Dette grecque : la raison inavouable qui pousse l’Europe à privilégier les mauvaises décisions depuis 2010<!-- --> | Atlantico.fr
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Depuis 2010, la Grèce vole de crise en crise sans parvenir à une solution viable vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro.
Depuis 2010, la Grèce vole de crise en crise sans parvenir à une solution viable vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro.
©Reuters

Ils sont forts ces banquiers

Depuis 2010, la Grèce vole de crise en crise sans parvenir à une solution viable vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro. Alors que le CIGI dévoile la genèse manquée d’une résolution de la crise grecque dès 2010, le paiement des salaires et des retraites est menacé à partir du 15 avril.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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5années sont passées depuis les premiers soubresauts de la crise grecque. Depuis l’élection de Georgios Papandréou à la fin 2009, l découvertes des irrégularités budgétaires, la défiance des marchés et des partenaires européens, les plans de sauvetage successifs sur le modèle orthodoxe de l’austérité, et l’échec permanent. Car le risque de sortie de la Grèce de la zone euro est encore plus fort aujourd’hui qu’il ne l’était au départ.

Un premier plan de sauvetage qui n’a jamais vu le jour

Dans un rapport de 30 pages publié par le Center for International Governance Innovation (CIGI) , le journaliste et auteur Paul Blustein nous raconte l’histoire ratée du premier plan de sauvetage grec, animé par des protagonistes bien connus, Dominique Strauss Kahn au FMI, Jean Claude Trichet à la tête de la BCE, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pour la zone euro, une histoire faite d’erreurs de jugement et de choix politiques. 

Car l’histoire de la crise grecque intervient à un moment délicat pour le FMI. Dominique Strauss Kahn cherche à redorer le blason d’une institution dont il est le nouveau Président et veut éviter, à tout prix, son exclusion d’un plan de résolution de la crise grecque. Après le désastre argentin du début des années 2000, le Fonds monétaire se doit d’être présent en Europe. Sous la pression d’Angela Merkel, les opposants à l’intervention intra-européenne du FMI cèdent, mais à certaines conditions.

Le FMI ne pourra agir comme il en l’habitude, c’est-à-dire en étant placé face au ministre des finances mais également face à la Banque centrale du pays concerné par le plan de sauvetage. Cette fois ci, la Banque centrale européenne sera placée, non pas en face du FMI (et aux "ordres" de celui-ci) mais à ses côté. C’est-à-dire que les équipes de l’institution de Washington ne pourront prescrire leur traitement qu’à un ministre des finances isolé, et non à sa Banque centrale. Il n’est donc pas question de mettre en cause la politique menée par la BCE et son Président ; Jean Claude Trichet. Les colères de ce dernier, s’opposant à toute solution impliquant une restructuration de la dette grecque, sont clairement documentées par Paul Blustein. Le FMI se soumet alors aux prescriptions de l’orthodoxie européenne, pour pouvoir exister. Ainsi, un plan de renflouement (bailout) est préféré à un plan d’annulation d’une partie de la dette.

Mais les changements  de doctrine opérés par le FMI ne s’arrêtent pas là. Pourtant, depuis la résolution catastrophique du cas argentin et la volonté de ne plus jamais subir un tel échec, les conditions étaient claires. Il n’est pas question de prêter à un Etat dont la solvabilité est clairement menacée. Et pourtant, c’est bien ce qui va avoir lieu en 2010, la règle "argentine" est alors édulcorée pour que le FMI puisse faire partie du programme. Les révélations publiées par le CIGI démontrent alors que certaines équipes du FMI, travaillant dans l’ombre, évoquaient la nécessité d’éponger une grande partie de la dette grecque dès le début de l’année 2010. Leur proposition sera rejetée.

Les plans d’austérité mise en place par la Troïka, et les prévisions qui en découlaient, étaient déjà mises en doute par ces mêmes équipes. Parce que la solvabilité à terme du pays était déjà considérée comme étant plus que douteuse.

C’est ce que révèle également la déclaration du représentant du Brésil au FMI ; Paulo Nogueira Batista, lors du vote du plan en question :

"Ce programme pourrait ne pas être considéré comme une opération de sauvetage de la Grèce, parce qu’elle aura à subir un sérieux ajustement, mais comme un plan de sauvetage des créanciers privés de la Grèce, principalement des institutions financières européennes".

Et en effet, il ne peut être occulté que les créanciers "sauvés" en question étaient bien les banques européennes, au premier rang desquelles, les françaises et les allemandes. Mais Blustein ne tombe pas dans le piège de l’accusation directe et gratuite. Reste les faits.

Le retour de la fée confiance

Le refus européen de considérer un allègement précoce de la dette grecque a empêché une résolution rapide de la situation. En faisant "comme si" l’austérité allait fonctionner, la Troïka a plongé l’économie grecque dans une spirale de chute de son PIB, qui rendait tout retour ultérieur à meilleure fortune impossible. Cette doctrine, folle, qui espérait que la confiance allait émerger des coupes claires dans les dépenses publiques, a fait long feu. Ou la légende de la "fée confiance ". La suite des programmes mis en place (en dehors de l’effacement d’une partie de la dette (enfin) en 2012 et qui n’aura été qu’une transition) fonctionnera selon la même logique.

Une logique qui depuis le début se poursuit : prêter à la Grèce alors que celle-ci n’est structurellement pas en état de rembourser. Et empiler. Une telle solution aurait été possible si le pays avait été soutenu par une Banque centrale pragmatique. Selon les standards du FMI. Mais cela, à l’évidence, n’a pas été le cas. L’acceptation du FMI de voir la BCE à ses côtés plutôt que "soumise", a rendu l’exercice mort-né. La doctrine rigoriste de la BCE, appliquée fidèlement par Jean Claude Trichet a fait le reste.

2015 : Les scénarios grecs

5 années plus tard, après la chute de 25% de son PIB et un taux de de chômage de 25%, conséquences directes de la doctrine austéritaire, la Grèce est à nouveau confrontée aux mêmes questions. Et plusieurs scénarios sont sur la table.

Le premier est une poursuite du plan de sauvetage selon les termes actuels, c’est-à-dire le renoncement complet de Syriza à ses promesses de campagne. Ce qui entrainera probablement la chute du gouvernement d’Alexis Tsipras et la tenue de nouvelles élections. Le scénario d’un gouvernement suicidaire paraît peu crédible. De plus, une telle solution consisterait à repousser, pour la énième fois, le problème. Sans le résoudre.

Le second consiste en une annulation partielle de la dette grecque. Ce qui est tout aussi improbable au regard de la doctrine européenne actuelle et du précédent qu’elle pourrait générer. L’opposition allemande, notamment au travers du parti AFD (Alternative fur Deutschland), prospère largement sur l’idée d’une Angela Merkel conciliante, trop douce envers le partenaire grec. Un sauvetage de la Grèce aurait donc pour principal effet de faire progresser le sentiment anti-européen en Allemagne.

Le troisième scénario repose sur un défaut des banques du pays, du gouvernement, du contrôle de capitaux, pour finir, sans doute, par une sortie de la Grèce de la zone euro. Ou, de la même façon, une sortie directe du pays de la zone euro. Et ce scénario-là n’est plus aussi farfelu qu’il pouvait l’être au cours des dernières années. La fameuse phrase de Mario Draghi indiquant que "l’euro est irréversible", prononcée en 2012 et source de l’accalmie, serait alors révolue. Et une nouvelle forme de crise de la zone euro pourrait alors démarrer.

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