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Institut du monde arabe : la vindincte anti-Noura de Jack Lang se poursuit au tribunal
©Reuters

Guerre au couteau

Le contrat de restauration qui lie l’Institut du Monde Arabe au traiteur libanais Noura doit-il être résilié ? Le président Jack Lang le pense. Il a saisi la justice. L’audience devant le Tribunal civil a lieu ce jeudi 26 mars. La bataille promet d’être rude. Car en face les arguments juridiques apparaissent solides.La réponse devrait être connue dans un mois.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • - L’audience de ce jeudi 26 mars devant le Tribunal civil de Paris qui oppose l’Institut du Monde arabe (IMA) présidé par Jack Lang et le groupe de restauration Noura promet d’être agitée
  • - L’enjeu : l’annulation ou pas du contrat qui lie depuis octobre 2007 l’IMA à Noura exploitant notamment du restaurant Le Zyriab
  • - Pour l’avocate de Jack Lang, le contrat doit être résilié. Parmi les raisons : des repas de qualité médiocre et des clients mécontents
  • - Pour les avocats de Noura, ces motifs ne tiennent pas. En témoigne le Livre d’or dans lequel les Anne Hidalgo, Najat Vallaud-Belkacem et autres Nathalie Kosciusko se déclarent emballées par le restaurant Le Zyriab
  • - Jack Lang aurait-il commis une bourde  en saisissant la justice sans y avoir été explicitement autorisé par le Conseil d’administration de l’IMA ? Autrement dit, sa démarche serait-elle irrecevable ? Le Tribunal aura aussi à répondre à cette question

C’est une bataille au couteau que vont se livrer devant la justice ce jeudi 26 mars à partir de 14 heures 30, l’Institut du Monde Arabe (IMA) présidé par Jack Lang et le traiteur libanais Noura animé par Paul Bou Antoun.  L’enjeu ? Savoir si l’Institut peut résilier le contrat- qui l’unit à Noura depuis octobre 2007… et qui court normalement jusqu’en 2017. Les relations entre l’IMA et Noura qui exploite depuis 2007 le restaurant "Le Zyriab" au 9e étage, le self dit "Le Moucharabieh" et le café littéraire situé au rez-de-chaussée du bâtiment ont été détendues jusqu’en février 2013. C'est à cette date que Jack Lang prend la présidence de l’IMA. Là, tout se gâte. L’ancien ministre de la Culture exige des ristournes pour ses repas au restaurant. L’Institut règle les factures avec retard. Jusqu’à 90 jours... Mais surtout, les choses s’enveniment lorsque l’IMA, via son avocate, Me Andrée Fougère, adresse le 17 octobre 2014, une lettre à Paul Bou Anton pour lui annoncer que son contrat était caduc et qu’il devait quitter les lieux.

Motif invoqué ? Les repas offerts ne seraient pas de bonne qualité ;  certains produits ne seraient pas toujours frais et les clients seraient mécontents. Un discours que conteste totalement le traiteur. Désormais, l’atmosphère est telle que les deux partenaires ne se parlent plus que par avocats interposés. Un petit jeu qu’ils vont poursuivre ce jeudi 26 mars. A ma gauche donc, devant le Tribunal civil, Me Andrée Fougère, conseil de l’IMA et de Jack Lang. A ma droite, Mes Gilles Hittinger-Roux et Mbaye Diagne, conseils de Paul Bou Antoun. Dans cette joute, ce sera à Me Fougère d’exposer la première  ses arguments puisque c’est elle qui, dans des conclusions fleuve – 117 pages, assorties de 207 pièces –, a assigné la maison Noura  pour dénoncer les griefs à son encontre. D’abord, le traiteur persisterait, en dépit de mises en demeures, à fournir une prestation restauration de très quelconque. Et l’IMA de sous-entendre que si, tel n’était pas le cas, le restaurant "Le Zyriab" aurait été sélectionné par le guide Michelin.

Autre reproche : Noura, pourtant alerté par Jack Lang sur « l’absence de maîtrise de cuissons et des saveurs » n’a pas tenu compte de ses remarques. Sur les deux autres espaces de restauration,[ le self et le café littéraire], à en croire le procès-verbal du comité d’hygiène et de sécurité du 6 mai 2014, la critique est tout aussi virulente. On y lit : "La qualité des repas est très aléatoire. Il n’y a plus de fruits, cela fait cinq mois que personne n’a vu de salade de fruits. Il y a rarement du fromage. Les commandes ne sont pas faites régulièrement. Il y a souvent une grande sauce et l’on ne voit pas ce qu’il y a dedans" Toujours ce jeudi 26 mars, l'IMA, ne se privera pas d’affirmer que Noura oublie de communiquer les attestations de contrôle d’hygiène. Ultime grief : Noura ne possède pas sa propre clientèle. Laquelle n’est composée que des visiteurs  de l’Institut. De plus, martèle Me Fougère, le contrat passé entre l’IMA et le traiteur libanais est un contrat  de droit public, puisque l’ IMA est une personne morale  de droit public... 

Conséquence : il peut y mettre fin dès l’instant où le délégataire –Noura en l’occurrence- manque à ses devoirs. CQFD. Exit Noura. La voie est libre pour un autre partenaire. Lequel, selon un nouvel appel d’offres lancé en catimini fin 2014, devra accorder toute une série d’avantages au président – Jack Lang donc-  Voici ce qu’on y lit : "Le président de l’IMA devra bénéficier gracieusement, et dans la limite de 1000 couverts  par an d’une table ouverte au Zyriab à longueur d’années". Si l’on poursuit, on lit encore : "le délégataire  devra également assurer gracieusement un service café, thé, soft dans le bureau du Président lorsque celui reçoit des personnalités"

Inutile de le dire, ce jeudi 26 mars,  les avocats du groupe Noura, Mes Gilles Hittinger-Roux et MBaye Diagne vont s’attacher à contester,  puis démolir les conclusions de l’adversaire en tentant de convaincre le Tribunal que le bon droit est de leur côté. En guise d’entrée en matière, ils feront valoir, précisément, un argument de droit... De poids. En clair : la demande de l’IMA est irrecevable. Primo, Jack Lang, pour la formuler, devait obtenir l’autorisation du conseil d’administration. Ce qu’il n’a pas eu. Deuxio : l’IMA étant subventionné par des fonds publics,  à hauteur de 12 millions d’euros, il devait obligatoirement, avant de saisir la justice, solliciter le feu vert du contrôleur financier conformément à un arrêté du 28 mars 1996. Ce qui n’a pas été fait. A cela s’ajoute une autre erreur : le contrat passé entre l’IMA et Noura, n’est en rien un contrat de droit public, mais un contrat de droit privé. *

Et pour cause : Noura est une entreprise privée et le co-contractant, l’IMA n'est pas un établissement public, mais une fondation type association loi de 1901, donc privée elle aussi. Aussi, la demande de résolution, comme la réclame l’avocate de l’IMA, s’avère impossible. Cette dernière semble avoir perçu son erreur puisque dans ses conclusions, elle fait désormais allusion à un contrat sui generis , notion qui  selon Me  Diagne n’a pas lieu d’être dans ce débat. Après cette leçon de droit, sur laquelle le Tribunal se prononcera dans un mois, les avocats du traiteur aborderont le fond. A savoir, les différents reproches qui lui sont faits. D’abord, la question de l’absence de clientèle. Et pour cause, avance l’IMA, c’est souvent le personnel qui fréquente self, café littéraire et Le Zyriab... Faux. Archifaux, rétorqueront Mes Hittinger-Roux et Diagne. En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2014, le chiffre d’affaires de Noura a atteint 222 000 euros pour le self ; 75 000 euros lors du seul mois de janvier 2015, pour Le Zyriab... Sommes ridicules par rapport aux 2,9 millions de chiffre d’affaires annuel pour Noura qui peut compter sur une clientèle qui lui est propre et fidèle. Et qui, surtout n’est pas nécessairement une habituée des visites à l’Institut du Monde Arabe.

Ensuite, le débat sur la qualité des produits. Sur le sujet, aucun reproche ne peut être formulé, plaidera Noura. Et de montrer au tribunal, les bons de livraison, de kilos de viande ou de salade achetés chaque jour. Quant à la supposée qualité médiocre du restaurant Le Zyriab, Noura n’éprouvera aucune difficulté à prouver le contraire… Comment ? Tout simplement en remettant le Livre d’Or du restaurant où l’on découvre les noms de personnalités, à en croire leur dédicace, très satisfaites. Comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Aurélie Filippetti, Najat Vallaud-Belkacem, Pierre Moscovici, Anne Hidalgo  ou l’ambassadeur d’Autriche à Paris. Enfin, les avocats du traiteur garderont pour la fin de leur exposé une analyse du fameux contrat de 2007 conclu entre l’IMA et Noura. Il stipule bien que le traiteur détient l’exclusivité des diverses manifestations (cocktails, dîners, petits déjeuners etc…) Or, les trois juges du Tribunal vont avoir entre les mains une longue liste de manifestations (au moins une trentaine) qui attestent que des concurrents de Noura ont bénéficié de faveurs de la part de l'IMA. Ainsi, lors de la Fête de la Musique le 21 juin 2014, une réception pour 500 personnes a été confiée à la société Le Calife.

Le 9 février 2015, la société Atlas a organisé un cocktail pour 600 personnes. Le 10 mars 2015, l’organisation d’un petit déjeuner pour 100 personnes a été attribuée à l’entreprise Duval. Et bien d’autres  gentillesses accordées à d’autres bienheureux concurrents. Selon Noura, les dites gentillesses ont entrainé  un manque à gagner d’environ  750 000 euros. Aussi demandera-t-il au tribunal des dommages -et-intérêts d’un montant équivalent. Avec en prime, 250 000 euros  pour le préjudice moral subi puisque depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2012 une personne morale peut invoquer un tel préjudice. Bref, la guéguerre entre l’Institut du monde arabe et le traiteur Noura se poursuivra encore quelques heures au cours de cet après –midi du 26 mars. Le temps pour ce dernier de rappeler que l’IMA lui doit encore 5059, 0 euros au titre de factures impayées…  

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