Or hindou : les milliards du fabuleux trésor des temples indiens convoités par le Premier ministre pour rééquilibrer sa balance commerciale<!-- --> | Atlantico.fr
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Le temple Sree Padmanabhaswamy
Le temple Sree Padmanabhaswamy
©Reuters

Le trésor des Hincadous

En proie à un déficit extérieur très important, l'Inde veut freiner les importations d'or étranger et utiliser celui qui dort dans les sanctuaires.

De l'or à portée de main. Voilà qui ne peut que réjouir l'Inde et son actuel Premier ministre Narendra Modi, arrivé au pouvoir en 2014. Mais ce nationaliste hindou s'est lancé dans un exercice périlleux où l'économie s'affronte avec le religieux. Souhaitant rééquilibrer la balance commerciale de son pays, Modi veut désormais se servir directement dans les temples qui recèlent des quantités énormes de ce métal précieux, surtout depuis la découverte d'un trésor fabuleux en 2011 dans le temple de Shree Siddhivinayak, à Bombay. 

Il y a quelques années, un avocat de la région s'inquiètait des conditions de sécurité du temple et réclamait à la justice d'examiner les salles souterraines de ce vaste édifice. Dans 5 salles, une quantité phénoménale d'or va être retrouvée : des kilos de pièces d'or, des couronnes, des statues, des ornements… Le tout est évalué à plus de 15 milliards d'euros soit environ 1/6ème des réserves d'or de la France. Et cette découverte n'est qu'une partie du patrimoine indien, hérité des grandes années des maharajas, symboles au début du 20ème siècle du luxe et de la richesse.Malgré le caractère sacré de ces richesses, le gouvernement indien semble donc déterminer à mettre la main dessus. Selon Reuters, Narendra Modi va lancer dès le mois de mai un plan pour encourager les propriétaires des temples à léguer leur or, en échange de quoi ils toucheront des intérêts.



Car malgré les inégalités énormes, le pays est entré de plain-pied dans la mondialisation et affiche des scores de croissance à faire pâlir n'importe quelle puissance européenne : 8% sont attendus pour 2015. Alors, l'argent n'est pas vraiment un problème. L'urgence est surtout de répondre à la demande en or du pays, leader depuis des dizaines d'années de la consommation de ce métal. Problème, la demande dépasse largement l'offre intérieure et les Indiens sont obligés d'importer depuis l'étranger, créant un déficit commercial énorme pour leur économie. Résultat, la roupie se déprécie car les Indiens préfèrent échanger leurs billets contre le métal. C'est pour cette raison que le gouvernement précédent a fait chuter de près de 25% ses importations d'or, laissant la Chine les dépasser au rang des plus gros consommateurs.

Mais ce blocus ne résout rien et l'importation en contrebande a explosé en quelques mois. Il n'est pas rare qu'un douanier intercepte à l'aéroport des sacs entiers remplis d'or d'une valeur astronomique. Non seulement la peine encourue est bien plus faible que pour n'importe quel autre trafic mais surtout, la contrebande d'or n'est pas moralement condamnée, tant ce métal est vénéré.  "Pour les Indiens, l’or est important. C’est un métal sacré, qui représente la divinité, qui sert à mettre le corps en valeur et à célébrer la vie du ménage", explique le Dr. Devdutt Pattanaik, mythologue, au site internet Goldbroker. Et quand les Indiens viennent à s'en déposséder, c'est évidemment pour faire des dons à Lakshmi, la déesse de la prospérité.



Alors pour fournir les citoyens en or, rien de mieux que celui qui dort dans des temples. L'idée n'est pas nouvelle mais a dû mal à s'imposer. Depuis plusieurs années, la Bank of India tente déjà de convaincre les propriétaires des temples, (souvent des familles royales) de lui confier leur or, y compris celui qui recouvre les toits des bâtiments. Si l'or est déposé dans les caisses de l'Etat, il serait alors fondu et réintroduit sur le marché. "Si nous arrivons à récupérer 10% de cet or, nous n'aurons plus besoin d'en importer pendant deux ans" affirme au India Real Time Haresh Soni, le président de la fédération du commerce de pierres et de minerais indienne. De quoi relancer la roupie et soulager la balance commerciale. Encore faut-il que les fidèles acceptent la manœuvre, ce qui est loin d'être acquis.



L'Etat du Kerala, à l'extrême-sud de l'Inde a d'ores et déjà annoncé son hostilité au projet. "Je ne pense pas que l'administration va s'en sortir avec une telle politique" a affirmé le ministre en chef (qui dirige l'Etat), Oommen Chandy au Financial Express. "Même si le gouvernement dévoilait un tel plan, nous ne le laisserons pas toucher aux richesses des temples sans le consentement des fidèles." Et ceux du temple de Sree Padmanabhaswamy, un des plus riches du pays, sont totalement hostiles à une telle initiative. "Je fais des donations à Dieu, pas à l'Etat" explique l'un d'eux à Reuters.

D'autres Etats sont plus attentifs aux fameux plans mais espèrent surtout que le taux promis suffisamment élevé, au moins 5% d'intérêt. "Nous serions très heureux de mettre notre or en caution" affirme Narendra Murari Rane qui s'occupe de la gérance du temple Siddhivinayak, près de Bombay. Evidemment, dans ce pays où le business est roi, tout se monnaye et chacun attend les propositions du Premier ministre. Si la pratique peut paraître moralement douteuse, il est fort à parier que l'or récupéré dans les temples finira directement… dans les temples.



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