33 candidatures officialisées à France Télévisions : et maintenant le CSA dans l'usine à gaz des règles de désignation<!-- --> | Atlantico.fr
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33 candidatures ont été reçues par le CSA, seules 11 ont été rendues public.
33 candidatures ont été reçues par le CSA, seules 11 ont été rendues public.
©Reuters

En coulisse

Si 33 candidatures ont été reçues par le CSA, seules 11 ont été rendues public. Signe d'une opacité dans le processus de nomination pour la présidence de France Télévisions.

Francis Tellé

Francis Tellé

Francis Tellé écrit sous pseudonyme et travaille dans les médias depuis une dizaine d'années. Bien informé sur les coulisses de la nomination du futur Président de France Télévisions, il détricote les stratégies d'influence mises en place en coulisse par les nombreux impétrants.

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La campagne pour la présidence de France Télévisions vient de prendre un nouvel élan avec l’officialisation de 33 candidatures reçues par le CSA. Seuls 11 candidats ont rendu public leurs candidatures : 

  • Rémy Pfimlin, président sortant, qui, en se représentant, tient surtout à assumer et à défendre son bilan malgré deux faiblesses majeures qui pourraient lui coûter sa reconduction : sa proximité historique avec la droite (Sarkozy l’a nommé et il était conseillé par la tristement célèbre agence Bygmalion, tenue par les proches de Copé) ainsi que les deux rapports du CSA et de Marc Schwartz qui ont tiré à boulets rouges sur sa présidence.

  • Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (RFI, France 24) que nous annoncions comme favorite de l’Elysée.

  • Christophe Beaux, haut fonctionnaire et PDG de la Monnaie de Paris, déjà administrateur de France Télévisions, qui ne souhaite pas communiquer sur son "programme" pour le moment.  

  • Didier Quillot, ancien dirigeant d’Orange France et de Lagardère Active, qui aimerait faire valoir son expérience d'entreprises publiques et privées, puis de médias, pour convaincre le CSA.

  • Alexandre Michelin, ancien de Paris Première et actuellement en poste chez Microsoft, qui a le mérite d’avoir été le premier à avoir rendu publique sa candidature.

  • Emmanuel Gout, ancien de Canal + Italie et actuellement à la tête d’un parc d’attractions centré sur le cinéma, au sud de Rome, qui a le mal du pays et qui se verrait bien rentrer en France par la grande porte.

  • Eric Garandeau, ancien administrateur de France Télévisions, ex conseiller Culture de Nicolas Sarkozy (ce qui ne lui rendra pas forcément service), aujourd’hui conseiller de François-Henri Pinault chez Kering, mais surtout ancien président du CNC.

  • Nacer Kettane, fondateur de chaîne Beur FM, revendue l’année dernière à Serge Dassault.

  • Matthieu Bellinghen, journaliste à France 3 Basse-Normandie, qui ironise sur sa propre candidature sur Twitter, la sachant bien évidemment peu réaliste. 

  • Serge Cimino, journaliste à France 3 et surtout syndicaliste (SNJ) de France Télévisions

  • Cyril Hanouna : une candidature fantaisiste pour truster le Zapping de Canal + et amuser la galerie

Même s’ils ne l’ont pas encore admis publiquement, d’autres candidats ont bien déposé un dossier et font campagne le plus discrètement possible, de peur de devenir à nouveau une cible : 

  • Emmanuel Hoog, l’actuel patron de l’AFP, fabusien historique, qui espérait sûrement pouvoir faire une campagne plus visible, mais c’était sans compter avec la fausse mort de Martin Bouygues, erreur dont il dû endosser immédiatement la responsabilité et qui mobilisa les syndicats de l’Agence contre lui. 

  • Delphine Ernotte-Cunci, directrice France d’Orangeégalement victime des syndicats de France Télévisions, à peine ses intentions connues.

  • Nathalie Collin, plutôt marquée à gauche, ancienne de Libération et de l'Obs, tour à tour remerciée faute de résultats par ses actionnaires, Edouard de Rothschild puis Bergé-Niel-Pigasse

Restent aussi les quasi-certaines candidatures (non démenties) de Cyrille du Peloux, le président du directoire de Véolia, de Patricia Langrand, du groupe Steria, de Pascal Josèphe, ex-directeur de France 2 et France 3 ou de Robin Leproux qui vient tout juste de démissionner du directoire de M6. 

Restent enfin les candidats qui ne sont pas candidats mais qui pourraient quand même l’être (comme Mathieu Gallet en son temps, qui n’était pas officiellement candidat jusqu’à être nommé par le CSA à la tête de Radio France, avec le récent succès qu’on lui connaît…) : citons Denis Olivennes, président de Lagardère Interactive, Guillaume Klossa, directeur de l’UER, Jean-Noël Tronc, président de la SACEM, Rodolphe Belmer, directeur général de Canal Plus et de la branche content de Vivendi, Olivier Gerolami, président du groupe Sud-Ouest, Christopher Baldelli, président du directoire de RTL. 

Ces candidatures ne se valent pas toutes et peut-être même que le futur Président de France Télévisions n’est pas dans cette – trop – longue liste. Et c’est là où le bât blesse. Comment peut-on tolérer une telle opacité dans le processus de nomination organisée par le CSA pour nommer le président d’un groupe public aussi important, doté d’un budget de plus de 2 milliards d’euros ? L’UMP a d’ailleurs réagit, voyant l'opportunité politique qu'une telle situation pouvait représenter. "Nous sommes face à un scandale d’État. Les auditions par le CSA pour la présidence de France Télévisions se font de la manière la plus opaque possible : les candidats ne sont pas connus et les auditions sont à huis clos." répète à l’envi Sébastien Huygues, député de l’opposition. Conscient de ce problème, le CSA a tenu à rappeler dans son dernier communiqué de presse la légalité d’une telle opacité. Ce qui ne la légitime pas pour autant… Nous en avions déjà parlé.

La jurisprudence Mathieu Gallet semble avoir vacciné le CSA qui ne voudra plus rejouer le coup de la surprise. Vraisemblablement, tout porte à croire que les sages devront s’inquiéter de retenir un candidat expérimenté qui ne commettra pas d’erreurs grossières façon Radio France. Comme l’écrit assez justement Véronique Groussard dans l'Obs, le candidat idéal devra savoir gérer les syndicats et être un homme ou une femme de bonne composition, capable de travailler avec la gauche actuellement au pouvoir, la droite si elle revenait aux responsabilités en 2017 et l’État, son autorité de tutelle.

La rumeur persistante, étayée de confidences des proches de Schrameck, laisse entendre qu’une alliance objective entre le gouvernement et le CSA fait œuvre pour promouvoir une femme de gauche à la tête de France Télévisions. Marie-Christine Sarragosse et Nathalie Collin, femmes et de gauche, sans les réduire à cela, ont leur chance. Seuls soucis, et de taille : en nommant Sarragosse, on fragilise France Média Monde (un problème de plus à régler pour le gouvernement) et en nommant Nathalie Collin, on nomme une candidate aux résultats économiques fragiles chez Libération puis chez l'Obs. En témoigne la sortie médiatique du pourtant très discret Edouard de Rothschild, en 2011 : "Le couple Laurent Joffrin-Nathalie Collin a amélioré les contenus et la qualité de Libération mais (...) je (leur) fais un reproche: avoir (...) acheté la paix sociale sans réformer l'entreprise".L'année dernière, rebelote en mars 2014 : à la suite d'une chute des ventes du Nouvel Observateur et en désaccord profond avec les nouveaux actionnaires de l'Obs, Nathalie Collin avait démissionné de la direction de l'hebdomadaire. 

A condition que France Télévisions ne soit pas encore interdit aux hommes, reste aussi l’option initiale, préconisée par un certain nombre de conseillers du CSA : reconduire Pfimlin qu’on sait "sous contrôle" et relativement sans risque médiatique ou syndical. Il assurerait d'ailleurs à ses interlocuteurs pouvoir compter sur les voix de 3 ou 4 Sages "dès le premier tour". Mais pour le CSA, ce non-choix serait comme renoncer à exercer son pouvoir suprême de nomination. Impensable quand on connaît personnellement les femmes et les hommes qui se mettront autour de la table : ils semblent afficher leurs désirs de faire un choix clair et stratégique pour l'avenir de France Télévisions, qui a besoin d'une nouvelle ligne directrice pour affronter les prochaines années qui s'annoncent difficiles (cf. rapport Schwartz). Et sans se faire influencer par les pressions du Château ou de l'air du temps (cf. nomination de Mathieu Gallet, qu'ils regrettent peut-être aujourd'hui, quoique, mais qui s'est faite contre l'avis tacite du gouvernement).  

Enfin, s’ils cherchent des profils de gestionnaires expérimentés, après avoir trié les candidatures qui n’iront pas au bout, citons notamment Robin Leproux qui connaît bien l’audiovisuel privé après ses longs passages chez RTL et M6, Didier Quillot qui prépare sa candidature depuis des mois, Emmanuel Hoog, qui a une très grande expérience après avoir présidé l'AFP et l'INA, ou encore Cyril du Peloux, qui a travaillé dans les médias il y a plus de quinze ans avant de rejoindre le monde industriel (Bull puis Véolia).   

Le CSA devrait maintenant arrêter une liste restreinte de candidatures "acceptables". Combien ? "Plusieurs" avait vaguement répondu Olivier Schrameck, sans plus de précisions. Sur quels critères ? On ne sait pas. Et cette liste ne sera rendue publique qu'à condition qu'aucun candidat pré-selectionné ne s'y soit opposé. Illusoire de vouloir garder secret une telle short-list... Bref, quel foutoir ! La suite au prochain épisode.

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