Là où les envies d’entreprise d’Arnaud Montebourg l’ont vraiment emmené pour l’instant<!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg entre en entreprise
Arnaud Montebourg entre en entreprise
©Reuters

Entrepreneur ou cachetonneur ?

Une semaine après sa nomination au poste de vice-président de l'enseigne d'ameublement Habitat, l'ancien ministre Arnaud Montebourg a été nommé jeudi au sein du comité d'orientation stratégique de la société de services en ingénierie informatique Talan.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les multiples reconversions en cours d’Arnaud Montebourg illustrent à merveille l’exercice compliqué que représente, pour une démocratie, l’équilibre entre professionnalisation de la classe politique et retour à la vie active après des responsabilités publiques.

En prenant des fonctions de conseil auprès d’Habitat et de Talan, Arnaud Montebourg s’attire en effet de nombreuses critiques que l’on peut comprendre. Quel rôle un ancien ministre, avocat de son état, peut-il véritablement jouer dans ces entreprises, si ce n’est celui d’apporteur d’affaires, qui met son portefeuille d’adresses tissé avec le temps au service d’une cause privée ? Dans ce cas de figure, la reconversion professionnelle n’est qu’un prolongement supplémentaire de cette confusion des genres, de cette appropriation du pouvoir qui est largement reprochée à nos politiques.

On remarquera bien évidemment que cette tentation d’utiliser son « patrimoine social » constitué au cours d’une carrière publique pour mener une carrière privée n’est pas une originalité d’Arnaud Montebourg. Elle est pratiquée à des degrés divers à gauche comme à droite par des personnalités plus ou moins connues. Le cas d’Arnaud Montebourg retient plus l’attention parce qu’il concerne un ancien ministre, qui avait caressé le rêve d’être Président de la République. Mais il n’est pas exclusif.

Il souligne toute la difficulté que rencontrent les responsables politiques français lorsqu’ils veulent sortir de leur sphère. Une carrière politique, en France probablement plus qu’ailleurs, est un métier à part entière qui est exclusif de toute autre activité. Même les « professions libérales » éprouvent les plus grandes peines du monde à préserver une activité privée compatible avec les mandats publics. Il faut y voir la manie très « ancien régime » de notre République où les citoyens considèrent que le pouvoir est d’essence aristocratique, qu’il est un état, un statut, exclusif de toute autre activité.

Pourtant, si la République veut renouveler sa classe politique décadente et régénérer l’esprit public, il lui faut bien concéder un sort aux actuels titulaires de mandats électifs. On ne peut à la fois se plaindre de la déconnexion des élites politiques avec la réalité - et notamment avec la réalité de l’entreprise, et se plaindre quand ces élites font le choix d’une reconversion (même temporaire ou illusoire) dans une entreprise. C’est une question de tolérance.

Certes, dans le cas d’Arnaud Montebourg, on ne peut s’empêcher de penser que cette reconversion ressemble à une forme d’abus de bien social : les rapports qu’il a construit comme ministre (baroque) du Redressement productif, notamment avec les banques, devraient lui servir dans ses missions nouvelles. Cette utilisation des réseaux publics à des fins privées peut choquer.

Mais, dans l’ordre des reconversions choquantes, on a vu pire. On se souviendra ici de Jérôme Cahuzac occupé à faire le lobbying de laboratoires pharmaceutiques après un passage en cabinet ministériel, ou de Jack Lang quémandant des postes publics après la fin de ses mandats. Au fond, on peut reprocher beaucoup de choses à Montebourg, mais il a au moins le mérite de se prendre en main et de ne pas compter sur des institutions publiques pour assurer son train de vie.

Il n’en reste pas moins que la reconversion des élus mériterait sans doute d’être abordée à froid, parce qu’elle est un élément essentiel à notre démocratie, qu’elle doit être facilitée, en même temps qu’elle doit être intelligemment encadrée. Voilà un équilibre instable qu’il sera difficile d’atteindre.

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