Le plafond ? Comment le FN a épuisé ses réservoirs de voix chez les autres partis<!-- --> | Atlantico.fr
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Le second tour s'annonce moins favorable au Front national
Le second tour s'annonce moins favorable au Front national
©Reuters

Tout a une fin

A moins qu'advienne un bouleversement politique, et/ou économique majeur, le Front national ne peut plus compter que sur ses sympathisants qui se sont abstenus lors du premier tour de ces élections départementales pour faire la différence avec les autres partis.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : La droite et ses alliés ont remporté 29,4% des voix au premier tour de ces élections départementales, devançant le Front National, qui vient se fixer à 25,19 %, et le PS et ses alliés, qui n'enregistrent que 21,85 %. Pour le moment 196 binômes de droite ont déjà été élus, 50 à gauche et 6 au FN. Où le FN enregistre-t-il ses plus fortes progressions ?

Yves-Marie Cann : Cette fois-ci, le FN est présent dans la quasi-totalité des cantons, ce qui permet d'y voir un peu plus clair que lors des précédentes élections de 2011, où le parti n'était présent que dans 70 % des cantons renouvelés. A la lecture des résultats de dimanche, on voit s'affirmer des tendances continues depuis l'arrivée de Marine Le Pen à la présidence du Front national, avec les élections municipales, puis les européennes, où le parti est arrivé en tête des votes. La géographie du vote FN semble assez peu évoluer par rapport à celle qui existait lorsque Jean-Marie Le Pen était aux manettes, avec un différentiel assez fort entre l'ouest et l'est du pays, ce dernier étant beaucoup plus marqué FN. Il faut garder à l'esprit qu'en tendances, le FN, tout en gardant ses zones de force traditionnelles, progresse dans les régions où traditionnellement les électeurs étaient a priori, du moins le pensait-on, moins perméables aux idées frontistes. Le FN progresse partout.

Regardons l'exemple de la Bretagne, qui pendant longtemps a été présentée comme une terre démocrate-chrétienne, peu réceptive aux idées du FN. Dans le département des Côtes d'Armor, le parti enregistre un bon score, certes inférieur à sa moyenne nationale (plus de 25%), mais qui le place en tête des partis, avec 18,99 %. Une telle chose était inimaginable il y a seulement cinq ans. Dans le Finistère, le FN a obtenu 15,7% des voix. Il confirme ainsi les bons résultats inédits obtenus lors des européennes.

Ces percées montrent bien que le FN progresse partout en France, même là où il n'y a pas si longtemps il était habitué à enregistrer des contre-performances par rapport à son résultat national.

Au vu de ces résultats, le FN a-t-il potentiellement encore beaucoup de voix à "récupérer" dans les autres formations politiques, ou devra-t-il miser sur les abstentionnistes du premier tour ?

Jérôme Fourquet : Nous arrivons à des niveaux très élevés. Historiquement le FN ne dépassait pas les 15 %, nous nous trouvons aujourd'hui aux alentours de 25. Toute une partie des autres électorats ont déjà été "siphonnés" par le FN. Il reste encore des électeurs à aller chercher dans l'abstention, mais pour le moment, sans évolution politique ou économique majeure, la capacité à aller chercher des voix dans les autres électorats est très diminuée, car les électeurs anciennement de droite et de gauche ont déjà basculé depuis quelques temps dans l'électorat FN.

Yves-Marie Cann : La réserve de voix du côté des abstentionnistes est importante : dimanche, les binômes du FN ont recueilli 5.100.000 suffrages exprimés. C'est un niveau record pour des élections locales, meilleur que lors des européennes, mais ceci-dit, nous nous trouvons en-dessous du nombre de voix totalisées par Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2012, autour de 6.400.000 voix. Le Front national dispose donc d'une réserve potentielle de plus d'un million de voix, qui peuvent se mobiliser au second tour et voter pour un binôme du Front national. Ce scénario est d'autant plus possible que nous constatons que l'électorat frontiste est l'un des plus fidèles d'une élection à une autre, et d'une élection nationale à une élection locale. Le CSA a réalisé une estimation au soir des élections, dont il ressort que sur 100 électeurs de Marine Le Pen à la présidentielle, environ 36 % se sont abstenus. Le FN peut donc compter sur une meilleure mobilisation de ses électeurs dans les cantons où il est en passe de l'emporter au second tour.

Au-delà de ce socle, on peut se demander dans quelle mesure le FN peut encore prendre des voix aux autres formations politiques pour gonfler son capital électoral. Aujourd'hui le Front National récupère une partie de l'électorat de Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2012, et une partie de la gauche. Le jeu reste ouvert, car beaucoup d'incertitudes persistent quant à l'évolution de la conjoncture économique d'ici 2017. Si les représentants de gauche comme de droite ne peuvent se prévaloir de résultats et de nouvelles propositions, alors le FN pourrait profiter des voix d'électeurs qui hésiteraient encore à franchir le Rubicond. On n'est jamais à l'abri d'un mouvement d'humeur, et d'ici 2017 il y a encore les élections régionales à la fin de l'année 2015.

Qu'est-ce que cela nous apprend sur le nombre d'électeurs passés du Front de gauche au FN ?

Yves-Marie Cann : L'extrême-gauche réalise traditionnellement des scores assez faibles, ses transferts d'électeurs ne sont pas le principal facteur explicatif de la poussée du Front national. Je dirais même que c'est un phénomène marginal. Traditionnellement les zones de force du FN se trouvent sur le pourtour méditerranéen, et se sont étendues aux régions du quart nord-est. Le FN réalise d'excellents résultats dans des régions sinistrées d'un point de vue économique. Dans le quart nord-est, le FN est en tête dans de très nombreux départements. La population, qui a le sentiment de perdre pieds économiquement et d'avoir disparu des écrans radar de la classe politique traditionnelle, se raccroche à une alternative, à savoir le FN.

A-t-on une idée du nombre d'électeurs "volés" par le FN aux partis traditionnellement ancrés dans certains départements ?

Yves-Marie Cann : Ces données-là ne sont pas encore disponibles à l'heure où je vous parle, mais je doute que nous ayons de véritables surprises par rapport à ce que nous avons vu au moment des élections municipales et européennes. Dans le Pas-de-Calais, les populations votaient traditionnellement à gauche, soit communiste, soit socialiste. Le temps passant et les usines mettant la clé sous la porte, le vote a progressivement basculé de la gauche de la gauche vers le FN, le cas emblématique étant la ville d'Hénin-Beaumont. Il est frappant de constater que le FN a emporté la mairie sur un effondrement de la gauche, sans que la droite traditionnelle n'en profite.

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