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On peut rire de tout mais pas avec n’importe quoi... surtout à la télé !
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Dans le secret des dieux

Riche d'une expérience de quinze années passées sur les plus grandes chaînes de télévision, Isabelle Dumas-Pelletier nous entraîne dans un monde dont la perversité est sans limite. Extraits de "Télévision : Dans le secret des dieux et des divas" (2/2).

Isabelle Dumas-Pelletier

Isabelle Dumas-Pelletier

Isabelle Dumas-Pelletier est journaliste. Chroniqueuse judiciaire pour la presse écrite, elle devient par la suite animatrice sur Europe 1 et rédactrice en chef de magazines de société et de divertissements à la télévision.

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La grande différence entre la radio et la télévision, c’est qu’il ne faut pas être un surdoué, pour s’apercevoir qu’à la radio, il n’y a pas d’images. On ne peut pas s’en sortir avec des contre-plongées pittoresques ou des gros plans qui feront illusion. Si l’invité ne souffle pas un mot, on n’entend que ça, ce qui est vraiment une façon de parler car, en vérité, on n’entend rien ! Silence radio, le blanc devient un noir intégral et l’auditeur tapote sur son poste pour vérifier s’il n’est pas en panne. Le drame absolu...

C’est ce qui s’est passé avec le chevalier à la triste figure qui, non content de faire une tête d’enterrement, a fait sa tête de mule. Difficile d’imaginer l’étendue du désarroi qui s’est emparé de votre humble servante devant un tel désastre...

Comment stimuler un Bertrand Blier amorphe, arc-bouté à son mutisme comme une chèvre à son piquet ? À moins d’implorer le Bon Dieu et tous ses saints (et qu’ils prennent votre prière en considération), quel miracle est susceptible de donner la pêche à un Bertrand Blier qui esquisse péniblement un sourire forcé en répondant de façon laconique à des questions censées l’amuser ? Sans compter que le stock de questions n’est pas inépuisable et que l’angoisse monte au fur et à mesure que la réserve s’amenuise. Un cauchemar... Heureusement, il y a les auditeurs qui se précipitent au standard pour donner leur avis. Grâce leur soit rendue, ils n’ont jamais autant parlé...

À l’inverse, parfois, la rigolade est si forte qu’elle dépasse toutes les espérances, surtout quand elle explose dans un contexte totalement inattendu...

Imaginez, Jean-Jacques Beineix, l’incomparable réalisateur de 37°2 le matin (Vous vous souvenez, le film qui commence par une Béatrice Dalle survoltée faisant une « gâterie » buccale à Jean-Luc Anglade...). Beineix, pour peu qu’il soit agacé, il vaut mieux ne pas traîner dans ses pieds. Tout le monde est au courant, il ne mâche pas ses mots, impossible de le confondre avec un joyeux drille qui va amuser la galerie. D’ailleurs, on ne l’invite pas pour jouer les fous du roi mais pour ses coups de gueule bien sentis.

Tout comme Jean-Pierre Mocky qui, lui aussi, ne se gêne pas pour déborder et dérailler. En particulier quand il se retrouve aux côtés de Monique Pantel, émérite critique de cinéma, et qu’il lui balance pour la faire taire et placer son couplet, qu’elle est « intirable ». Ce qui est pour le moins cavalier et pas très élégant... Heureusement, comme la délicieuse Claude Sarraute, Monique Pantel revendique avec humour d’être une vieille dame indigne. Une chance, elle aurait pu se vexer...

Donc, assis à la droite de Jean-Jacques Beineix, Guy Bedos, acide à tendance cynique, comme d’habitude, mais capable aussi de compassion quand une illustre inconnue raconte ses malheurs. Et quels malheurs ! La petite nonne, hors d’âge comme toutes les nonnes, affiche néanmoins une bonne cinquantaine. Un âge relativement respectable et pourtant, elle a été abusée. Elle ne s’en est pas remise (on la comprend !) et a même fondé une association qui regroupe des femmes sexuellement abusées ! Jusque-là, pas de quoi s’étrangler de rire même si sœur sourire, vêtue d’une seyante robe à fleurs, raconte la scène avec vivacité, mimant les postures avec un réalisme troublant. Chacun retient son souffle en se demandant qui a pu, qui a osé....

- C’est mon psychiatre !

La révélation surprend et chacun pense que c’est sur le divan que le sacrilège a eu lieu...

- Pas du tout ! affirme Marie (Pour une sœur, un nom prédestiné !).

Guy Bedos et Beineix, écarlates comme des cynorrhodons (rougeoyants fruits de l’églantier, plus connus sous le nom de gratte-cul...), font des messes basses en se parlant à l’oreille. Que complotent-ils ? Mystère, mais à les voir, ça ne doit pas être triste...

Difficile de demander à la sœurette de se lancer dans une description scabreuse, d’autant que ce n’est absolument pas nécessaire. Imperturbable, elle poursuit le fil de son récit :

- Le docteur m’a demandé de me tourner. Moi, j’ai cru que c’était le traitement, alors je me suis tournée. Après il m’a demandé de m’agenouiller, je me suis dit : si ça peut me soulager, pourquoi pas ? Il a tâté ma colonne vertébrale et mes reins et là... Crac !

Guy Bedos et son acolyte sont au bord de l’apoplexie. Pour donner le change, Bedos lance à tout hasard :

- Et vous avez fait quoi ?

Sans se démonter, la religieuse répond direct :

- J’ai fait ouille !

Un gargouillis improbable s’échappe de la gorge de Guy Bebos immédiatement suivi d’un hoquet étranglé de Beineix. Et malgré leurs efforts surhumains, leurs mains plaquées sur la bouche dans l’espoir d’étouffer les gloussements, c’est le fou rire, irrépressible, contagieux. Les invités et le public se tordent à leur tour.

Guy Bedos répète en boucle à la nonnette :

- Ne nous en voulez pas. Ce n’est pas drôle du tout !

Ce qui ne fait qu’augmenter la liesse générale. Bonne joueuse, la petite sœur, loin d’être choquée, rigole avec tout le monde. Il faut calmer le jeu et suspendre l’audience. Chacun a passé un bon moment. Des enregistrements pareils, on en redemande ! L’euphorie ne va pas durer...

Conciliabule de l’animateur avec la régie. Il s’en doutait, il vient d’en avoir la confirmation : la séquence est indiffusable. Trop de rires, trop de brouhahas, trop de tout ! Il faut recommencer. Clameur du public qui voit l’heure tourner, plaintes des invités qui ont d’autres obligations. Oui, il est tard et alors ? Une bonne soeur violée, ça ne fait pas rire, ça ne peut pas faire rire ! Morale de l’histoire, on peut rire de tout mais pas avec n’importe quoi... surtout à la télé !

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Extraits deTélévision : Dans le secret des dieux et des divas, Jacob-Duvernet (octobre 2011).

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