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Peut-on quitter le RSI ?
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Libération

Les dysfonctionnements graves du RSI accompagnent une bataille juridique pour le droit de sortir du régime social des indépendants. La situation se dégrade à vue d'oeil.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Un premier arrêt de la Cour d'Appel de Limoges, en date du 20 octobre 2014, avait accédé à la réclamation du MLPS (Mouvement pour la Liberté de la Protection sociale), qui considérait que le RSI devait être immatriculé comme mutuelle relevant du Code de la Mutualité. Cette décision historique n'avait pas pour seule conséquence d'obliger le RSI à une démarche auprès de l'APCR. Il le faisait aussi brutalement basculer dans le monde de la concurrence: les mutuelles ne peuvent en effet se réclamer du monopole obligatoire réservé par le droit communautaire aux seuls organismes de sécurité sociale. 

Le 23 mars 2015, la même Cour d'Appel rendait un jugement, cette fois sur le droit du RSI a exigé des cotisations auprès d'indépendants qui se sont affiliés dans des caisses étrangères. La jurisprudence (que nous n'avons pas lue) rend cette fois un avis totalement contraire, en rappelant que le RSI est un régime légal de sécurité sociale. Cette décision rend évidemment plus compliquée toute sortie officielle du RSI. 

Dans la pratique, la Cour d'Appel a simplement repris la formulation des ordonnances qui ont créé le RSI. 

Que dit la loi ?

Le RSI est né de l'ordonnance n° 2005-1528 du 8 décembre 2005. Celle-ci indique clairement que le "régime social des indépendants comprend une caisse nationale et des caisses de base. Ces organismes de sécurité sociale dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière sont des organismes de droit privé chargés d'une mission de service public au profit des personnes mentionnées à l'article L. 611-1".  

Le droit communautaire a toujours reconnu aux Etats-membres la faculté d'imposer une affiliation obligatoire à un régime de sécurité sociale non soumis à la concurrence. Ce droit a non seulement fait l'objet de règlements et de directives qui ont justifié que les fédérations AGIRC-ARRCO, par exemple, demandent à en bénéficier, mais il a été confirmé par de nombreuses jurisprudences. Les deux arrêts les plus connus sont les arrêts Poucet et Pistre en 1993 et Garcia en 1996. L'état du droit laisse donc peu d'espoir aux indépendants d'obtenir une "sortie" de la sécurité sociale. 

L'affaire a été relancée par un arrêt de la CJUE de 2013 dit BKK, qui applique la directive sur les pratiques commerciales déloyales à une caisse de sécurité sociale allemande. Le MLPS en tire la conclusion qu'une caisse de sécurité sociale est désormais considérée comme une entreprise soumise à la concurrence. Cette interprétation, qui fait l'impasse sur les considérants de la CJUE, ouvre évidemment une inquiétante brèche dans l'inefficace et ruineux RSI français. 

Dans la pratique, la position du MLPS est très éloignée des dispositions légales françaises.

Une victoire politique des "Libérés" ?

Toutefois, les "Libérés" du MLPS pourraient bien remporter une victoire politique bien plus importante que la défaite juridique à laquelle ils s'exposent à coup sûr. Le combat du MLPS appuie en effet là où ça fait mal: sur l'insatisfaction massive des indépendants vis-à-vis d'un régime ubuesque construit au nom de l'illusoire: big is beautiful. Claude Reichmann, le gourou du MLPS, est parvenu à fédérer derrière lui un mécontentement qui, à court terme, n'aura guère d'impact mais qui, à long terme, érode en profondeur la confiance des assurés vis-à-vis des régimes obligatoires. Et on voit mal comment l'héritage du CNR, au nom duquel le RSI fut créé, pourrait survivre au ras-le-bol de ses bénéficiaires. Il ne repose en effet que sur une "affectio societatis" très éloignée de la contrainte régalienne.  

Cet article a été initialement publié sur le site de Tripalio.fr

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