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Comment les primaires bouleversent notre système politique, en 10 leçons
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Idées neuves

Après le PS, l'UMP semble séduite par les primaires. Mais instaurer un tel système implique des changements profonds dans la pratique politique française...

Frédéric de Gorsse

Frédéric de Gorsse

Frédéric de Gorsse est le pseudonyme d'un consultant en poste auprès du gouvernement.

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C’est incontestable, les « primaires citoyennes » marquent un tournant dans la vie politique française, mais quel tournant ? Tentative d'éclairage en dix leçons. 

Leçon N°1 : Les Français n'ont qu'une expérience limitée du processus électoral

En 2012, nous célèbrerons le cinquantième anniversaire de l'instauration de l'élection présidentielle au suffrage universel. Et cela ne fera que la neuvième fois que les citoyens français sont appelés à élire un président de la République au suffrage universel, depuis 1965. Comparée aux Etats-Unis, qui pensent et expérimentent l’élection présidentielle depuis 1789, la France fait l’apprentissage accélérée d’une élection qui n’est pas vraiment fixée, dans une République qui n’a pas le culte des formes constitutionnelles…


Leçon n°2 : Les Français sont très attachés au droit d'élection au suffrage universel

La crainte du bonapartisme et le souvenir du coup d’État du 2 décembre 1851 avaient retardé l’acclimatation du régime présidentiel au parlementarisme républicain. Charles de Gaulle et Michel Debré l’ont imposé en deux temps, en 1958 et en 1962. Mais les Français devaient encore se l’approprier… C’est chose faite et tous les indicateurs d’opinion indique que les Français sont très attachés au droit d’élire au suffrage universel direct le chef d’État…

Longtemps, cependant, la gauche s’est définie, sur le plan institutionnel, par son opposition à la présidence façon Vème République, mais, par une ironie dont notre histoire politique a le secret, c’est l’adversaire le plus virulent du général De Gaulle, le contempteur du « coup d’État permanent », François Mitterrand, qui, le premier, endossa le costume présidentiel au nom du « peuple de gauche ». Le premier, et depuis 1958, le seul…

Leçon n°3 : La droite n'échappera pas aux « primaires citoyennes » en 2017

Est-ce une révolution, qui s’imposera inéluctablement à droite ? Chacun pressent que le candidat de 2017, après Nicolas Sarkozy, ne pourra pas être désigné par un simple collège de militants. Ce vote serait ridicule. Mais la tradition de la droite française est d’avoir toujours plusieurs candidats, dont la légitimité tient à la diversité de ses familles.

De ce point de vue, le grand parti unique est une illusion, qu’une défaite de Nicolas Sarkozy en 2012 devrait immédiatement révéler… La confusion qui semble régner à l’UMP annonce un nouveau chamboulement de la droite française…


Leçon n°4 : La gauche, obnubilée par le succès potentiel aux présidentielles, a la mémoire courte

2012 semble se focaliser autour de cette question qui obsède la gauche française, tout particulièrement le Parti socialiste : l’élection présidentielle est-elle gagnable ? Lionel Jospin voulut tellement apparaître comme celui qui allait « présider autrement » en 2002, qu’il n’endossa jamais vraiment le costume du candidat à la présidentielle, restant Premier ministre jusqu’au bout…

Quant à Ségolène Royal, c’est elle qui imposa l’élément plébiscitaire et populaire dans le choix du candidat socialiste, mais contre la volonté des dirigeants du parti socialiste qui lui en firent payer le prix. Cinq ans plus tard, voilà le PS converti au principe des « primaires citoyennes », ouvertes à tous les électeurs, pour désigner son candidat à l’élection présidentielle. Et, c’est un fait, il gagne son premier pari, celui de la mobilisation de l’électorat, en attirant entre 2 et 3 millions de votants…

Leçon n°5 : Le PS se convertit au principe présidentiel

C’est incontestable, les « primaires citoyennes » expriment la conversion complète du parti socialiste au principe présidentiel, du fait de la forte mobilisation électorale. En effet, sur la base de cette participation, le candidat socialiste peut sans difficultés s’affranchir du programme du PS adopté il y a… six mois !

Leçon n°6 : Les primaires citoyennes « américanisent » la politique française

Et d’autre part, elles changent la forme de l’élection présidentielle, dans ce qu’il est parfois convenu d'appeler une « américanisation de la vie politique », mais qui en réalité va bien au-delà. La polarisation de la vie politique française autour de l’élection présidentielle, accentuée depuis l’adoption du quinquennat en 1995, est un des symptômes de la crise de la capacité de la France à se gouverner. En raison notamment de la défiance, qui nourrit l’obsédante volonté des citoyens de s’exprimer, et en raison du resserrement de la compétition entre la droite et la gauche sur la détention du pouvoir plutôt que sur le bien commun.

Leçon n°7 : La victoire de la gauche en 2012 serait une victoire à la Pyrrhus

Les Français semblent l’avoir déjà compris : la victoire de la gauche le 6 mai 2012 sera, si elle est effective, une victoire à la Pyrrhus. Le président socialiste élu serait dans l’impossibilité de conduire une politique de gauche. Qu’importe, sans doute, pour un grand nombre d’électeurs, puisque le choix est simplifié.

La question se résume à décider le style de président qu’ils préfèrent et dans quelle mesure ils veulent sanctionner le président sortant. Quant à la demande d’alternance qui semble émerger jusque dans les rangs de l’électorat modéré, n’est-elle pas, au fond, un besoin démocratique, une respiration naturelle, un antidote à la sclérose et à l’usure du pouvoir ? L’antisarkozysme ne fait pas une politique, mais il pourrait bien faire une majorité ! C’est bien une étrange élection présidentielle qui s’annonce…

Leçon n°8 : Les partis restent les principaux « détenteurs » de l'élection présidentielle

Que nous disent les primaires sur notre régime politique ? Nicolas Sarkozy a mis en cause l’institution de fait d’une élection présidentielle à quatre tours, contraire à l’esprit de la Constitution. Il a également pointé la mainmise des partis sur l’élection présidentielle que ce système favoriserait inéluctablement…

Cet appel aux fondamentaux de la doctrine gaulliste est-il convaincant et sincère ? En réalité, la mainmise des partis sur l’élection présidentielle est déjà effective et elle s’est renforcée au fil du temps. Mais c’est une mainmise ambivalente : les partis ont la maîtrise matérielle de l’élection présidentielle, et la présidentielle modèle les partis… L’UMP, au fond, n’est-elle pas la énième version du parti présidentiel à droite… Et le PS n’est-il pas le parti présidentiel de la gauche.

Leçon n°9 : Les citoyens français perdent confiance en leurs institutions

La question des primaires, c’est bien l’expression de l’emprise croissante des pratiques démocratiques extraconstitutionnelles sur la forme constitutionnelle. C’est une tendance effectivement préoccupante, qui est un des révélateurs de la crise politique que nous connaissons et qui se traduit par une perte de confiance des citoyens dans les institutions.

La présidence de Nicolas Sarkozy a favorisé cette évolution. L’hyperprésidence théorisée et mise en pratique par le Chef de l’État n’était-elle pas une façon de mettre en place de fait un régime présidentiel en s’affranchissant de la nécessité de changer la Constitution.

Leçon n°10 : Les hommes politiques français doivent apprendre à gouverner autrement

Une partie de la droite française est fascinée par le régime présidentiel américain, qu’elle ne connaît pas : ce régime suppose une séparation des pouvoirs et un renforcement du Parlement.

Nous y viendrons peut-être un jour, par la force des choses, surtout si, renonçant à la mise en concordance des élections présidentielles et législatives, nous apprenons à nous gouverner autrement... En confiant au Président de la République la tâche de fixer les grandes orientations, et d’en négocier les modalités avec un véritable Parlement. Cette combinaison là, qui suppose d’aller vers le bipartisme ou un gouvernement de coalition - indispensable en période de crise -, la Vème République ne l’interdit pas. A condition de réinventer l’esprit de la présidence.

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