Comment la gestion de la crise grecque a renvoyé les Grecs pauvres à leur situation des années 1980<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour les 30% les plus pauvres, en Grèce, le niveau de vie est désormais inférieur à celui de 1986. (Un mineur manifestant en illustration).
Pour les 30% les plus pauvres, en Grèce, le niveau de vie est désormais inférieur à celui de 1986. (Un mineur manifestant en illustration).
©Reuters

Retour vers le futur

Pour les 30% les plus pauvres, en Grèce, le niveau de vie est désormais inférieur à celui de 1986. En moins de 7 années, la population a sacrifié 30 ans de hausse de revenus sur l’autel des politiques d’austérité.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 1er janvier 2001, il y a bientôt 15 ans, la Grèce entrait dans la zone euro. Soit une année avant la mise en circulation de la monnaie unique. Pour Valéry Giscard d’Estaing, il s’agit là du péché originel : "L’entrée de la Grèce dans l’euro en 2001 fut une erreur évidente. J’étais contre à l’époque et je l’ai dit. Les Allemands étaient contre eux aussi". Le jugement est ferme et repose sur une notion de mérite, selon cette approche ; les Grecs ne méritaient tout simplement pas d’entrer dans la zone euro. Ils n’avaient pas le niveau, et n’ont fait que profiter du système.

Lire également : La Grèce, l’Europe et la question qui tue : sommes-nous prêts à payer le même prix que les Etats-Unis pour assurer l’unification du continent ?

Mais après 15 années passées dans la machine à laver européenne, la Grèce  en aura "tellement profité" qu’elle se trouve aujourd’hui confrontée à un niveau de PIB inférieur à ce qu’il était en 1999, soit deux années avant la création de l’euro. Mais plus grave encore, la stagnation économique dure ainsi depuis 16 années.

PIB Réel. Grèce. 1995-2014. Source EL.STAT.

En termes nominaux, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, la chute du PIB depuis le second trimestre 2008 atteint 27.48% :

Variation du PIB nominal. T2 2008-T4 2014

La punition austéritaire européenne a donc eu pour résultat de purger l’intégralité des profits économiques dont le pays avait pu bénéficier depuis son entrée dans la communauté monétaire européenne. Une purge qui a un prix, puisque désormais, la dette du pays atteint 174% de son PIB, contre 94% en 2000. La défaite est donc totale pour le pays, mais elle l’est encore plus pour les catégories les plus fragiles de la population.

En effet, il apparaît que les trois premiers déciles de la population grecque, c’est-à-dire les 30% de la population disposant des plus faibles revenus, ont un niveau de vie inférieur aujourd’hui à ce qu’il était en 1986 (niveau de vie comptabilisé en termes réels après impôts)

Evolution des revenus par décile. Grèce. 1974-2011. Source Max Roser (2015) Incomes across the income distribution. Données OCDE

Et les données disponibles s’arrêtent en 2011. C’est-à-dire à un moment où le PIB était encore supérieur de 6 points par rapport à son niveau actuel.

Si la baisse des revenus du pays a été si lourde, cela est notamment la conséquence de l’explosion du taux de chômage en Grèce. Un taux de chômage aujourd’hui encore supérieur à 25%, ce qui, contrairement aux idées reçues, n’est pas une habitude dans le pays depuis les années 80 :

Taux de chômage. Grèce. En %. Source FRED.

Ainsi, en termes de baisse de niveau de vie, et depuis la survenance de la crise, la chute atteint des niveaux spectaculaires :

Baisse de niveau de vie par décile de revenus (en termes réels après impôts depuis 2008). Source Max Roser (2015) Incomes across the income distribution. Données OCDE

L’ironie veut que la baisse proche de 29% pour le décile de revenus le plus fragile, et de 35% pour le décile le plus aisé, conduit à une baisse des inégalités, mais dans une ambiance générale de perte d’un tiers du niveau de vie.

Et cette baisse de revenus explique naturellement l’explosion de la pauvreté dans le pays. Pourtant ; et a priori, le pourcentage de pauvreté n’aurait augmenté que de quelques points, passant de 27.9% en 2008 à 31.1% en 2012. Mais cela est sans compter la baisse du seuil de pauvreté lui-même, car ce seuil se mesure par rapport à un niveau de revenu médian qui s’est lui-même écroulé. Ainsi, selon Une récente étude menée par le Macroeconomic Policy Institute, les pauvres de 2012 ont un niveau de revenu moyen inférieur de 45.2% aux pauvres de 2008. De la même façon, et en conservant les standards de revenus de l’année 2008 ; le taux de pauvreté du pays serait aujourd’hui de 45% de la population, et non de 31.1%.

La mise en place de politiques d’austérité en Grèce ont été aussi inefficaces que nuisibles. Le massacre économique a eu lieu dans le cadre d’une stratégie morale qui visait à "punir" les Grecs, et qui n’aura jamais produit quelque résultat que ce soit. Si le sort de la Grèce au sein de la zone euro reste encore largement incertain, il est utile d’observer que le pays n’a plus rien "à rendre" à la communauté européenne. Il a déjà tout perdu. Et ce n’est pas fini.

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