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Des chercheurs de l'Institut fédéral suisse de technologie ont établi une corrélation entre nos traits de personnalités et nos habitudes alimentaires.
Des chercheurs de l'Institut fédéral suisse de technologie ont établi une corrélation entre nos traits de personnalités et nos habitudes alimentaires.
©Reuters

Un petit creux

Des chercheurs de l'Institut fédéral suisse de technologie ont établi une corrélation entre nos traits de personnalités et nos habitudes alimentaires. Parmi les 5 grands traits de personnalité identifiés en psychologie, trois seraient susceptibles de pousser à consommer davantage de nourriture, et pas forcément la plus saine : le degré de conscience ou d'autodiscipline, le névrosisme et l'extraversion.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : des chercheurs de l'Institut fédéral suisse de technologie ont établi une corrélation entre nos traits de personnalités et nos habitudes alimentaires. Parmi les 5 grands traits de personnalité identifiés en psychologie, trois seraient susceptibles de pousser à consommer davantage de nourriture, et pas forcément la plus saine : le degré de conscience ou d'autodiscipline, le névrosisme et l'extraversion.

Catherine Grangeard : Oui, cette recherche montre en tout premier lieu que l’on est bien loin de tout maîtriser dans le domaine de la prévention et le traitement de l’obésité puisque l’on recherche de nouveaux facteurs ayant de l’influence sur la propension à trop se nourrir. En français, on traduira plus par "névrose" que "névrosisme". Ces remarques préliminaires étant posées, voyons les questions…

Un manque de conscience ou de discipline conduirait naturellement les personnes que ce trait de personnalité caractérise à manger de manière impulsive. Par quelles habitudes, et par quelle relation à la nourriture cela se manifeste-t-il ? La surconsommation serait donc liée à une forme d'irresponsabilité innée ?

Je ne sais pas si on peut parler d’irresponsabilité ou plutôt des conséquences que les traits de caractère entraînent inéluctablement. Il est montré que prendre conscience de quelque chose a des effets, ce qui semble encore évident. C’est bien pour cela que l’on passe beaucoup de temps à éduquer. C’est pour cela qu’il y a dans le domaine de la santé des campagnes de prévention. Ainsi l’impulsivité innée est, en partie, freinée. Mais plus forte était la propension à l’impulsivité et moins le résultat est notable. Vous voyez que la prévention, par exemple, pourra tirer des conclusions de cette étude. Peut-on effectivement se contenter d’un seul message alors que les personnalités sont multiples ? Il s’agit de "limiter la casse", en fait. Pour contrecarrer ce qui est inné et donner des résultats pathogènes, l’acquis peut intervenir. Par exemple, en thérapie, il va de soi que le but recherché est celui-ci. On ne modifie pas l’inné mais l’acquis permet d’en éviter quelques désagréments. On ne peut lutter que contre ce que l’on connait, ainsi faire passer de l’inconscient au conscient démine une partie de l’effet.

Les personnalités névrotiques  mangeraient des aliments riches en calories pour combler leurs émotions négatives, explique l'étude. Qui sont ces personnes, et pouvez-vous nous éclairer sur cette fonction palliative de la nourriture riche et sucrée ?

Il est maintenant très connu que la nourriture peut permettre de compenser, de trouver des satisfactions immédiates lorsqu’est ressentie une insatisfaction insupportable. Ceci pour tous et plus encore pour certaines personnes… La névrose, pour aller vite, c’est un conflit intrapsychique entre deux motions opposées. C’est bien inconfortable puisque la personne ressent deux désirs opposés. C’est une double contrainte interne, donc elle peut difficilement s’en échapper. Il lui faut trouver des solutions. Ces solutions ne seront que temporaires puisque le conflit est en elle. Vous voyez le tableau ! Lorsque la névrose est importante, c’est vraiment intenable. Il n’y a pas d’altération majeure du contact avec la réalité. Ainsi les personnes savent bien que ce qu’elles font n’est pas génial mais elles ne peuvent pas se retenir. D’où cette idée de fonction « palliative », elles ne se leurrent pas. Elles cherchent un apaisement. La nourriture en remplissant l’estomac remplit cette mission. Pour se changer la tête, certains consomment de l’alcool qui modifie la conscience, c’est exactement le même principe pour les aliments, seuls les effets diffèrent puisque les principes actifs ont des effets différents sur l’organisme. Nous sommes tous un peu névrosés, ça ne pose problème que lorsque l’intensité exigée par les causes mène à des excès par rapport à ce que peut digérer l’organisme.

L'extraversion, qui est un trait de personnalité a priori positif, s'accompagnerait elle aussi d'une plus forte propension à la consommation de nourriture ? Pourquoi ?

Etre extraverti, c’est aimer la convivialité, c’est naturellement être toujours un peu du côté du trop… Vous voyez, ainsi, que tout à fait logiquement cela mène à d’autres comportements qu’une personne qui aurait un caractère très réservé… Aimer faire la fête mène souvent à des excès que ne connaissent pas les couche-tôt. L’inverse est tout aussi vrai ! Chaque trait de personnalité a ses avantages et ses inconvénients, en fait. C’est l’hubris , la démesure, qui est à craindre et donc à tempérer. Ce sont les extrêmes qui comportent des dangers. La démesure de ceux qui mesurent trop tout, également ! L’hubris a pour conséquence la destruction. C’est vrai pour les civilisations comme pour les individus. Pour l’extraverti, il lui est plus compliqué de se mesurer que pour un introverti qui possède dans ses traits de caractère naturellement le fait de se limiter, tout autant son territoire que l’envergure de ses déploiements. On pourrait dire que chaque pièce a son envers et son endroit, que les deux faces de la médaille coexistent. Est-on extraverti en toutes circonstances ? Quelles sont celles qui font vraiment « perdre les pédales » ? Autant de questions fondamentales pour que la personne ne se mette pas en zones de danger trop souvent, trop intensément. Le plaisir immédiat pouvant mener à des désastres sur du long terme, par exemple.

Même si d'autres facteurs sociaux ou physiques entrent en ligne de mire, en quoi le fait de savoir que les mauvaises habitudes alimentaires et le surpoids sont aussi le fait de traits psychologiques innés peut-il aider à lutter contre ?

"Savoir, c’est pouvoir" disent certains. Ce n’est pas si simple bien sûr, mais savoir, c’est déjà une partie de la solution. On ne peut pas facilement agir sur certains facteurs biologiques, sociaux, mais alors si on peut intervenir sur d’autres, en notre pouvoir, c’est déjà un moyen pour ne pas être objet des circonstances et sombrer dans la fatalité.Les données psychologiques peuvent se corriger, s’atténuer. Entre l’impuissance et la toute- puissance, il y a de la marge. C’est sur ce terrain qu’il est possible de reprendre du pouvoir. Que ce soit à titre individuel ou collectif, les marges de manœuvre dépendent des diagnostics. On peut effectivement se méfier de soi-même si l’on sait que dans tel type de circonstances, on est plus assujetti à ses penchants innés que dans d’autres. Il n’est peut-être pas indispensable de tenter le diable… Quand on a repéré ses zones de fragilités, il est possible de se méfier et de mieux trouver des parades. Le danger quand il est repéré est moins puissant. Ce qui est valable dans d’autres domaines de la vie, l’est tout autant dans celui du rapport à l’alimentation…

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