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L’islamisme démocratique vu de France : il y a les bons et les mauvais chasseurs...
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Zone franche

L’islamisme d’Ennahda, c’est mieux ou moins bien que l’islamisme du CNT ? Ça dépend de la manière dont on vote à la présidentielle française.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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C’est amusant, la manière dont gauche et droite françaises hésitent encore à se positionner franchement sur la transformation des printemps arabes en automnes islamistes. C’est que ces satanés combattants de la liberté, en refusant d’entrer gentiment dans nos petits cadres binaires, n’aident pas beaucoup à l'élaboration des partitions.

Voyons voir, le Conseil National de Transition (CNT) libyen veut réintroduire la charia et la polygamie dans une ex-dictature semi-laïque, ce qui est une excellente opportunité pour la gauche de taper sur la droite :

Ah elle est belle, votre révolution démocratique ! Les types auxquels vous avez donné un coup de main, eh bien ce sont d’affreux intégristes et on pressent qu’ils seront pires que Kadhafi…
― Comment ça ? Il fallait laisser le Guide suprême massacrer tout le monde à Bengahzi et ne pas s’en mêler ?
― Ben non, mais bon : il fallait juste faire, euh, autrement

Mais la droite prend sa revanche avec la Tunisie, et renvoie la déferlante Ennahda à la figure du camp du progrès :

― Ah, vous nous reprochiez d’être un peu trop proches de Ben Ali, mais vous voyez bien que c’était un moindre mal puisque ce Ghannouchi ne vaut guère mieux que les intégristes libyens. Et en plus, ces islamistes-là vont contaminer les Tunisiens de France !
― N’importe quoi… Ennahda, c’est peut-être un parti islamiste, mais un parti islamiste modéré. Si les électeurs le choisissent dans un cadre démocratique, c’est leur droit…

On attend d’ailleurs avec impatience les réactions circonvolues des uns et des autres aux résultats des législatives égyptiennes ― prévues pour le 28 novembre prochain ―, les Frères musulmans s’apprêtant à marcher dans les traces de leurs cousins tunisiens (car les frères ont des cousins, c’est une affaire de famille).

Punching-ball rhétorique à usage domestique

La France n’ayant pas été impliquée militairement dans la libération de ce pays comme elle a pu l’être en Libye ― et nos liens historiques et culturels étant plus ténus qu’avec la Tunisie ―, on imagine qu’il sera encore plus délicat de se servir de ce scrutin comme punching-ball rhétorique à usage domestique.

De fait, et c’est peut-être la seule vraie leçon à tirer de ce qui se passe dans ces différents pays depuis la gifle (peut-être) donnée à un marchand de quatre-saisons de Sidi-Bouzid il y aura bientôt un an, c’est que nous n’avons pas la moindre influence sur le cours de ces événements.

Nous n’avions pas installé Ben Ali ; nous ne l’avons pas fait sauter. Nous n’avions pas installé Moubarak ; nous ne l’avons pas déboulonné non plus. Et si nous avons effectivement contribué à la chute de Kadhafi (que nous n’avions pas nommé dictateur préalablement, rappelons-le), on subodore que les Libyens s’en seraient débarrassés à la longue ― et au terme d'une terrible et sanglante guerre civile de plusieurs années.

Mais de la condescendance mégalomane de la droite (la France est le phare du monde, elle lui apporte la lumière) au paternalisme culpabilisant de gauche (tout ce qui se produit de mauvais sur la planète découle de nos agissements néfastes), c’est un peu le même nombrilisme ridicule qui prévaut.

Tunisiens, Libyens et Égyptiens font ce qu’ils veulent en dehors de nous et, à tout prendre, ça n’est pas plus mal même si les répartir entre bons et mauvais chasseurs à la manière des Inconnus reste notre passion nationale.

Ah et le déficit budgétaire, pendant ce temps, comment va-t-il ?

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