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François Hollande
François Hollande
©Reuters

Sondage exclusif CSA-Atlantico

Selon un sondage CSA exclusif pour Atlantico, François Hollande bénéficie d'une crédibilité comparée sensiblement meilleure que celle mesurée en septembre 2014, puisque toutes les personnalités testées reculent nettement, à l’exception notable d’Alain Juppé et de Manuel Valls.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Dans un contexte où la crise économique pèse fortement sur le jugement porté par les Français sur leurs responsables politiques, les personnes interrogées par l’Institut CSA pour Atlantico semblent aujourd’hui de plus en plus sceptiques quant à la capacité des personnalités politiques, quelle que soit leur famille politique, à faire mieux que le Président de la République. Un mois après la défaite de la gauche aux élections départementales, François Hollande jouit même d’une crédibilité comparée sensiblement meilleure que celle mesurée en septembre 2014, puisque toutes les personnalités testées reculent nettement, à l’exception notable d’Alain Juppé et de Manuel Valls. Cette deuxième vague d’enquête annonce par ailleurs un match Sarkozy-Juppé très indécis dans la perspective de la primaire "ouverte" de la droite et du centre en 2016.

Avec un solde positif de 23 points, Alain Juppé apparaît comme la personnalité la plus crédible face à François Hollande, devant Manuel Valls et Nicolas Sarkozy

Chez les sympathisants de gauche, Martine Aubry reste la personnalité la plus crédible devant Manuel Valls

Face à François Hollande, Nicolas Sarkozy devance de peu Alain Juppé auprès des sympathisants de droite…

… mais prend assez nettement l’avantage chez les sympathisants UMP

  • Enfin , la quasi-totalité des sympathisants FN estiment que Marine Le Pen ferait mieux que François Hollande

Alain Juppé, personnalité la plus crédible face à François Hollande

Avec un indice positif de 23 points (en baisse d’un point), Alain Juppé apparaît comme la personnalité la plus crédible face au Président de la République devant Manuel Valls (indice de +12, en baisse de 4 points) et Nicolas Sarkozy (indice de +5, en baisse de 10 points). Seuls François Fillon (indice de +2, en baisse de 7 points) et François Bayrou (indice de +1, en baisse de 10 points) parviennent ensuite à obtenir un indice de crédibilité positif. Par rapport à la première vague, Martine Aubry est l’unique personnalité dont l’indice bascule du positif au négatif (-8 contre +6 en 2014) tandis que toutes les autres personnalités politiques testées récoltent à nouveau un solde négatif. C’est notamment le cas à gauche avec Ségolène Royal (-14), Arnaud Montebourg (-14), Jean-Luc Mélenchon (-31) et Cécile Duflot (-38). Mais c’est aussi le cas à droite avec Bruno Le Maire (-7), Xavier Bertrand (-16) et Nicolas Dupont-Aignan (-22). Enfin, Marine Le Pen apparait elle aussi moins crédible pour la fonction présidentielle qu’en septembre dernier : si 30% des Français estiment qu’elle ferait mieux que François Hollande, 41% expriment une opinion inverse, soit un indice négatif de -11 (en baisse de 7 points).

Un match Sarkozy-Juppé très indécis pour la primaire "ouverte"

Lorsque l’on s’intéresse aux résultats auprès des sympathisants de droite, plusieurs personnalités se distinguent très nettement par rapport à François Hollande : Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon mais aussi Bruno Le Maire. Fort de son élection à la tête de l’UMP en novembre dernier, Nicolas Sarkozy apparaît plus que jamais comme le candidat naturel de la droite pour 2017 : huit sympathisants de droite sur dix estiment qu’il ferait mieux que l’actuel pensionnaire de l’Elysée (soit un indice positif de +75). Mais face à lui, Alain Juppé attire depuis plusieurs mois l’attention de ces mêmes sympathisants dont les trois quarts estiment qu’il ferait mieux que François Hollande (75%, pour un indice positif de +72). Plus loin derrière eux, François Fillon semble peu à peu perdre du terrain (+47, en baisse de 12 points par rapport à 2014) tandis que Bruno Le Maire capitalise sur son bon score obtenu à l’occasion de l’élection pour la Présidence de l’UMP (+38; en hausse de 11 points). Le duel qui se dessinait à droite ces derniers mois semble donc bien prendre forme à l’approche de la primaire "ouverte" de 2016. Notons d’ailleurs qu’auprès des seuls sympathisants de l’UMP, Nicolas Sarkozy conserve un fort ascendant : 89% estiment que ce dernier ferait un meilleur Président de la République que François Hollande, contre 78% pour Alain Juppé. Marine Le Pen fait quant à elle le plein de soutiens auprès des sympathisants du Front national : 91% estiment qu’elle ferait mieux que François Hollande (indice de +89).

Manuel Valls, le seul à enregistrer un indice qui progresse auprès des sympathisants de gauche

Auprès des sympathisants de gauche, les résultats sont intéressants. François  Hollande fait face à une impopularité auprès de l'ensemble de la population mais aussi sur sa gauche. Si d'autres personnalités de gauche font mieux, ce n'est pas évident pour bon nombre d'entre elles, notamment Ségolène Royale, Arnaud Montebourg ou encore Cécile Duflot. Cet élément de nuance est important. A gauche, il est intéressant de voir qui sont les deux personnalités qui bénéficient d'un indice de crédibilité positif. L'indice de crédibilité de Martine Aubry est de +16 mais elle perd 13 points dans le même temps. Manuel Valls quant à lui enregistre un indice de crédibilité positif et progresse même par rapport à la précédente enquête. Manuel Valls commence à gagner ses galons d'hommes d'Etat aux yeux des Français et les événements du 7 janvier y sont pour quelque chose. Tout en étant distancé par Martine Aubry, Manuel Valls est le seul à enregistrer un indice positif et qui progresse au cours des derniers mois. Il confirme sa présidentiabilité.

Atlantico : Selon un sondage CSA pour Atlantico la personnalité qui parait le plus crédible face à François Hollande auprès de l'ensemble des Français est Alain Juppé qui reste en tête relativement à septembre 2014. Si le classement reste sensiblement le même, comment expliquer la perte de crédibilité générale des politiques ?

Yves-Marie Cann : Cela illustre la stature présentielle qu'a retrouvé François Hollande après les attentats de début janvier. Au moins auprès d'une partie des Français car les sympathisants de la droite et de l'extrême droite restent défiants. Les enquêtes d'opinion après le 7 janvier l'ont montré, la majorité des Français estimait que François Hollande avait été à la hauteur des événements. Il le doit beaucoup aux événements de janvier, il n'y a pas aujourd'hui dans l'actualité récente d'autres éléments qui pourraient l'expliquer. D'autant plus que du point de vue économique et social, si les indicateurs devraient s'améliorer, c'est encore trop fragile pour constater un effet sur l'opinion.

Ce regain de crédibilité de François Hollande se traduit par une baisse de crédibilité des autres personnalités. On constate effectivement que Nicolas Sarkozy baisse de dix points par rapport à septembre 2014, tout comme François Bayrou.

La seule personne qui échappe à cette érosion en matière de crédibilité et qui ne perd qu'un point relativement au dernier baromètre de septembre de 2014, c'est Alain Juppé. Il conforte sa crédibilité et creuse l'écart avec les autres personnalités. Il y a plusieurs raisons à cela. Alain Juppé revient régulièrement comme étant la personnalité politique préférée des Français. Sa popularité est élevée dans une proportion assez significative chez les sympathisants de gauche.

Et il bénéficie d'une certaine crédibilité face à François Hollande chez les sympathisants de gauche même si son indice de crédibilité est négatif, 21% des sympathisants de gauche pensent qu'Alain Juppé ferait mieux que François Hollande alors qu'ils ne sont que 8% à le penser pour Nicolas Sarkozy. Alain Juppé est moins clivant l'ancien président de la République et prend l'ascendant même sur l'indice de crédibilité présidentielle. Là où la popularité renvoie essentiellement à l'image, la crédibilité comparée, renvoie plus à l'expérience, à la stature d'homme ou de femme d'Etat. Ces enquêtes sont par nature plus dures que les questions de popularité, ce qui explique les différentiels avec les autres enquêtes d'image.

Bruno Cautrès : Effectivement le sondage CSA ne montre pas, sur l’ensemble des Français, qu’un candidat ou une personnalité politique se détache nettement des autres. Si l’on retrouve bien que le trio Alain Juppé, Manuel Valls, Nicolas Sarkozy occupe le devant de la scène en termes de ce que CSA appelle le "solde positif" (% d’opinions "ferait mieux" moins % d’opinions "ferait moins bien"), ce qui frappe c’est qu’à la fois les réponses "ferait mieux" ne sont pas écrasantes contre François Hollande et que les réponses "ne ferait ni mieux, ni moins bien" sont très fréquentes. Ainsi 49% des personnes interrogées indiquent qu’Alain Juppé ne ferait "ni mieux, ni moins bien" que François Hollande, un pourcentage identique parmi les électeurs de gauche. Même parmi les sympathisants de droite 22% ont cette opinion, sans doute nourrie par le soutien à Nicolas Sarkozy dans le camp des sympathisants de droite et surtout de l’UMP. Il est tout à fait frappant de constater que parmi les sympathisants de gauche, tout le monde dévisse par rapport à la même enquête réalisée en septembre 2014, à l’exception de Manuel Valls sont le "solde positif" s’est renforcé. Ces indicateurs illustrent une fois de plus le relatif désarroi des Français face à l’offre des candidats ; au cours des 20 ou 30 dernières années les Français ont vu les majorités se succéder, ont expérimenté trois cohabitations, alors que les grands problèmes (chômage, inégalités, formation des jeunes, etc..) sont toujours là ; il y a également un insuffisant renouvellement des personnalités ; certaines personnalités sont sur nos écrans de télé depuis….des décennies.

Si 30% de personnes interrogées pense que Marine Le Pen ferait que François Hollande, elle fait face à une forte opposition. Quelles conclusions en tirer dans la perspective d'une élection présidentielle ? 

Yves-Marie Cann : Marine Le Pen est celle qui de toutes les personnalités testées clive le pus. 30% des personnes interrogées estiment qu'elles feraient mieux que François Hollande, c'est un résultat important. Si l'on ne prenait que cet aspect en compte, elle se classerait en 3e position derrière Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Mais la difficulté est qu'elle est aussi celle qui recueille le plus de personnes qui estiment qu'elle ferait moins bien que François Hollande (41%). La Difficulté pour Marine Le Pen est tout en ayant un socle de soutien, elle doit faire face à une opposition très forte auprès de personnes qui pensent qu'elle ferait moins bien que François Hollande. Au-delà du positionnement politique sa crédibilité ne lui permettrait pas de constituer une majorité de second tour. Elle se heurterait à ce que l'on appelle le plafond de verre.

Bruno Cautrès : Le sondage de CSA confirme la situation politique paradoxale de Marine Le Pen : en terme de jugement positif ("ferait mieux" que François Hollande et sur l’ensemble des français) elle arrive en troisième position derrière Alain Juppé puis Nicolas Sarkozy ; en revanche d’une part elle marque le pas parmi les sympathisants de droite (29%) ou de l’UMP (28%) et d’autre part les jugements négatifs sont plus forts pour elle que les jugements indécis : ainsi 41% de l’ensemble des répondants estiment qu’elle ferait "moins bien" que François Hollande, un pourcentage qui descend à peine chez les sympathisants de droite (37%) ou de l’UMP (35%) et qui grimpe à 79% chez les sympathisants de gauche. On voit donc que la marge de progression de Marine Le Pen est plus difficile que celle de ses principaux rivaux à la présidentielle.

Globalement y a-t-il une différence gauche/droite ?

Yves-Marie Cann : On constate effectivement une différence des indices de crédibilité entre les personnalités de gauche et les personnalités de droite en raison de logiques partisanes. Les sympathisants de droite estiment qu'une personnalité de leur camp, quelle qu'elle soit,  ferait mieux que François Hollande. Les sympathisants de gauche sont forcément plus nuancés, si Manuel Valls et Martine Aubry connaissent des indices de crédibilité positifs (respectivement +13 et +16), cela reste sans commune mesure par rapport à l'indice de crédibilité des personnalités de droite auprès de leurs sympathisants (+75 pour Nicolas Sarkozy et + 72 pour Alain Juppé). La différence de niveau s'explique par cette logique d'opposition partisane. 

Bruno Cautrès : Oui bien sûr ; le paradoxe est bien connu : on voudrait à la fois que la gauche et la droite s’entendent sur les grands problèmes (et il y a là un thème que l’on ne pourra éliminer d’un revers de la main dans les prochaines années) et que chacune défendent ses couleurs. On voit néanmoins dans l’enquête CSA que deux personnalités parviennent à se glisser dans les opinions positives du camp d’en face : Alain Juppé dont 21% des sympathisants de gauche disent qu’il "ferait mieux" que François Hollande et Manuel Valls dont 39% des sympathisants de droite pensent la même chose.

21% des sympathisants de gauche pensent qu'Alain Juppé ferai mieux que François Hollande à l'Elysée. Qu'est-ce que projettent les sympathisants de gauche sur Alain Juppé ?  A l'inverse Manuel Valls profite-t-il des projections des sympathisants de droite ?

Yves-Marie Cann : Ce résultat est dans la droite ligne de ce que l'on observe en termes de popularité. Comme Alain Juppé est moins clivant, il obtient de bons résultats à gauche ce qui lui permet d'être en tête des baromètres politiques. Cela illustre aussi sa stature d'homme d'Etat et les sympathisants de gauche le reconnaissent aussi. Dans les sondages sur les intentions de vote à la présidentielle, une partie d'anciens électeurs de gauche et d'anciens électeurs de François Hollande ont estimé qu'ils pourraient voter pour Alain Juppé s'il était candidat à la prochaine élection présidentielle. Alain Juppé bénéficie d'un pouvoir d'attraction auprès d'une partie des sympathisants de gauche, déçus d'une partie des résultats de François Hollande sur l'économie et le social et déçus de la façon dont il exerce sa fonction. Et ils reconnaissent à Alain Juppé une expérience et une stature d'homme d'Etat : ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères à deux reprises.

Manuel Valls apparait a contrario comme la personnalité de gauche la plus crédible aux yeux des sympathisants de droite. Il illustre en creux le rejet dont pâti François Hollande auprès des sympathisants de droite. Manuel Valls offre une posture qui est davantage en résonnance avec ce qu'ils attendent. Les prises de position très fermes de Manuel Valls jouent sur les défenses des valeurs de la République et ses positions économiques -que certains qualifient de social-libérales alors que lui se veut être un social- démocrate- peuvent séduire à droite. Son passage place Beauvau a pu séduire une partie des sympathisant de droite. Au début des années 2000, Nicolas Sarkozy avait commencé à construire sa popularité et  sa stature d'homme d'Etat en investissant des thématiques, chères aux sympathisantes de droite, comme la lutte contre l'insécurité. Avec le succès qu'on lui connait jusqu'à assumer la plus haute responsabilité de l'Etat.  

Bruno Cautrès : En ce qui concerne Alain Juppé et les sympathisants de gauche, cela correspond à un triple phénomène : d’une part et avant tout la gauche est un peu déboussolée par le quinquennat de François Hollande dont l’action continue d’être une énigme pour nombre de ses électeurs de 2012 ; et la gauche ne parvient pas bien à voir quel candidat de substitution pourrait émerger pour 2017 en dehors de François Hollande ; d’autre part, Alain Juppé a su très habilement occuper un créneau politique de néo-gaulliste-centriste compatible avec certaines des valeurs auxquelles le centre-gauche et la gauche sont attachées : l’action de l’Etat, le compromis sur le modèle social, ses prises de position contre le FN et son positionnement centriste sur l’intégration et l’immigration ; enfin, Alain Juppé apparait aux sympathisants de la gauche comme un moindre mal et une "valeur refuge" face à l’éventuel retour à l’Elysée de Nicolas Sarkozy.  Il faut néanmoins remarquer que c’est bien davantage auprès des sympathisants ou électeurs de centre et de centre-droit (Modem et UDI) qu’Alain Juppé séduit que parmi les sympathisants de gauche ou de centre-gauche. En ce qui concerne Manuel Valls, son positionnement de briseur des codes de la gauche, ses postures d’une autorité verticale, sa tendance de longue date à s’impliquer sur les questions de sécurité intérieure peuvent effectivement intéresser certaines catégories des sympathisants de droite.

Si l'indice de crédibilité d'Alain Juppé est le plus élevé parmi l'ensemble des Français, cela en fait-il pour autant le favoris de la présidentielle ?

Bruno Cautrès : Non, je ne crois pas qu’il soit possible deux ans avant l’élection présidentielle de 2017 de tirer des conclusions définitives ; on ne sait pas encore qui seront les candidats et combien de candidats seront sur la ligne de départ. La grande question est de savoir si la popularité sondagière d’Alain Juppé va résister au temps. Cela va aussi dépendre de l’habilité de Nicolas Sarkozy à se "réinventer" en nouveau Sarkozy, moins clivant vis-à-vis des sympathisants de centre-droit : exercice difficile pour lui que d’incarner à la fois le Sarkozy "énergétique" que les sympathisants de l’UMP portent aux nues et le "nouveau Sarkozy" qui a gagné en sagesse. Néanmoins, plus l’échéance va se rapprocher et plus les électeurs du centre et du centre-gauche vont vouloir savoir les propositions concrètes d’Alain Juppé ; et il n’est pas impossible que lorsque celui-ci va devoir, notamment au moment de la campagne interne à la primaire, dévoiler ses propositions, les électeurs de gauche et de centre-gauche (re)découvrent qu’Alain Juppé est de droite, ce dont il ne s’est jamais caché d’ailleurs. Il va bien lui falloir se positionner sur le plan d’économies budgétaires de 100 milliards d’euros. Et comment va t’il se positionner vis-à-vis des positions très clivantes de François Fillon ? Pour Alain Juppé, comme pour Nicolas Sarkozy, l’essentiel est donc remporter la primaire et ensuite de plonger dans un combat contre la gauche et le FN à la fois, une partie qui est loin d’être évidente. Le sondage CSA montre en tout cas que le duel Sarkozy-Juppé aura bien lieu et que les autres candidats de la primaire (malgré les scores de crédibilité face à François Hollande honorables que réalisent François Fillon et Bruno Le Maire parmi leurs sympathisants) seront plutôt des candidatures prenant date pour Bruno Le Maire ou de conviction mais sans perspective de gain pour François Fillon. Je remarque que parmi les sympathisants de droite et parmi ceux de l’UMP seulement, Nicolas Sarkozy devance en crédibilité (face à François Hollande) Alain Juppé et surtout que le nombre de sympathisants déclarant qu’il ne "ferait ni mieux ni moins bien" est nettement plus faible que pour Alain Juppé. C’est seulement sur l’ensemble des répondants qu’Alain Juppé devance Nicolas Sarkozy et clive moins que lui, car sur l’ensemble des répondants on trouve les centristes et les franges des sympathisants de gauche qui préfèrent Alain Juppé à l’ancien président.

Yves-Marie Cann : L'avantage dont bénéficie Alain Juppé dans l'enquête est un avantage stratégique. Mais il ne faut pas oublier l'écueil de la première étape : il ne s'agit pas de convaincre une majorité de Français mais les électeurs de la droite et du centre. Les sympathisants UMP et les adhérents pèseront très lourds relativement à ceux du centre dans cette primaire. L'enjeu pour Alain Juppé est de travailler la cible des adhérents et des sympathisants de l'UMP qui peuvent lui préférer Nicolas Sarkozy. 

Compte-tenu du processus de désignation d'un candidat à la présidentielle, les sondages réalisés sur l'ensemble des Français peuvent-ils être trompeurs ? 

Bruno Cautrès : Il va falloir, plus jamais, prendre beaucoup de précautions pour correctement interpréter les sondages sur la primaire et sur la présidentielle. Ainsi, l’enquête que nous commentons ici mesure "qui ferait mieux que Hollande" (et porte sur tous les français) ce qui ne veut pas dire l’intention de vote, la popularité ou les traits d’images que les répondants accordent aux personnalités politiques. De même, il va falloir faire attention aux populations que les sondages représentent : tous les français ou alors les sympathisants de gauche, de droite, du FN, ou encore ceux qui ont l’intention de voter à la primaire. Enfin, on ne connait pas très bien cette dernière population et ses contours. Et évidemment, une enquête qui vise (comme ici) à représenter toute la population peut donner une avance à Alain Juppé compte-tenu des éléments que nous avons indiqués plus haut (sa relative popularité auprès des sympathisants de gauche ou de centre-gauche).

Quels sont les autres biais que peuvent représenter ces sondages et comment les interpréter ?

Bruno Cautrès : Comme toute enquête qui procède par la réponse à un questionnaire, les mesures recueillies sont déclaratives ; par ailleurs, les réponses peuvent évoluer et c’est pour cela que deux ans à l’avance on ne peut sérieusement évoquer qu’untel est favori ou que "l’élection est pliée". C’est pour cela qu’il faut développer des "baromètres" ou des panels qui analysent les dynamiques dans le temps. Il faut aussi être attentif à ne comparer que des sondages réalisés selon la même technique : interview par téléphone ou interview par le web par exemple.  De manière plus générale, les techniques d’enquêtes par sondages sont très bien rodées, reposent sur un savoir-faire et sur des grands principes scientifiques que les spécialistes connaissent bien. Elles font également l’objet d’une vigoureuse critique par ceux qui pensent que les sondages politiques sont un dévoiement de la démocratie et que la "voix du peuple" n’est pas dans les sondages. Cette critique des sondages joue un rôle sain dans une démocratie car la réalisation et la publication des sondages  est un enjeu quant à la qualité du débat d’idées et à l’information du public. En tant que chercheur utilisateur et producteur de données d’enquêtes et ayant eu l’occasion de nombreuses collaborations avec des sondeurs, je pense que la bonne attitude (qui est d’ailleurs celle du bon sondeur) est d’être constamment vigilant et critique sur ce que nous faisons. Les biais d’échantillon existent, les spécialistes les connaissent bien et toute une gamme de techniques issues d’une branche de la statistique, qu’on appelle la "statistique d’enquête", existe pour faire face à cela à condition que les échantillons et que les protocoles d’enquêtes soient bien faits. Par ailleurs, les sondages politiques et qui produisent des intentions de vote passent devant la Commission des sondages ; les sondeurs adhèrent de leur côté à des codes professionnels et à des syndicats professionnels qui produisent des normes de qualité ; bref, tout ceci ne se fait pas sans un encadrement sérieux. Du côté des commentateurs des sondages, il faut aussi faire preuve de prudence : ne pas commenter d’évolutions ou des différences faibles ou reposant sur de faibles échantillons. J’observe que l’enquête CSA que nous commentons ici fait preuve d’une grande sagesse dans ses documents en indiquant que tel ou tel pourcentage ne doit pas être commenté à cause de ce type de problèmes, une sagesse qu’il faut saluer !

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