte de croissance mondiale due à l’extinction du moteur démographique pourra être comblée.

"Des gains de compétitivité plus rapides peuvent compenser les vents contraires de la démographie. Pour le combler entièrement, la croissance de la productivité au cours des 50 prochaines années devra être plus rapide de 80% que le taux, déjà élevé, des 50 dernières années."

C’est ainsi que les gains de productivité permettront de combler la perte démographique :

Part de croissance revenant à la démographie et à la productivité. Et projections. 1969-2064. Source Mc Kinsey

L’essentiel étant de savoir si un tel niveau de croissance reste encore souhaitable.

L’intérêt de la croissance

Si la croissance est considérée comme utile, ce n’est pas non plus tout à fait sans raison. Parce que la croissance économique n’est rien d’autre que le processus par lequel des centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté, notamment au cours des toutes dernières années (800 millions en Chine depuis 2001). Elle est également le processus qui permet l’élévation du niveau de vie des populations. La croissance n’est donc pas une fin en soi, mais le moyen le plus efficace de parvenir à atteindre des objectifs concrets, comme la réduction de la pauvreté, du chômage, et la hausse du niveau de vie.

Dès lors, et s’il apparaît bien que la croissance économique est nécessaire et vitale, de nombreuses "améliorations" sont encore possibles. Et en premier lieu, une croissance plus inclusive, c’est-à-dire une croissance pour tous, dont la distribution de revenus ne revient pas essentiellement aux 0.01% les plus riches. Sans cela, c’est l’intérêt même de la croissance économique qui perd de son sens.

La contrainte écologique

En janvier 2015, la célèbre revue britannique Nature publiait un article de deux universitaires; Christophe Mc Glade et Paul Ekins, révélant que l’utilisation des réserves actuelles en pétrole, gaz et charbon conduirait nécessairement au dépassement de l’engagements pris lors de la conférence de Copenhague de 2009 sur le climat; c’est-à-dire de stabiliser la hausse des températures à un seuil de 2 degrés au-delà de l’ère préindustrielle.

"Nos recherches suggèrent que, globalement, un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80% des réserves de charbon devront restées inutilisées entre 2010 et 2050 afin de respecter l’objectif de 2°C. (…) Nos recherches démontrent que l’instinct des politiques consistant à exploiter rapidement et complètement leurs énergies fossiles territoriales est, en agrégé, en contradiction avec leur engagement relatif à cette limite de température."

De la même façon que pour les inégalités, la croissance économique se devra d’être orientée différemment. (En l’espèce, les recherches de réserves énergétiques sur le continent arctique sont ici clairement dénoncées.).

Les relais et moteurs de croissance ne sont plus un mystère (sauf évidemment en Europe) mais les défis qui attendent les politiques au cours des prochaines années et les prochaines décennies sont nombreux. Faire face au choc démographique, soutien à la productivité, rendre la croissance inclusive et donc plus égalitaire, et, enfin, se contraindre à une croissance à faible émission de CO².

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