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Dailymotion : Emmanuel Macron ravive les démons de la souveraineté économique
©Reuters

Le buzz du biz

Cette semaine, le gouvernement de Manuel Valls a repris le flambeau de la bataille contre les investisseurs étrangers. Cette fois, ce sont les Chinois qui menacent la France : l’exécutif s’est donc opposé à ce qu’ils puissent racheter la plateforme.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Il y a deux ans presqu’exactement, Arnaud Montebourg, chevalier du colbertisme et ministre du redressement productif s’était indigné : lui ministre, l’américain Yahoo! ne rachèterait pas Dailymotion. Celui qui a reconnu depuis « l’arrogance » des politiques qui ignorent tout de la vie économique pratique n’hésitait pas, à l’époque, à se mettre à la place des chefs d’entreprise pour considérer qu’il en allait de « l’intérêt de la France et (de) l’intérêt de Dailymotion ». Plein de ses certitudes, il avait même lancé aux dirigeants d’Orange : « vous ne savez pas ce que vous faites ».

Cette semaine, c’est étonnamment le gouvernement de Manuel Valls qui a repris le flambeau et repris la bataille don quichotesque contre les investisseurs étrangers. Cette fois, ce sont les Chinois qui menacent la France : l’exécutif s’est donc opposé à ce qu’ils puissent racheter Dailymotion, au nom de la « souveraineté numérique », sans que personne ne sache bien ce que cela signifie.

Cette initiative a deux effets potentiellement négatifs pour l’économie française.

Le premier, c’est d’effrayer tous les investisseurs qui commençaient à se tourner à nouveau vers la France.  En 2013, les investissements directs étrangers dans l’Hexagone avaient chuté de 77%, conséquence directe de l’activisme combiné de Messieurs Hollande et Montebourg. A force de leur faire peur avec une fiscalité caricaturale et de décrire leurs interventions comme d’intolérables atteintes à notre souveraineté, les investisseurs étrangers avaient fui, gardant pour d’autres pays leur dynamisme financier. En 2014, au contraire, le mouvement s’était inversé : les responsables français reconnaissaient que ce mouvement positif était directement lié à un affaiblissement du « french bashing ». Il ne serait pas étonnant que celui-ci reparte de plus belle…

Cette promotion de la xénophobie économique par le gouvernement (car comment appeler autrement une politique qui consiste à dénigrer des investisseurs au seul prétexte qu’ils sont étrangers ?), renvoie aux milieux économiques internationaux une message défavorable : « investisseurs de tous les pays, vous n’êtes pas les bienvenus en France car vous y êtes une menace ». Il n’est pas besoin de faire preuve d’un grand effort d’imagination pour envisager la façon dont cela sera rapporté dans la presse internationale… D’autant qu’on ne voit pas bien, a priori, la façon dont Dailymotion met en cause notre souveraineté… et que les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques font déjà l’objet d’un contrôle spécifique en France.

Le second effet négatif de cette prise de position est d’entretenir une illusion sur la politique industrielle de la France, qui ne pourra que produire des déconvenues. Les cimetières économiques – et les bons livres d’histoire – regorgent d’exemples d’entreprises guidées par la vision industrielleprétendument éclairée de l’Etat. Or, contrairement à ce qu’il semble croire, celui-ci n’est pas plus omniscient que qu’un acteur privé : il n’a pas de raison a priori d’être meilleur. En réalité, il est probable qu’il soit même pire car il existe une divergence de taille entre le privé et le public : celui de la responsabilité. Lorsqu’un investisseur privé prend une décision, il met en œuvre son propre argent et en jeu sa propre survie ; lorsque l’Etat prend une décision stratégique pour une entreprise, il n’en assume pas les conséquences et se renfloue systématiquement avec l’argent des contribuables. L’Etat échappe donc aux incitations du marché à se comporter de façon vertueuse, ce qui explique beaucoup de ses échecs. A trop en attendre, la France se prépare à de nouvelles déceptions.

La déclaration malheureuse du Gouvernement sur Dailymotion vient brouiller son message économique, qui revenait pourtant de très loin. C’est d’autant plus dommage qu’il devrait, dans les semaines qui viennent, s’orienter vers une impuissance et une confusion toujours plus grandes s’il réintègre les Verts et les Frondeurs… Alors, les Chinois comme les Américains auront de réelles raisons de ne plus venir investir chez nous.

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