Procès des mariages chinois bidons : par quel(s) mystère(s) l’ancien maire PS de Tours s’est-il fait berner par une femme d’affaires très entreprenante ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Germain aurait dû comparaître à partir du mardi 7 avril devant le Tribunal correctionnel de Tours pour une affaire de mariages chinois.
Jean Germain aurait dû comparaître à partir du mardi 7 avril devant le Tribunal correctionnel de Tours pour une affaire de mariages chinois.
©Reuters

Business de l'amour

L'ancien maire de Tours Jean Germain a été retrouvé mort ce mardi 7 avril alors qu'il devait comparaître devant le Tribunal correctionnel. L'objet de ce procès : une rocambolesque cérémonie de mariages chinois mise sur pied avec une femme d’affaires taïwanaise. Une activité qui aurait rapporté gros à la dame.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • L’ancien maire (PS) de Tours Jean Germain était renvoyé en correctionnelle pour n’avoir rien vu –ou voulu voir – des agissements d’une de ses anciennes collaboratrices.
  • Initiatrice d’une cérémonie de mariages chinois à Tours, Lise Han, femme d’affaires taïwanaise aurait gagné entre 2008 et 2012 environ 800 000 euros. Ce qu’elle a nié lors de l’instruction.
  • L’ancien édile de Tours, toujours sénateur, criait à la manipulation. Son avocat avait réclamé un non-lieu en sa faveur. En vain.
  • Une certitude : cette affaire a été l’une des causes de la défaite cuisante de Jean Germain aux élections municipales de mars 2014. Après 19 ans de mandat.

A partir du mardi 7 avril, pour une durée de trois jours, l’ancien maire PS de Tours, Jean Germain aurait dû comparaitre devant le Tribunal correctionnel. En effet, il devait justifier des divers avantages qu’il a laissé octroyer à une femme d’affaires taïwanaise, très entreprenante, Lise Han. Il devait dire aussi pourquoi en quelques années, cette dernière, la quarantaine avenante, a pu engranger de substantiels bénéfices. En tout, environ 800 000 euros entre 2008 et 2012. Cette proximité avec cette businesswoman, membre de son cabinet où elle était chargée des relations avec la Chine, avait coûté cher à Jean Germain. D’abord parce qu’il aurait dû rendre des comptes à la justice devant ses anciens électeurs, ce qui n’a rien d’agréable. Ensuite, parce que à cause d’une histoire rocambolesque –l’organisation de mariages chinois bidon-, Jean Germain, en mars 2014, avait été sévèrement éjecté de la municipalité qu’il dirigeait depuis 19 ans. Après avoir succédé au Père la Morale d’alors, Jean Royer, jadis candidat à l’élection présidentielle, qui régnait sur la capitale de la Touraine depuis 1959 ! Dire que tous les malheurs de Jean Germain, qui était toujours sénateur, mais très discret tant au Palais du Luxembourg qu’à Tours, proviennent d’une ancienne vendeuse de produits asiatiques qui avait réussi, d’une certaine façon, à l’embobiner.

Nous sommes en 2007. Jean Germain, maire de Tours depuis 1995, cherche des idées pour promouvoir sa ville. Il en trouve une : ce sera le développement des relations avec la Chine. Excellente idée certes, mais assez courante chez les élus qui souvent, à un moment ou un autre, veulent développer une coopération avec l’empire du Milieu. Que ce soit sur le plan culturel, économique ou scientifique. Pour concrétiser son projet, Jean Germain embauche à son cabinet la fameuse Lise Han installée dans la région depuis une vingtaine d’années. Intitulé du poste : chargée de mission pour les relations France-Chine. Salaire : 3 100 euros par mois. C’est ainsi que la nouvelle chargée de mission met au point une idée originale : faire venir de Chine des couples afin que non seulement ils se marient une seconde fois, mais qu’au cours d’un séjour de deux ou trois jours, ils en profitent pour découvrir les châteaux de la Loire (Villandry, Azay-le-Rideau), les caves de Touraine, les promenades en calèche et les emplettes dans des boutiques de luxe… Une escapade qui doit se terminer en apothéose : la cérémonie du mariage, effectuée par M. le Maire en personne. Lequel remettra aux couples un certificat de mariage bidon que ces derniers pourront fièrement exhiber à leurs amis à leur retour en Chine. Telle est donc la philosophie de ces fameuses "Noces romantiques en Touraine", facturés 3 000 euros. Quand on sait qu’en quatre ans, plus de 2 000 couples chinois participeront à ces agapes, via sa société, Le Lotus Bleu, Lise Han n’était pas dans le besoin. Mais la dame est gourmande. Elle en veut toujours plus. Aussi, parallèlement à son activité de "marieuse", elle en exerce une autre, celle d’organisatrice de manifestions en tout genre qui lui rapportent de coquets revenus supplémentaires. Ainsi, la mise sur pied de la Fête de la Pivoine (sic) à Tours en 2010, lui rapporte 35 000 euros. Une mission d’assistance et de conseil, aux termes vagues, signée avec la municipalité, toujours en 2010, lui fait gagner 107 640 euros. Décidément entreprenante, Lise Han parvient à recevoir 143 520 euros, toujours de la municipalité, pour "L’exportation des Noces romantiques à la mode tourangelle" à la foire de Shangaï qui se déroule de mai à octobre 2010. Au total, pour la seule année 2010, la généreuse ville de Tours aura versé plus de 250 000 euros à la protégée du maire de Tours, Jean Germain.

Ces petits arrangements auraient pu durer longtemps si la presse – notamment Le Canard Enchaîné- alerté par un informateur anonyme n’avait dévoilé l’entourloupe en 2011. Une enquête préliminaire est alors diligentée, suivie d’une information judiciaire confiée à trois juges d’instruction tourangeaux, Olivier Weisphal, Anne-Flore Bouvard et Aude Christau. Cette entrée en piste de la justice inquiète le maire de Tours. Lequel décide illico de se débarrasser de la dame un peu trop voyante à son cabinet. Ouf ! Sauf qu’il l’a transfère dans un autre service où elle va s’occuper des Relations internationales. A priori, pas très habile. Pourquoi cette mutation qui sonne comme une mesure de protection à l’égard de Lise Han ? Quels liens unissent le maire et cette dame ? Pour le savoir, les juges interrogent l’intéressée qui se voit placée en garde vue. D’emblée, elle nie avoir commis la moindre infraction, répète qu’elle a beaucoup travaillé pour la mise en œuvre de ces fameux mariages romantiques et qu’elle ne s’est jamais enrichie.

Or l’enquête de la PJ apporte quelques démentis à ses allégations. Du coup, Lise Han se retrouve sous mandat de dépôt après avoir été mise en examen pour détournement de fonds publics, prise illégale d’intérêt et tentative d’escroquerie. Elle reste trois mois en détention. Son mentor, Jean Germain n’était poursuivi que pour complicité de prise illégale d’intérêt. Les juges, qui s’y sont pris à deux fois pour obtenir la levée de son immunité parlementaire en 2013, ne lui reprochaient pas de s’être servi sur la bête… Mais d’avoir été au minimum très léger, au pis volontairement peu regardant sur les diverses initiatives prises par sa protégée. Car enfin, comment lui édile de la ville depuis plus de dix ans, au moment des faits, pouvait-il ignorer que cette dernière, en étant membre de son cabinet et en passant à ce titre des contrats pour son propre compte, ne commettait-elle par le délit de prise illégale d’intérêt ? "Je ne m’occupais pas d’appel d’offres" dira naïvement, Jean Germain aux juges, le 30 octobre 2013 au cours de l’instruction… Argument qui ne l’a guère aidé. Comme ne l’aurait pas aidé l’argument consistant à répéter qu’il ne savait pas que les deux hommes placés un temps à la tête du Lotus Bleu n’étaient autres que l’ancien et le nouveau mari de Lise Han… Laquelle confrontée avec son ex-bienfaiteur aura cette réplique : "Mes liens avec la mairie étaient connus de tous. Ils figuraient en toutes lettres, sur la fiche d’état-civil que l’on m’avait réclamée à mon entrée au cabinet du maire." Germain n’en démordait pas : il était victime d’une manipulation. Cela aurait très certainement été sa ligne de défense, et celle de son avocat le pugnace Dominique Tricaud lors des audiences.

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