Immigration : comment fait-on ailleurs dans le monde pour contrôler frontières et flux migratoires ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un migrant à Calais.
Un migrant à Calais.
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Idées d'ailleurs

L'Europe fait face à un afflux incontrôlé de migrants clandestins, dont beaucoup périssent en mer, comme ce fut le cas récemment en mer méditerranée. 400 passagers ont trouvé la mort en tentant de rejoindre l'Italie. Passage en revue de ce qui se fait ailleurs pour faire face au phénomène.

Jean-Christophe Dumont

Jean-Christophe Dumont

Jean-Christophe Dumont est chef de la division des migrations internationales de l'OCDE.

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L’Australie 

Jean-Christophe Dumont : En Australie, qui est une île, les questions d'asiles et d'arrivées de migrants en situation irrégulière sont extrêmement sensibles. Nous ne sommes pas du tout dans les mêmes ordres de grandeurs qu'en Europe mais cela mobilise l'attention du débat public de la même manière. C'est une situation avec laquelle on pourrait dresser des parallèles notamment en matière  d’arrivées maritimes. 

Le système migratoire australien est basé sur l’offre et la demande. C'est un modèle qui a changé récemment en adoptant une politique relativement innovante que l'on appelle un modèle "d'expression d'intérêt". L'ancien modèle était un modèle classique d'installation comme au Canada, ou en Nouvelle Zélande. 

Désormais, le gouvernement va sélectionner en fonction d'une série de critères, des gens qui seront admis à s'installer de façon durable et pérenne indépendamment du fait qu'il y ait une offre de travail. Ce modèle d'expression d'intérêt est intéressant car il se fait en deux étapes où l'on combine la sélection qui est menée par le gouvernement et la sélection qui est menée par les employeurs ou d'autres sponsors. Au cours de la première étape, les candidats à l’immigration expriment leur intérêt. S'ils ont les caractéristiques, les compétences requises, en fonction d'une grille d'un système à points, ils vont être admis à entrer dans ce que l'on appelle un "pool". Divers intervenants peuvent ensuite pêcher dans ce pool, comme le gouvernement lui-même ou un employeur qui recherche une compétence précise. Aucun pays européen ne fonctionne sur ce modèle.

Lire également : SOS clandestins perdus en Méditerranée :  faut-il se résoudre à l’impuissance européenne face à la pression migratoire ?

Les Etats-Unis 

Les système australiens et états-uniens sont strictement différents. Dans le cas des Etats-Unis, ces questions ce sont quelque peu apaisées avec la crise car on a constaté une baisse des entrées des migrants en situation irrégulière à la frontière mexicaine mais cela reste quand même un élément structurant du débat public.

Les Etats-unis connaissent principalement une migration familiale. En termes de proportion de l'immigration légale par rapport à la population totale, la France et les Etats-Unis sont à peu près au même niveau, c’est-à-dire très en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE contrairement à ce que l'on pourrait penser. Les Etats-Unis accueillent environ 1 million d'immigrés par an mais cela représente moins de 0,38% de leur population (pour la France c'est 0,4% de sa population et la moyenne des pays de l'OCDE est de 0,6%). Si l’on constate des similarités entre la France et les Etats-Unis sur les niveaux des flux et leur composition, les systèmes migratoires sont différents. Une grande partie de l'immigration aux Etats-Unis est gérée par des limites numériques ce qui n'est pas le cas en France. 

Le Canada

L'intégration au Canada se passe dans des conditions qui sont plus favorables qu'ailleurs. Notamment en raison du processus de sélection. Forcément, c’est bien plus facile dans un pays où l'on a initialement choisi les gens parce que l'on pensait que ceux-là avaient plus de chances de réussite. Deuxième élément, effectivement le Canada (comme la Suède) a mis en place des dispositifs extrêmement bien élaborés pour les nouveaux arrivants. Par exemple, des cours d'intégration y compris linguistiques en accord avec la première expérience professionnelle des gens. Il y a toute une panoplie d'instruments qui permet d'identifier les compétences de chacun. Au canada, il reste une difficulté, qui est de traduire les compétences sur le marché du travail, avoir des rémunérations comparables aux Canadiens lorsque l’on est un migrant. Là où les Allemands ont mis en place une loi qui oblige les autorités allemandes à répondre dans des délais très courts à toute demande de reconnaissance de qualification et développe une demande d'offres de cours complémentaires dans le cas où les qualifications ne sont pas comparables. 

La Suède 

Au sein de l’UE, il n’existe pas UN seul modèle car la définition de la composition et du volume de l’immigration relève de la souveraineté des Etats membres notamment dans le cas de l'immigration de travail. Il y a donc une grande variété de modèles avec un extrême, la Suède qui est le pays de l’OCDE le plus ouvert. Pour venir travailler en Suède, il faut simplement avoir une offre d'emploi qui respecte les accords de branche. En clair, dont les conditions sont conformes à ces accords en termes de rémunération, de temps travail, etc. mais il n'y a pas de minimum de salaire, de minimum de nombre. Et si l'on veut faire venir sa famille, les conjoints peuvent immédiatement travailler quelles que soient leurs compétences. 

Mais ce modèle très ouvert reçoit finalement très peu de candidats. Pourquoi ? Car il y a très peu de gens qui parlent le suédois. Et ce n'est pas facile pour les employeurs d'aller recruter à l'étranger. D'autre part, il y a en Suède des arrivées de migrants par d'autres canaux, notamment des réfugiés. 

L’Allemagne 

L'Allemagne se trouve dans une position inverse de la France. Compte tenu de la situation économique, l’Allemagne fait tout son possible pour attirer des gens et met nombre de programmes en place pour attirer une immigration qualifiée. L'Allemagne est le pays qui a mis en œuvre la directive européenne de Carte bleue avec les conditions les plus favorables de façon à être le plus attractif possible. Toute une batterie d'instruments de la politique migratoire allemande est aujourd'hui développée. L'Allemagne cherche à attirer encore plus de gens et reçoit beaucoup de réfugiés en provenance de Syrie. 

Espagne et Portugal 

L’Espagne et le Portugal reçoivent peu de candidats légaux à l'immigration, ce qui ne signifie pas qu'ils ne sont pas pour autant soumis à l'arrivée d'immigrés clandestins. Mais un certain nombre de portes qui existaient vers l'Espagne se sont refermées. 

Malgré les instruments de politique européenne, comme la carte bleue, la directive pour les travailleurs saisonniers, les politiques restent définies au niveau national et sont très différentes les unes des autres. 

La Norvège 

La Norvège reçoit principalement des migrants européens attirés par le marché du travail norvégien, notamment par les contions salariales. Les questions d'intégration pour des populations qui viennent travailler ne sont pas du tout les mêmes que pour les réfugiés ou pour les migrants familiaux. Effectivement, c'est un peu le même cas qu'en Suisse où 70% de l'immigration est une migration intra-européenne. Ce n'est pas étonnant que cela se passe mieux. Tous les déterminants facilitent ce processus. 

La Corée 

La Corée connait une forte migration de travailleurs peu qualifiés. Car plus de 95% d'une classe d'âge va faire des études supérieures et  tout le secteur manufacturier coréen manque de mains. Donc il leur faut développer un système de partenariats avec les pays d'origine pour faire venir des travailleurs qui peuvent rester jusqu'à 5 ans et renouveler leur titre. Il y a un deuxième phénomène en Corée, la croissance très forte des mariages internationaux. Justement les jeunes coréennes ayant suivi des études, elles ne veulent pas rester à la campagne et rejoignent les villes. Les hommes qui travaillent notamment dans l'agriculture, ont de moins en moins d'opportunités de mariage et se marient avec des femmes venues du Vietnam, ce qui pose des questions d'intégration des enfants de ces mariages mixtes dans le système scolaire.

Le Japon 

Le Japon reçoit très peu de migrants et a décidé de s'ouvrir très largement sur l'immigration qualifiée. Et comme le canada ils ont un système à point. Le Japon a un plan pluriannuel pour augmenter le nombre d'étudiants étrangers. Ils ont une politique très active pour attirer des talents. Mais ce n'est pas évident quand on ne parle pas japonais.

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