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Tunisie : "Méfions-nous du discours apaisant qui compare les islamistes tunisiens et turcs..."
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Islam superstar

L'arrivée au pouvoir des islamistes en Tunisie provoque des craintes au sein d'une partie du peuple. La productrice de cinéma tunisienne Dora Bouchoucha pointe l'un des dangers qui guettent selon elle son pays : "l’abandon des libertés dont jouissent les femmes".

Dora Bouchoucha

Dora Bouchoucha

Membre du Comité Pédagogique M.F.D. (Meda Films Development)

Enseignante à l'ISAMM( Institut Supérieur des Arts Multimédias Manouba)-Tunis

Productrice de cinéma.

Fondatrice de Nomadis Image et des ateliers SUD ECRITURE.

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L’arrivée des islamistes en Tunisie était attendue. En revanche, ce qui n’était pas prévu, c’est le raz de marée en faveur du parti Ennadha. Malgré les fraudes qui ont été signalées, et les abus au cours de la campagne, le vote était en faveur des islamistes. Ce vote est une forme de contestation sociale et identitaire plutôt que politique.

La majorité du peuple a voulu envoyer un message fort, celui d’un ras le bol de cette disparité intenable et ce gouffre socio-économique dans un pays de 10 millions d’habitants.

Deux blocs se sont affrontés : les progressistes  perçus comme des anti-religions parce qu’ils demandent la séparation de l’État et de la religion et d’un autre côté les islamistes qui culpabilisent leur électorat en disant que notre religion étant un code social, il n’est pas possible, à moins d’hérésie, de séparer le politique du religieux.

Les militants d’Ennadha ayant été parmi les plus brimés par le régime policier de Ben Ali, ont assis leur légitimité sur la compassion des gens à leur égard et sur leur campagne basée sur le social et l’entraide que le gouvernement précédent utilisait comme argument sans vraiment l’appliquer. La crainte suscitée par le succès électoral des islamistes doit laisser maintenant  la place à une action concertée, dynamique et réaliste de toutes les forces démocratiques tunisiennes.

Tous ceux qui veulent garder la Tunisie libre et ouverte sur l’ensemble du monde  devront prendre la mesure exacte des déceptions et des aspirations de la population et ne pas reproduire les erreurs de certains partis politiques qui ont refusé de s’unir dans un pôle démocratique défendant les mêmes valeurs ce qui aurait évité la dispersion, la multiplication des partis et des listes indépendantes. Les électeurs habitués à un parti unique pendant plus d’un demi siècle, ont été désorientés et ont préféré voter pour Ennadha, le parti le plus connu.

Les démocrates amis de la Tunisie doivent se méfier du discours apaisant consistant à comparer Ennadha au parti AKP au pouvoir en Turquie. La situation est différente, le parti islamiste turc a les mains liées par la Constitution élaborée par Ataturk, constitution farouchement protégée par l’armée et  qui fait de la Turquie un pays laïc.

L’assemblée qui va naitre des élections tunisiennes du 23 octobre aura pour tâche d’élaborer une nouvelle Constitution, le danger qui  nous guette est entre autres l’abandon des libertés dont jouissent les femmes depuis la promulgation du Code du Statut Personnel et une éventuelle application de la Charia, ce qui semble impossible pour un pays qui a eu une législation très avancée dans un environnement traditionnaliste, des libertés individuelles ont été imposées par Bourguiba, autocrate éclairé, malgré cela au fil du temps, elles sont devenues partie intégrante d’une majorité de Tunisiens.

Il faut cesser de voir le monde arabe comme un bloc monolithique, qui réagit comme si le génie national ne s’exerçait pour aucun des pays qui le composent. Chacun a son histoire, sa culture, son modèle de société et l’unité générée par la langue arabe et l’islam n’est pas synonyme d’uniformité et d’unanimité.

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